Aline Perraudin: «Comment j'ai renoncé à la viande»

Par Anne-Laure Denans - Nutritionniste, naturopathe Publié le 22/06/2016 Mis à jour le 03/04/2017
Point de vue

Dans 100 jours sans viande (Flammarion), la directrice de la rédaction de Santé Magazine raconte comment elle a réussi à renoncer aux steaks. LaNutrition.fr l'a rencontrée.

(Photo Astrid Jamois © Flammarion)

Aline Perraudin est directrice de la rédaction de Santé Magazine. Dans son livre, elle raconte son expérience de l'alimentation végétarienne et donne de nombreux conseils pour suivre son exemple.

LaNutrition.fr : On trouve déjà de nombreux ouvrages sur le végétarisme. Pourquoi avoir écrit 100 jours sans viande ?

Aline Perraudin : Il existe en effet de nombreux ouvrages qui expliquent comment passer au régime végétarien. Cela paraît plutôt simple quand on les lit mais, quand on essaie de passer à la pratique, c’est une autre histoire… Du coup, on peut se culpabiliser de ne pas être arrivé(e) à se passer de viande. L’objectif de « 100 jours sans viande » c’est justement de montrer que ce n’est pas forcément facile d’arrêter la viande. Je témoigne de 2 « rechutes » lors desquelles j’ai craqué pour un morceau de viande.
Je relate dans cet ouvrage les différents obstacles auxquels j’ai été confrontée et comment j’ai réussi à les surmonter.
Je me sers de cette expérience pour donner des conseils pratiques à ceux et celles qui souhaitent tenter l’aventure. « 100 jours sans viande » est réellement mon témoignage mon carnet de bord, moi, une Bourguignonne qui, même si elle n’était pas une grande consommatrice de viande, a été élevée dans la tradition culinaire française, appréciait les plats du terroir et la viande de qualité.

Qu’est-ce qui vous a conduit à vous lancer dans ce défi de vous priver de viande du jour au lendemain ?

Cette décision a été le fruit d’un long processus de réflexion : j’étais en dissonance depuis longtemps avec mon alimentation omnivore. J’aimais la viande mais en manger me culpabilisait.
On ne peut pas dire que j’avais une consommation excessive de viande mais j’ai été élevée dans la tradition française, qui accorde une place importante à l’alimentation carnée. Je mangeais de la viande sans penser aux animaux ni à la manière dont ces bêtes étaient tuées.
Ma prise de conscience a commencé lors de mon enfance. Je me posais déjà pas mal de questions mais à l’âge de 11 ou 12 ans, lors d’un barbecue géant, où étaient exposés saucisses, merguez, côtes de porc, de bœuf… J’ai imaginé le cochon de lait abattu alors qu’il n’avait que 6 semaines. Je n’ai pas pu en manger.
Et puis il y a  eu le scandale de la vache folle… Les différents scandales des abattoirs industriels et des élevages dans lesquels les cochons, les poules ne voient jamais le jour…
Sans compter l’aspect environnemental : la FAO a évalué à 14,5% les émissions des gaz à effet de serre issus de la filière de l’élevage !
Bref, ce sont réellement des raisons éthiques qui m’ont conduite à arrêter la viande et partager cette expérience.

Aujourd’hui les gens sont confrontés aux images chocs des abattoirs, pourtant les végétariens restent peu nombreux en France. Pourquoi selon vous?

C’est vrai qu’on voit de plus en plus d’images chocs qui suscitent des émotions chez les gens mais le plaisir gustatif l’emporte. En France, la viande fait partie de la culture culinaire. On le voit dans le PNNS (Programme national nutrition santé) qui valorise la protéine animale à l'inverse des recommandations officielles d’autres pays comme le Canada.
L’argument historique est devenu un fondement alors qu’on n’a jamais mangé de telles quantités de viande. Au paléolithique, les hommes ne mangeaient pas de la viande tous les jours ! La dérive est venue du fait que l’on s’est arrêté sur le repas type bourgeois dans lequel la viande représente le statut social. On sent vraiment le poids de l’histoire et tous les freins que cela entraîne pour faire évoluer les choses lorsque l’on entend les affirmations suivantes: « C’est le propre de l’homme de manger de la viande » et « les animaux sont à notre disposition »…
Mais tout cela est en train de changer lentement « Aujourd’hui, 27% des non végétariens seraient prêts à devenir flexitariens » (mangeurs de viande occasionnels) selon un sondage réalisé en 2012 pour Terra Eco.

Différentes études montrent les atouts santé du régime végétarien. Cela vous a-t il encouragé dans votre démarche ?

C’est vrai que l’impact santé d’un régime végétarien équilibré a été mis en avant dans de nombreuses études. Encore tout récemment, la publication d’une équipe de Harvard montre que le régime végétarien est lié à un risque plus faible de diabète de type 2.
Et puis il y a eu l’annonce de l’OMS qui a classé la charcuterie dans la catégorie des « cancérogènes pour l’homme » et la viande rouge dans celle des « probablement cancérogènes ».
Suite à cette dernière, de nombreux Anglais se sont inquiétés pour leur traditionnel petit déjeuner avec le bacon.

Faut-il se poser la question du risque de carences lorsque l’on arrête la viande ?

On ne prend pas grand risque en continuant de manger du poisson, des œufs et quelques produits laitiers. Je consomme également des céréales et légumineuses. J’ai tout de même envoyé mes menus à un nutritionniste pour avoir un avis. Celui-ci m’a confirmé que je n’avais aucun souci à me faire. J’ai même fait un bilan sanguin pour voir où j’en étais, entre autres pour la vitamine B12 et le fer. Tout va bien, je ne suis pas anémiée.

Peut-on arrêter la viande sans se « désociabiliser » ?

Au début, surtout dans le milieu professionnel, je ne souhaitais pas forcément justifier mes choix alimentaires. Le fait de continuer à consommer du poisson m’a rendu les choses plus faciles. Aujourd’hui, j’assume mes choix et je n’hésite pas à expliquer aux personnes qui me le demandent, pourquoi je ne mange pas de viande. Je leur retourne même la question : « Et toi pourquoi manges-tu de la viande ? ».
Il devient de plus en plus facile de ne pas manger de viande au restaurant avec les cuisines d’influence asiatique et autres, et on trouve de plus en plus de restaurants qui proposent dans leur carte, un menu végétarien. Pour les repas en famille ou avec des amis, cela est plus simple. On peut être ensemble et manger des choses différentes. De toute façon, on va de plus en plus vers des régimes individuels. Certains sont sans gluten, d’autres intolérants à tel ou tel aliment…

Pensez-vous que le coming out végétarien de célébrités comme Djokovic ou Johny Depp puisse aider à rendre ce régime plus populaire ?

C’est bien que l’on montre que l’on peut être sportif de haut niveau et végétarien ou encore que l’on montre des gens qui sont végétariens et bien dans leur peau : cela peut estomper les idées reçues et donner envie de tenter le végétarisme. Par contre devenir végétarien doit être une envie propre et non un effet de mode car sinon, il y a peu de chances que cela soit durable.

Que pensez-vous des aliments simili carnés ? Peuvent-ils aider à arrêter la viande ?

Ils peuvent aider à arrêter la viande surtout au début lorsque l’on a envie de retrouver le goût de viande. Ce sont de bons aliments de transition. On trouve une offre de plus en plus étendue : il y a des boucheries végétales, certains restaurants proposent des burgers végétariens. Par contre attention aux additifs, au sel et au sucre qui font partie de leur composition.

Comment avez-vous fait pour vous familiariser avec la cuisine végétarienne ?

Il faut réapprendre à cuisiner et à recomposer son assiette. Passer de l’assiette classique viande-accompagnement à la trilogie légumineuses-céréales-légumes (on peut passer par l’étape intermédiaire simili carné-légumes). J’ai pris quelques cours de cuisine végétale pour commencer. Cela m’a permis d’être plus à l’aise pour cuisiner les légumes. J’ai appris à les découper, à les préparer en julienne…Cela m’a par ailleurs permis de voir que j’étais à l’aise pour cuisiner les légumes contrairement à la viande. Pour les personnes qui finissent tard le soir comme moi, des solutions existent : on peut acheter des lentilles déjà cuites, des légumes surgelés afin de gagner du temps.
Il faut comprendre que l’on peut remplacer le plaisir de la viande par un autre. Contrairement aux idées reçues, le végétarisme n’est pas triste ou non épicurien. Au contraire, il m’a permis de découvrir ou redécouvrir de nouveaux aliments, de nouvelles saveurs. J’ai par exemple redécouvert les légumineuses. Au final on mange des choses beaucoup plus variées !

Quels sont vos projets pour la suite ? Arrêter le poisson, devenir vegan ?

Il me paraît difficile, socialement, d’arrêter le poisson. Il est vrai qu’au niveau éthique, il serait logique d’aller vers la non exploitation animale et vers le véganisme mais cela devient compliqué à appliquer de façon quotidienne. Il m’arrive de manger vegan certains jours.
J’ai encore plein de choses à découvrir dans l’alimentation végétarienne notamment dans les cuisines thaï et indienne. Mes projets sont de continuer à explorer la gastronomie végétale et y prendre encore plus de plaisir !

Propos recueillis par Anne-Laure Denans.

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