Les déodorants avec aluminium favorisent-ils le cancer du sein ?

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 27/09/2016 Mis à jour le 10/03/2017
Une étude expérimentale relance le débat sur ces produits cosmétiques, que LaNutrition conseille, par précaution, d'éviter.

La question de la sécurité des déodorants/antitranspirants à base d'aluminium est à nouveau posée par les résultats d’une étude expérimentale conduite par le docteur Stefano Mandriota et le professeur André-Pascal Sappino, ancien chef de cancérologie aux Hôpitaux universitaires de Genève. Ils sont publiés dans l’International Journal of Cancer.

En 2012, ces chercheurs avaient montré que l’aluminium – à des doses 1500 à 100 000 fois inférieures à celles contenues dans les déodorants – altère et transforme, in vitro, les cellules mammaires humaines. Cette fois, ils ont testé leur hypothèse sur l’animal. Ils ont utilisé des cellules mammaires de souris qu’ils ont transformées avec des sels d’aluminium. Après quatre à six mois d’exposition, ces cellules ont ensuite été injectées à des souris. Résultats : à des doses très faibles, des tumeurs explosives, avec des métastases, sont apparues.

C’est une découverte importante pour le Pr Sappino, qui rappelle que 90% des cancers sont liés à des facteurs environnementaux et que le cancer du sein « augmente dans nos sociétés, en particulier chez les femmes de moins de 50 ans. » Il fait aussi remarquer que 80 % de ces cancers sont situés dans le cadran supérieur externe : près de l'aisselle, là où l'épiderme est extrêmement perméable et où se trouve le réseau lymphatique qui draine la glande mammaire. 

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Des preuves manquantes

Reste que les mécanismes par lesquels l’aluminium serait cancérogène ne sont pas élucidés, même si un effet estrogénique a été évoqué. Par ailleurs, on ne trouve pas plus d’aluminium dans les tissus mammaires sains que dans les tissus de femmes ayant un cancer. Enfin les études ne montrent pas de manière concluante que les femmes qui utilisent des déodorants ou des antitranspirants (avec ou sans aluminium) ont un risque plus élevé de cancer. Une étude de 2002 n’a pas trouvé de lien (1) ; une étude de 2003 a en revanche suggéré que les femmes qui faisaient appel à ces produits et se rasaient les aisselles avaient connu un diagnostic de cancer plus tôt que celles qui n’avaient pas ces pratiques (2). En 2006, une autre étude n’a pas trouvé de lien entre l’usage de déodorants/antitranspirants et le risque de cancer du sein (3). A noter que toutes ces études portaient sur un nombre limité de personnes, ce qui en limite la portée.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) n’exclut pas que l’utilisation répétée de déodorants à base d’aluminium puisse comporter des risques pour la santé. En 2011, elle a recommandé de ne pas utiliser de déodorant contenant des sels d'aluminium après rasage ou en cas de lésion, et de limiter à 0,6 % leur concentration en aluminium. Or la teneur en aluminium n’est pas mentionnée sur les produits et la Commission de Bruxelles n'impose pas de seuil. En 2012, le journal 60 millions de consommateurs a conclu que 6 déodorants sur 14 testés avaient des concentrations en aluminium supérieures au taux préconisé.

L’avis de LaNutrition : Nous conseillons depuis l’origine de ne pas utiliser de déodorants renfermant des sels d’aluminium. Si les soupçons sur le risque de cancer du sein ne sont pas complètement étayés, un autre risque existe, celui de la migration du chlorhydrate d’aluminium présent dans les déodorants/antitranspirants vers d’autres organes comme le cerveau, sous forme d’hydroxyde d’aluminium, où il pourrait favoriser les maladies neurodgénératives. La même prudence est de mise pour l’aluminium des vaccins, celui ajouté à l’eau de distribution, et la cuisson d’aliments acides dans du papier d’aluminium (ainsi que la cuisson de tous types d'aliments, y compris l'eau dans les casseroles en aluminium, non revêtues, mais celles-ci ont pratiquement disparu). A noter que les déodorants à base de pierre d’alun posent les mêmes risques potentiels que les déodorants à l'aluminium.

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Sources complémentaires :

(1) Mirick DK, Davis S, Thomas DB. Antiperspirant use and the risk of breast cancer. Journal of the National Cancer Institute 2002; 94(20):1578–1580. 

(2) McGrath KG. An earlier age of breast cancer diagnosis related to more frequent use of antiperspirants/deodorants and underarm shaving. European Journal of Cancer 2003; 12(6):479–485.

(3) Fakri S, Al-Azzawi A, Al-Tawil N. Antiperspirant use as a risk factor for breast cancer in Iraq. Eastern Mediterranean Health Journal 2006; 12(3–4):478–482.  

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