Ce que mangeaient nos ancêtres...

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 26/04/2006 Mis à jour le 15/02/2017
L’épidémie d’obésité touche deux Américains et un Français sur dix. Le diabète progresse. Sans parler des maladies cardio-vasculaires et des cancers dont le reflux se fait attendre. A l’origine de ces maladies non-transmissibles : l’interaction de facteurs génétiques et environnementaux, dans lesquels l’alimentation tient une large place. Le Dr Boyd Eaton (université Emory, Atlanta, Georgie) a émis en 1985 l’hypothèse qu’un retour au régime alimentaire préhistorique pourrait nous rendre non seulement la ligne, mais aussi la santé...

Selon Boyd Eaton, en effet, si les gènes ont peu changé depuis le paléolithique, il y a 40 000 ans, notre alimentation a été bouleversée par l’avènement de l’agriculture il y a dix mille ans, et surtout par la révolution industrielle. « Nous ne sommes plus, dit-il, adaptés génétiquement au mode alimentaire actuel. L’alimentation paléolithique ou pré-agricole peut donc être considérée comme un modèle pour la nutrition moderne.»

Que mangeaient nos ancêtres ?

Premier constat : les produits de la cueillette y abondent : fruits, légumes, plantes sauvages, baies, noix, rhizomes fournissent jusqu’à 70% de la base de subsistance. Les végétaux sont consommés peu après leur cueillette, sans transformation. Les plantes d’alors sont plus riches en protéines que les céréales modernes, et surtout plus généreuses en vitamines, minéraux et composés phytochimiques. Sur la base d’un apport énergétique quotidien de 3 000 calories (kcal), Eaton estime que nos ancêtres du Paléolithique supérieur recevaient 3 à 10 fois plus de vitamines que nous. Pour la vitamine C, que l’homme est l’un des rares êtres vivants à ne plus synthétiser, Boyd Eaton estime que Cro-Magnon en recevait 600 mg par jour, soit 6 fois les apports actuels conseillés. L’alimentation paléolithique apporte aussi significativement plus de calcium (jusqu’à 2 fois les doses recommandées) et surtout de potassium : 10 g au lieu des 2,5 g actuel. Comme le sel est une denrée rare, le ratio sodium/potassium, un marqueur du risque d’hypertension, est au moins 30 fois plus bas qu’aujourd’hui !

A côté des produits de la cueillette, la viande occupe une place importante, indique Marylène Patou-Mathis, chargée de recherche à l’Institut de Paléontologie Humaine (Paris). A partir du dosage des isotopes du carbone et de l’azote dans les ossements retrouvés, mais aussi de l’analyse des stries dentaires par microscope à balayage électronique, se dégage l’image d’ancêtres carnivores, même si la plupart des travaux portent sur les Néanderthaliens, branche cousine de nos Sapiens Sapiens. « Les Néanderthaliens ont un régime de type loup, dit-elle. Mais les Sapiens Sapiens sont aussi très carnivores. » La chasse, mais aussi le charognage des gros animaux fournissent des muscles et surtout des abats, très recherchés pour leur haute densité nutritionnelle. Au total, Boyd Eaton estime que les hommes du paléolithique se procuraient 30% de leurs calories sous la forme de protéines, soit deux fois les apports actuellement conseillés pour la population française.

Mais la viande du Paléolithique n’est pas celle de votre boucher. « Les animaux sauvages qui se nourrissent de plantes sauvages donnent une viande maigre, dont le contenu en graisses ne dépasse pas 4%, au lieu de 25% aujourd’hui» dit le Dr Artemis Simopoulos (Washington, DC). Boyd Eaton en déduit que l’alimentation paléolithique était relativement pauvre en matières grasses : 22% des calories, soit 8% de moins que les apports conseillés. Mais ce niveau a probablement fluctué selon les époques (froides ou chaudes) et les zones géographiques. La fracturation des os longs signe en effet la recherche de moëlle, source de graisse. Marylène Patou-Mathis relève que des femelles ont été chassées, vraisemblablement pour leur viande plus grasse. « A certaines périodes, les Préhistoriques consomment des femelles gravides, pour leur placenta et leur fœtus. De très jeunes animaux sont abattus, là encore pour la richesse en graisses. » Ces graisses réalisent un équilibre quasi-idéal entre les deux familles d’acides gras essentiels, Oméga 3 et Oméga 6. « L’homme préhistorique trouvait ces deux familles dans la proportion physiologique de 1 pour 1, alors que le ratio actuel est de 20 pour 1 en faveur des Oméga 6, » précise Artemis Simopoulos. Les Préhistoriques ne consommant aucun laitage, Simopoulos a calculé qu’ils reçoivent deux à trois fois moins de graisses saturées que l’homme moderne.

A quoi ressemble ce lointain ancêtre ? « Il est grand, 1,70 m à 1,80 m », répond le Dr Bruno Mercier (Perpignan), auteur d’une prochaine thèse sur le sujet. « Il semble en bonne santé, pour autant que les os parvenus jusqu’à nous puissent en témoigner. Pas de caries. Pas de signe de goutte, en dépit du régime très carné. Peu ou pas de trace de pathologies infectieuses, rien qui évoque l’ostéoporose ou les carences nutritionnelles. »

 

La révolution agricole

Changement de décor dès la fin du Paléolithique supérieur, avec la percée des céréales, négligées jusqu’alors. « Contrairement aux espèces domestiquées, les céréales et légumineuses sauvages libèrent spontanément leurs graines, qu’il suffit de ramasser. Cette cueillette apparaît vers – 19 000 ans, précise George Wilcox (CNRS, Berrias). Des grains de blé amidonnier, d’orge, de lentilles ont été retrouvés à Ohalo II, en Israël. La domestication de ces plantes s’établira progressivement jusqu’à – 9 000 ans. » C’est alors le début du Néolithique, qui préfigure l’alimentation moderne. « Bien avant que les céréales soient cultivées, il y a des meules dans chaque maison », témoigne Aimé Bocquet, qui préside le Centre de documentation de la préhistoire alpine (Grenoble). « On y prépare un pain bluté, proche de celui vendu dans nos boulangeries. » C’est certes à l’agriculture et à l’élevage que l’humanité doit sa formidable expansion. Mais avec la farine céréalière apparaissent les premières caries. Les dents et les os du Néolithique portent la trace de carences provoquées par le raffinage, mais surtout l’acide phytique des céréales, un composé anti-nutritionnel qui piège les minéraux. Comme l’alimentation carnée et la part des protéines reculent, cette époque est marquée par une nette diminution de la taille moyenne. De nouveaux aliments vont achever de balayer le régime préhistorique : sel, sucre, et surtout laitages. La plupart d’entre nous restent d’ailleurs incapables de digérer le lactose (sucre) du lait, parce que nous ne synthétisons presque plus de lactase, l’enzyme nécessaire à sa transformation, après l’enfance. D’où les manifestations digestives (ballonnements, diarrhées, flatulence) chez la majorité des adultes qui boivent du lait.

 

Le régime préhistorique, facteur de santé ?

Pour le Pr Bernard Jacotot (Hôpital Henri-Mondor, Créteil, Val-de-Marne), le régime paléolithique mérite largement sa réhabilitation actuelle. « Les apports en graisses y sont faibles, ce qui est compatible avec la prévention des maladies coronariennes et de l’obésité. Fruits, légumes, noix apportent des fibres, qui contribuent aussi à l’équilibre lipidique. Les farineux sont limités, ce qui est une bonne chose car leurs glucides complexes ont des index glycémiques trop élevés. »

L’index glycémique, c’est-à-dire la capacité d’un aliment à élever le sucre sanguin, a capté récemment l’attention des spécialistes de santé publique. Les IG les plus élevés se retrouvent dans les aliments apparus depuis le Néolithique : pain blanc, pâtisseries, céréales du petit déjeuner, sucreries ou pommes de terre. « Les Américains n’ont cessé de diminuer la part des graisses dans leur alimentation, mais l’obésité n’a fait qu’augmenter, probablement parce qu’ils ont remplacé les graisses par ces glucides modernes, » analyse le Dr Michael Zermel (université du Tennessee, Knoxville). « Nous pensons qu’il est plus facile de contrôler son poids avec des glucides à IG faible qu’à IG élevé. » Le Dr David Ludwig, un chercheur de l’Hôpital pour enfants de Boston (Massachusetts) a montré qu‘après un repas dont l’index glycémique (IG) est élevé, les obèses consomment 81% de calories de plus qu’après un repas préparé avec des aliments de faible IG. « L’absorption rapide du glucose, dit-il, entraîne une montée de la noradrénaline, qui incite à se réalimenter. » Dans une étude publiée en septembre, il a fait maigrir des enfants obèses en modifiant simplement l’index glycémique de leur régime alimentaire. D’autres chercheurs vont plus loin, en conseillant non seulement de choisir de vrais glucides lents, mais surtout d’augmenter les apports en protéines. « Toutes les études montrent qu’adolescents et adultes peuvent maigrir rapidement en consommant 25% de leurs calories sous la forme de protéines, animales ou non, » juge le Dr Stanley Roberts (université de Californie du Sud, Los Angeles), qui suit depuis deux ans une cohorte de patients convertis au régime préhistorique.

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