Plus de lait, ce n’est pas moins de fractures

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 02/04/2008 Mis à jour le 28/02/2017
Contrairement à ce que prétend l'industrie laitière ou plus récemment l'Académie de médecine, une consommation élevée de laitages ne permet pas de diminuer le risque de fracture d’ostéoporose. C’est la conclusion de l’ensemble des études publiées sur le sujet. Revue de détail.

 

En 2002, l’Organisation mondiale de la santé a reconnu que les pays dans lesquels on consomme le plus de laitages sont les plus touchés par l’ostéoporose. L’OMS a identifié cette situation sous le nom de « paradoxe du calcium ». [1] L'industrie laitière et les médecins qui lui sont proches contestent ces résultats en expliquant qu'on ne peut pas comparer des populations dont le mode de vie et les origines ethniques sont différentes. Thierry Souccar a répondu en détail à cet argument dans son livre Lait, mensonges et propagande et rapporté les taux de fractures du col du fémur dans des populations génétiquement identiques, mais dont la consommation de lait diverge, comme à Hong Kong et en Chine continentale.

Pour soutenir la consommation de laitages, l'industrie laitière et les médecins qui lui sont proches préfèrent brandir des études épidémiologiques et cliniques soigneusement sélectionnées (souvent financées par les industriels) mais écartent les autres. Ces études favorables présentées comme des "preuves" montrent que, dans certaines conditions, les laitages augmentent de manière très modeste la densité minérale osseuse. Les médecins se livrent ensuite à des extrapolations pour assurer que ces changements de densité minérale osseuse diminuent le risque de fractures.

Ceci n'a en réalité jamais été démontré. Par exemple, de nombeux médicaments agmentent la densité osseuse sans diminuer le risque de fractures.

Pour connaître l'intérêt réel des laitages, il faut savoir non pas seulement s'ils augmentent la densité osseuse, mais s'ils diminuent réellement le risque de fractures. De nombreuses études ont été conduites. Certaines ont trouvé que les laitages sont bénéfiques, d'autres qu'ils ne le sont pas. Pour se faire une opinion objective, il faut prendre l'ensemble de ces données scientifiques, positives et négatives, et les analyser collectivement. Ainsi se dégage une tendance.

Depuis 1997, les études épidémiologiques et cliniques menées sur le sujet ont fait l’objet de 7 grandes analyses statistiques. Toutes, sauf une, ont conclu qu’il ne sert à rien de consommer plus de calcium laitier pour avoir des os plus solides. La seule analyse ayant trouvé des vertus aux laitages est signée d’un médecin payé par l’industrie laitière. Ces informations ont été détaillées par Thierry Souccar.

Voici les conclusions des 6 analyses indépendantes conduites à ce jour :

  • En 1997, une analyse de 5 études ne trouve « aucun bénéfice d’un régime riche en calcium. » [2]

  • En 1999, une unité de l’Organisation mondiale de la santé analyse 75 études. Conclusion : « Il n’y a pas de preuves qu’une consommation accrue de calcium a d’effet sur la consolidation du squelette ou sur le risque de fracture. Il n’est guère justifié d’inciter la population postménopausée à augmenter sa consommation de calcium. » [3]

  • En 2000, des chercheurs américains analysent les études sur les laitages parues depuis 1985.  Ils concluent que «  les éléments scientifiques dont on dispose ne permettent pas de soutenir la recommandation qui visent à encourager la consommation quotidienne de laitages pour favoriser la santé des os ».

  • En 2005, une analyse portant sur 6 études épidémiologiques prospectives conclut que  « les personnes qui déclarent consommer peu de lait n’ont pas plus de risque de fracture. » [4]

  • En 2005, une analyse portant sur 37 études s’intéressant aux enfants, adolescents et jeunes adultes conclut ainsi : « Les recommandations nutritionnelles qui visent à augmenter la consommation de lait et d’autres laitages pour favoriser la minéralisation des os des enfants et des adolescents ne reposent pas sur des preuves scientifiques. » [5]

  • Finalement en décembre dernier, des chercheurs de Harvard ont analysé les résultats de 7 études prospectives. Leur conclusion : « une consommation élevée de calcium ne réduit pas le risque de fracture du col du fémur. » [6]

D'ailleurs, 10 facteurs de risque ont été établis en 2008 par l’Organisation mondiale de la santé pour identifier les personnes dont le risque de fracture ostéoporotique est élevé. Ni la consommation de laitages, ni celle de calcium n’en font partie.

Donc si l'on prend l'ensemble des études épidémiologiques et cliniques et pas seulement celles sélectionnées par l'industrie laitière et les médecins qui lui sont proches, on doit, comme le fait l'unité de recherche en nutrition la plus importante et la plus respectée au monde - l'Ecole de santé publique de Harvard - que "les laitages n'ont pas fait la preuve qu'ils préviennent l'ostéoporose et que les recommandations en faveur des 3 ou 4 laitages par jour ne reposent pas sur de la science." Nier ces évidences, c'est se situer, probablement pour des raisons économiques, en dehors du champ de l'objectivité scientifique.

Références

[1]. Joint FAO/WHO expert consultation, « Human vitamin and mineral requirements », World Health Organization, Rome (Italie), 2002.

[2] Cumming RG, Cummings SR, Nevitt MC, Scott J, Ensrud KE, Vogt TM, Fox K. Calcium intake and fracture risk: results from the study of osteoporotic fractures. Am J Epidemiol. 1997 May 15;145(10):926-34.

[3] Kanis JA. The use of calcium in the management of osteoporosis. Bone 1999;24:279–90

[4] Kanis JA. A meta-analysis of milk intake and fracture risk : low utility for case-finding. Osteoporosis Int 2005;16(7):799-804.

[5] Lanou AJ, Berkow SE, Barnard ND. Calcium, dairy products, and bone health in children and young adults: a reevaluation of the evidence. Pediatrics. 2005 Mar;115(3):736-43.

[6] Bischoff-Ferrari HA. Calcium intake and hip fracture risk in men and women: a meta-analysis of prospective cohort studies and randomized controlled trials. Am J Clin Nutr. 2007 Dec;86(6):1780-90.

 

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