Anne-Laure Denans : "S'il y a des additifs dans un produit, c'est un faux aliment"

Par Hugo Struna - Journaliste scientifique Publié le 06/03/2017 Mis à jour le 21/06/2017
Point de vue
E 100, E 250, E 620… toutes sortes d’additifs se cachent dans les aliments. Le point avec Anne-Laure Denans, qui a dirigé "Le Nouveau guide des additifs" de LaNutrition.fr.

Que sont les additifs alimentaires et dans quoi les trouve-t-on ?

Les additifs apparaissent sur les étiquettes alimentaires sous leur nom de code européen à 3 chiffres précédés du E : E 100, E 250, etc. Derrière cette dénomination abstraite se cachent des colorants, des conservateurs, des exhausteurs de goût, des antioxydants… en bref, des composés ajoutés au moment de la fabrication d’un produit qui n’ont pas de valeur nutritive. Les industriels les utilisent pour améliorer la conservation d’un produit mais aussi pour des raisons commerciales : il s’agit de remplacer des ingrédient chers par d'autres qui coûtent moins cher, de rendre l’aliment conforme au goût supposé du consommateur, plus attrayant aussi. Le jambon blanc par exemple n’est pas rose naturellement. On y ajoute des nitrites (E 252) qui servent à la fois de colorant rose et de conservateur. Il faut bien se rendre compte que les additifs sont présents quasiment partout, même dans les aliments qui sembleraient « naturels » au premier abord comme le pain ou les yaourts.

Les champions toutes catégories des additifs restent tout de même les aliments transformés, non ?

Les additifs font partie intégrante des aliments transformés et ultra-transformés. Depuis les années 1960, avec le développement de l’industrie alimentaire et ses techniques de transformation des aliments, mais aussi en raison de l’éloignement entre les lieux de production des aliments et leurs lieux de consommation, les additifs ont connu un véritable boom. Plus l’aliment est transformé, plus sa teneur en additifs sera potentiellement élevée. C’est peut-être la première règle à appliquer : si vous ne voulez pas rencontrer d’additif, détournez-vous des plats préparés !

Pourquoi faut-il les éviter ?

Les additifs dans un produit sont le signe qu'on a affaire à de "faux" aliments, ultra-transformés, eux-mêmes liés à des maladies de civilisations comme le diabète, l’obésité, les cancers... Mais certains pourraient avoir une toxicité propre. Le problème est que, jusqu’à présent, les guides sur les additifs ne donnaient pas de références scientifiques pour les effets toxiques qu'ils citaient. C’est ce qui nous a poussés à se lancer dans un travail herculéen. Par exemple, j'ai épluché toutes les études scientifiques qui concernent chacun des additifs alimentaires les plus importants, et sur cette base nous les avons ensuite classés selon les risques potentiels qu'ils font courir, en rouge, orange, gris, et vert.

Le Nouveau guide des additifs se présente, selon les mots du Pr Narbonne dans sa préface, comme une sorte de « GPS pour voyager dans le monde des additifs ». 

On retrouve dans notre guide l'ensemble des 338 additifs autorisés en Europe, avec pour 150 d'entre eux qui sont les plus problématiques, les aliments où on les rencontre, ce que dit la science et s'il est préférable de les éviter. Nous avons essayé d’être les plus clairs possible, en les classant visuellement dans des tableaux afin que tout le monde puisse connaître rapidement les impacts réels de ces agents.

Lesquels vaut-il mieux éviter ?

Il y en a beaucoup. Certains colorants, comme le caramel de sulfite d’ammonium (E 150d) que l’on retrouve dans les sodas, les bières ou des plats préparés sont suspectés de favoriser des cancers. Il y a aussi les phosphates (antioxydant, acidifiant), utilisés dans les produits laitiers, les soupes, les sodas mais aussi en tant qu’agent de texture dans les produits fromagers, les pizzas, les charcuteries, les nuggets de poulet… Un excès de phosphore serait associé à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires, osseuses et rénales. En revanche, certains ne présentent a priori aucun risque à l’instar de substances naturelles comme de l’acide ascorbique (antioxydant), ou l’acide lactique (conservateur).

Les additifs sont pourtant soumis à des autorisations. Comment des substances potentiellement dangereuses peuvent-elles se retrouver dans nos assiettes ?

Il y a des règlementations, à deux niveaux. Au niveau international par l’OMS et la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) et au niveau européen par l’EFSA. Avant de pouvoir être utilisé par les industriels, l’additif doit être examiné par ces instances et répondre à des règles de non toxicité. Malheureusement, comme on peut se l’imaginer, la balance penche plus facilement du côté de l’autorisation, d'abord parce que beaucoup d'études sont conduites par les industriels eux-mêmes avec le risque de biais que cela comporte, ensuite parce que les problèmes apparaissent souvent des années après une autorisation. Les experts ont notamment pour rôle de définir une DJA (Dose Journalière Admise) pour chacun des additifs, la toxicité dépendant de la dose. Problème : une partie de la population consomme des additifs au niveau de la DJA, ou au-delà. Imaginez qu’avec un seul litre de soda par exemple, on peut atteindre 70% de la DJA d’acide phosphorique ! Or on ne connaît souvent pas les effets engendrés au-delà de cette DJA. Pour certains additifs, les avis des autorités sont à revoir à la lumière de nouvelles données scientifiques.

Vous consacrez un chapitre aux aliments biologiques. Vous montrez qu’ils ne sont pas épargnés par les additifs…

Sur les 50 additifs autorisés dans l’alimentation bio, nous en avons identifiés 7 qui sont problématiques. Les plus connus sont les nitrites présents dans la charcuterie ou les fameux sulfites dans le vin. Malgré tout, les doses restent d’une manière générale bien moindres que dans les aliments conventionnels. De plus, certains producteurs bio ont revu leurs méthodes de fabrication et produisent du « vin sans sulfites » ou de la « charcuterie sans nitrites ».

Justement pensez-vous que les choses sont en train d’évoluer dans le bon sens ?

Je suis plutôt optimiste. Les choses commencent à bouger : on voit que certaines enseignes bannissent des additifs, même si c’est surtout pour des questions d’image. Il faut que le consommateur prenne conscience de son pouvoir : en refusant, boycottant un additif, il peut contraindre l’industriel à le retirer. Chacun d’entre nous peut faire en sorte que notre alimentation ne soit plus un nid à additifs.

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