La nutrigénomique, au service de la nutrition d’après-demain

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 16/12/2008 Mis à jour le 17/02/2017
L'essentiel

Pourra-t-on un jour donner des recommandations alimentaires personnalisées adaptées en fonction du génome de chacun ? C’est une des applications de la nutrigénomique, mais d’après les chercheurs, on en est loin et le régime à la carte reste encore un fantasme.

Dites moi quel est votre patrimoine génétique, je vous dirai ce que vous devez manger. Enfin on vous le dira peut-être dans quelques dizaines d’années… Parce que si la nutrigénomique est riche de promesses potentiellement révolutionnaires dans le domaine de la nutrition, son application concrète n’est pas pour demain comme nous l’explique la généticienne Claudine Junien, chercheuse à l’institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Et la nutrigénétique dans tout ça ?

Et la nutrigénétique, c’est différent ? Oui c’est différent, et à ne pas confondre. Comme l’explique Claudine Junien, la nutrigénétique correspond à un champ plus restreint, celui de l’étude de la variabilité génétique individuelle et de son influence sur la façon dont un individu va réagir à son alimentation.

Qu’est ce exactement la nutrigénomique ? La nutrigénomique aussi appelée génomique nutritionnelle étudie les interactions entre les gènes et l’alimentation. Cette discipline s’intéresse entre autres aux gènes impliqués dans l’absorption, le transport, le devenir et l’élimination des nutriments, et dans leurs mécanismes d’action. Sa cousine, la nutriépigénomique s’intéresse à la façon dont les aliments, les nutriments et certaines pratiques alimentaires peuvent agir sur l’expression des gènes, par le biais de modifications épigénétiques (lire encadré consacré à l’épigénétique), au cours du développement et tout au long de la vie.

 

Un menu à la carte… génétique

La nutrigénomique a donné naissance au concept de nutrition personnalisée. L’idée de départ c’est qu’en fonction de notre patrimoine génétique, nous répondons de manière différente à l’environnement dans lequel nous vivons, y compris à l’environnement alimentaire. Ainsi, si tel type d’alimentation est totalement inoffensif pour vous, le même régime alimentaire peut être délétère pour votre voisin qui n’a pas les mêmes gènes que vous. Donc les recommandations alimentaires détaillées que l’on peut faire pour vous ne seront pas forcement valables pour votre voisin, et vice versa.

Un exemple ? Vous voulez diminuer votre taux de cholestérol. Votre voisin aussi. Vous suivez donc un régime spécifique. Votre voisin aussi. Au bout de quelques mois de ce régime vous constatez une baisse spectaculaire de votre taux de cholestérol. Votre voisin non… « C’est là qu’il serait intéressant de déterminer les variantes des gènes qui déclenchent la réaction positive, souligne Claudine Junien. Cela permettrait de dispenser un conseil diététique aux personnes les plus susceptibles d'en bénéficier. »

De là à imaginer une nutrition ultra personnalisée avec un menu adapté à chacun en fonction des modifications génétiques et épigénétiques de ces gènes il n’y a qu’un pas…

Ainsi rêve-t-on d’ores et déjà du régime minceur à la carte : je souhaite perdre 5 kilos, j’ai tel et tel gène sous telle forme, conseillez-moi. Oui bien sur, alors pour vous le meilleur régime sera un régime pauvre en glucides et riche en graisses poly-insaturées. En revanche, votre voisine qui possède un polymorphisme génétique bien différent pourra consommer davantage de glucides mais surveiller son apport en graisses saturées.

 

Des résultats dans les éprouvettes mais encore loin de nos assiettes

Enfin en réalité nous n’en sommes vraiment pas là et ce « pas » est bien loin d’être franchi, met en garde la généticienne. « En matière de tests génétiques, nous sommes encore au stade du défrichage. Il n’est absolument pas réaliste de penser que bientôt, ou voire même un jour, chaque enfant aura à la naissance « sa carte à puce » contenant son profil ADN. Cela relève là encore de la science-fiction. A partir des 30.000 gènes pouvant posséder 10 à 100 mutations chacun, il est en effet impossible de tester et de prédire toutes les combinaisons possibles », explique la spécialiste. Méfiez-vous donc des sites Internet qui vous proposent moyennant quelques centaines voire milliers de dollars de réaliser votre profil génétique et de vous donner les recommandations qui vont avec… « Bien que basés sur des données scientifiques en apparence crédibles, ces tests n’explorent que certains polymorphismes de l’ADN, c'est-à-dire la partie émergée de l’iceberg, précise la généticienne ». Ils sont donc très incomplets puisqu’ils ignorent l’épigénétique et l’environnement et ils ne permettent pas de faire des recommandations.

« En revanche, des tests ciblés sur certains gènes impliqués dans la réponse à une intervention apportent un espoir », précise Claudine Junien. Ils permettraient de savoir avec précision quelles sont par exemple les voies métaboliques ou les systèmes perturbés et donc de choisir des thérapeutiques ou des régimes beaucoup plus ciblées pour les malades.

Alors la nutrigénomique va-t-elle dicter nos menus de demain ? Pour les scientifiques c’est une voie de recherche passionnante, mais on n’en est pas encore là. Après-demain peut-être…

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