Combien y-a-t-il de goûts différents ?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 21/10/2008 Mis à jour le 21/11/2017
Comment perçoit-on le goût sucré, salé, amer ou acide d’un aliment ?Sommes nous tous égaux dans la perception du goût ?

Le goût, entre sensation et souvenir...

On imagine une langue avec des zones colorées pour illustrer les aires du goût. Mais la langue est-elle composée de différentes aires permettant chacune la reconnaissance d’une des saveurs ? Non d’après les chercheurs : les saveurs seraient perçues dans toutes les parties de la langue.

Des récepteurs de goût ont été identifiés dans les membranes de certaines cellules à la surface de la langue (1). Chaque récepteur est spécifique à une ou deux molécules de goût. Par exemple, des cellules spéciales, sur toute la langue, ont des récepteurs à la saveur amère et n’ont pas d’autres récepteurs de goût. Lorsqu’une molécule de goût de l’aliment ingéré est reconnue par le récepteur, celui-ci envoie des informations à l’aire gustative du cerveau (2). Certains chercheurs ont trouvé que les goûts acide et salé n’ont pas de récepteurs spécifiques.

Comment sait-on que les récepteurs se trouvent dans des cellules gustatives distinctes ? Des chercheurs ont, grâce à une opération génétique, enlevé les cellules contenant les récepteurs au goût acide des souris. Résultat : elles ne sentaient pas le goût acide mais n’avaient aucun problème à détecter les autres saveurs.

 

Le rôle du cerveau dans notre préférence pour tel ou tel aliment

L’information gustative est envoyée vers le cortex préfrontal et le cortex orbitofrontal. En terme de substances neuro-actives, le bon goût de l’aliment est fortement lié aux dérivés de la benzodiazépine et aux beta-endorphines, qui facilitent la consommation d’aliments et de boissons. La dopamine secrétée par le centre de l’alimentation, l’aire hypothalamique latérale, nous motive à manger de la nourriture agréable.

 

Le gout comme souvenir et acquisition de l’apprentissage

Aimer tel ou tel aliment n’est pas seulement inné. Tout n’est pas du à nos récepteurs de goût et à notre langue ! Même avec des récepteurs totalement identiques, ce qui est impossible, plusieurs personnes ressentiraient l’aliment différemment. En effet, le goût se modifie au fil des expériences gustatives.

 

Nous avons des prédispositions génétiques...

On perçoit le goût amer grâce à des récepteurs de la famille des T2R. Il existe un gène qui rend certaines personnes plus sensibles que d’autres à l’amertume. Des chercheurs ont en effet mis en évidence que ceux qui ont le trait génétique PROP (3) trouvent les choux de Bruxelles davantage amers que ceux qui n’ont pas le gène PROP.

La perception du goût acide est quant à elle faiblement caractérisée par les gènes. Les chercheurs débattent sur les mécanismes qui nous permettent de percevoir le goût acide. A l’heure actuelle, ils pensent que la perception de cette saveur est principalement permise par à une modification des canaux de transport des ions. Enfin, selon des scientifiques, une même protéine, qui se trouverait tout le long de la moelle épinière mais aussi dans la langue (5), détecterait le goût acide et aurait une fonction de sentinelle du pH dans le système central nerveux.

La perception du goût salé ? Des canaux à sodium ainsi qu’un récepteur, le TRPV1, nous permettent de percevoir le goût salé. Les chercheurs continuent de chercher des récepteurs au goût salé (6).

Comment sent-on le goût de l’umami ? Des travaux sur des souris ont permis de montrer que les récepteurs au glutamate, responsable de la saveur umami, sont de la même famille que les récepteurs du sucre.

Des récepteurs à calcium sur nos langues ? Deux gènes seraient liés au goût du calcium. Le premier serait le gène du récepteur sensible au calcium, appelé CaSR, qui a été trouvé par d’autres chercheurs dans le rein, le cerveau, l’intestin et la langue. L’autre gène est le Tas1r3. C’est le composant du récepteur « gout sucré », un résultat que les chercheurs ont décrit comme très inattendu. Le mécanisme pourrait être le même pour les hommes car nous avons les deux gènes précédemment cités : le Tas1r3 et le CaSR, même si les chercheurs ne se prononcent pas sur les fonctions et la forme de nos gènes par rapport à ceux des souris.

 

Qu’est-ce qui fait changer le goût ?

 

Les médicaments

Beaucoup de médicaments (8) peuvent avoir des effets secondaires en modifiant le sens du goût chez les patients, soit en diminuant la fonction de la langue soit en produisant des dérèglements de la perception. Tout revient très vite à la normale à l’arrêt de la prise de médicaments. Les problèmes : des médicaments qui modifient trop le goût de ce que nous mangeons peuvent perturber la qualité de vie, les choix diététiques, l’état émotionnel et la compliance avec le traitement.

Le sport ne ferait pas changer le goût

Une hypothèse qui court dit que nos réserves énergétiques utilisées pendant l’exercice pourrait jouer sur notre goût pour tel ou tel aliment. Mais il n’est pas prouvé que l’exercice induit des préférences alimentaires (9). A plus long terme, l’activité physique serait cependant associée avec une préférence pour les glucides. Mais on ne sait pas si ces changements sont déterminés par la biologie ou par des raisons psychologiques. Ainsi, se mettre au sport, même subitement, ne chamboulerait pas trop les comportements alimentaires.



Fille ou garçon

Des chercheurs (10) ont essayé de savoir si des souris mâles et femelles avaient les mêmes préférences alimentaires. Ils leur ont proposé de l’eau et différentes boissons contenant chacune de l’eau et une substance comme du calcium, du sucrose, de l’éthanol. Les chercheurs ont trouvé que le sexe des souris ne modifiait pas leur préférence pour une des boissons.

Mais d’après d’autres études, choisir ses aliments, que l’on soit un homme ou une femme, ce n’est pas pareil (11) ! Les hommes sont plus portés sur la viande et les volailles ainsi que certaines crudités comme les crevettes et les huitres. Les femmes, quant à elles, préfèrent les fruits secs, les fruits rouges, les pommes et les légumes, surtout les tomates et les carottes. Elles mangent également plus d’œufs et de yaourts que les hommes. L’exception qui confirme la règle : les hommes aiment davantage les asperges et les choux de Bruxelles que les femmes ! Enfin, les hommes seraient davantage enclins à manger des aliments « risqués » comme les hamburgers pas suffisamment cuits et les œufs crus.

 

Le tabac

Le tabagisme est réputé diminuer le goût. Mais la perception du goût n’est altérée que si vous fumez au moins 20 cigarettes par jour (13). En cause : la nicotine, qui réduit l’intensité du gras. Ainsi, le plaisir ressenti pour les stimuli gras est réduit chez les fumeurs (14).

 

Les hormones

Les femmes en âge de procréer ne discernent pas toujours les goûts de façon identique (15), surtout l’amertume. En cause : les variations hormonales, notamment entre la première et la seconde partie du cycle menstruel.

Les femmes enceintes seraient meilleures pour discerner les saveurs. Au contraire, les femmes ménopausées auraient davantage de difficultés à percevoir différents goûts.

 

Bibliographie

(1) Sherry Seethaler UCSD-led Team Discovers How We Detect Sour Taste August 23, 2006

(2) Gaillard D, Laugerette F, Darcel N, El-Yassimi A, Passilly-Degrace P, Hichami A, Khan NA, Montmayeur JP, Besnard P. The gustatory pathway is involved in CD36-mediated orosensory perception of long-chain fatty acids in the mouse. FASEB J. 2008 May;22(5):1458-68.

(3) Kaminski LC, Henderson SA, Drewnowski A. Young women's food preferences and taste responsiveness to 6-n-propylthiouracil (PROP). Physiol Behav. 2000 Mar;68(5):691-7.

(4) Rozengurt E, Sternini C. Taste receptor signaling in the mammalian gut. Curr Opin Pharmacol. 2007 Dec;7(6):557-62. Epub 2007 Nov 19.

(5) Ramos Da Conceicao Neta ER, Johanningsmeier SD, McFeeters RF.The chemistry and physiology of sour taste--a review. J Food Sci. 2007 Mar;72(2):R33-8.U.S.

(6) Sherry Seethaler UCSD-led Team Discovers How We Detect Sour Taste August 23, 2006

(7) Prutkin J, Fisher EM, Etter L, Fast K, Gardner E, Lucchina LA, Snyder DJ, Tie K, Weiffenbach J, Bartoshuk LM. Genetic variation and inferences about perceived taste intensity in mice and men. Physiol Behav. 2000 Apr 1.15;69(1-2):161-73.

(8) Doty RL, Shah M, Bromley SM.Drug-induced taste disorders. Drug Saf. 2008;31(3):199-215.

(9) King NA, Tremblay A, Blundell JE. Effects of exercise on appetite control: implications for energy balance. Med Sci Sports Exerc. 1997 Aug;29(8):1076-89

(10) Tordoff MG, Alarcon LK, Lawler MP. Preferences of 14 rat strains for 17 taste compounds. Physiol Behav. 2008 Jun 29 Philadelphia, PA 19104-3308.

(11) Men And Women Have Different Eating Habits, Study Shows

(12) Mangold JE, Payne TJ, Ma JZ, Chen G, Li MD. Bitter taste receptor gene polymorphisms are an important factor in the development of nicotine dependence in African Americans. J Med Genet. 2008 Jun 4..

(13) Vennemann MM, Hummel T, Berger K. The association between smoking and smell and taste impairment in the general population. J Neurol. 2008 Jul 28.

(14) Perkins K.A., Epstein L.H., Stiller R.L., FernstromM.H., Sexton J.E., Jacob R.G. - Perception and hedonics of sweet and fat taste in smokersand nonsmokers following nicotine intake.Pharmacol. Biochem. Behav., 1990,35, 671-676.

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