Pourquoi l'étiquetage de l’index glycémique est indispensable sur les aliments

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 10/04/2006 Mis à jour le 04/09/2018
Choisir ses aliments

Connaître l'index glycémique de nos aliments aiderait à contenir les épidémies d’obésité et de diabète et contribuerait à réduire maladies cardiovasculaires et cancers. 

Guerre aux sucres

La guerre aux sucres a véritablement commencé le 14 octobre 2004. Ce jour-là, après des années de complaisance, l’Agence de sécurité sanitaire des aliments (ex-Afssa, aujourd'hui Anses) a accusé l’industrie agroalimentaire de nous faire avaler chaque année une montagne de sucre sans aucun intérêt nutritionnel : 40 kg par enfant, 36 par adulte, dont 70 % sont ajoutés subrepticement aux aliments courants. Un tournant notable pour l’Agence, qui estimait jusqu’ici que les sucres simples ajoutés ne présentaient pas de risque pour la santé.
Cette overdose, dénoncée par Thierry Souccar dès 1999 dans Sciences et Avenir, a contribué, reconnaît l'agence, à l’épidémie actuelle d’obésité et de diabète. Et l’agence d’établir une distinction entre les sucres simples ajoutés (les « mauvais » tels le saccharose, le glucose et l’isoglucose) qu’il faudrait diminuer de 25 % en 5 ans, et les glucides complexes (les « bons » tels que les céréales et les féculents) qu’il faudrait augmenter considérablement. Moins de graisses et de sucres simples, plus de céréales et de pommes de terre : n’est-ce pas l’équation parfaite pour combattre l’obésité et le diabète ?

Sucres simples et céréales raffinées, même combat

Pas si simple, répondent les spécialistes. Ainsi, le Dr David Ludwig (Hôpital pour enfants de Boston), l’un des meilleurs spécialistes de l’obésité, a montré que l’excès de soda augmente de 60 % le risque d’obésité chez l’enfant. Mais imputer l’épidémie d’obésité aux seuls sucres simples serait selon lui une lourde erreur : « Les termes “simple” et “complexe” n’ont pas vraiment de sens au plan biologique. De nombreuses études montrent que des glucides « complexes » - les amidons raffinés comme le pain blanc, la plupart des céréales du petit déjeuner, les pommes de terre - augmentent le niveau de sucre sanguin - aussi vite et aussi fortement que le sucre de table. »

Ces glucides complexes, pourtant présentés comme des aliments sains, ont donc des conséquences aussi désastreuses que les sucres simples. En 1981, le Canadien David Jenkins avait déjà fait le ménage : exit les notions de glucides « simples » et « complexes ». A la place, Jenkins a proposé de classer les glucides selon leur capacité à élever la glycémie (taux de sucre dans le sang) en leur attribuant individuellement un index glycémique ou IG. Les aliments dont l’IG est élevé sont les moins favorables à la santé (aliments raffinés, sucres ajoutés). Les aliments dont l’IG est bas, en revanche, devraient être privilégiés (aliments complets, fruits et légumes, légumes secs). Par rapport aux anciennes classifications, l’IG a largement prouvé sa supériorité. Grâce à lui, les épidémiologistes ont pu mettre en évidence l’impact des aliments sucrés et raffinés sur les risques de maladie chronique. Et les cliniciens ont démontré que, dans son ensemble, la population a intérêt à privilégier des aliments à IG bas.

Sucres et santé : 20 ans de perdus

- Février 1999 : Dans Sciences et Avenir, Thierry Souccar accuse les sucres simples et les glucides rapidement digérés des céréales et des féculents d’être responsables d’obésité, de diabète, de maladies cardiovasculaires et même de cancers. L’article est accueilli par une levée de bouclier des « nutritionnistes » en vue.

- Janvier 2001 : L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) dédouane les sucres (même ajoutés) de toute responsabilité sur le risque de maladies. Même leur rôle cariogène est minimisé : « Aucune recommandation particulière concernant la consommation de glucides ne se justifie si des règles d’hygiène buccodentaire sont respectées. » Sur le diabète, l’Afssa affirme que « Le rôle diabétogène des glucides et notamment du saccharose est une croyance populaire très répandue mais ne reposant sur aucune base scientifique. »

- Mai 2004 : Thierry Souccar et Isabelle Robard publient « Santé, mensonges et propagande » Ils y accusent l’Afssa d’avoir menti sur les sucres en occultant les études scientifiques montrant leur responsabilité dans le diabète et l’obésité.

- Octobre 2004 : Dans un nouveau rapport, l’Afssa fait marche arrière et reconnaît que la surconsommation de sucres est responsable de l’épidémie actuelle d’obésité et de diabète. Elle préconise une diminution de 25 % en 5 ans de la consommation des sucres simples ajoutés (saccharose, glucose, isoglucose). Mais continue de promouvoir la consommation de « glucides complexes » dont la plupart ont un IG élevé et donc contribuent au diabète et à l’obésité.

- 2018 : L'affichage du Nutri-Score sur les aliments ne tient toujours pas compte de leur IG.

La France suit le modèle américain !

« Depuis 40 ans, les régimes pauvres en graisses sont recommandés chez nous pour prévenir l’obésité, rappelle David Ludwig. Mais ils ont été très peu efficaces. L’une des explications possibles, c’est que ces régimes hypolipidiques sont riches en aliments à IG élevé ». Démonstration : Katherine Tucker (université Tufts) a suivi pendant 3 ans 459 personnes d’âge moyen. Les personnes qui consommaient du pain blanc et des aliments raffinés ont vu leur taille grossir de 1,5 cm par an, alors que celles qui privilégiaient les aliments complets ne prenaient pas de poids. Au bout de trois ans, les personnes du second groupe avaient pris 3 fois moins de poids que les autres.

Et c’est ce modèle vicié, qui a lamentablement échoué, qui s’exporte : pour enrayer l’obésité, la plupart des pays prônent un régime hypolipidique, dans lequel pain, pâtes, riz, pommes de terre apportent la moitié ou plus des calories. Pourquoi pas, si ces glucides sont digérés lentement. Mais comme ce n'est pas le cas, la planète est en train d’en payer le prix en termes d’obésité, de diabète, de maladies cardiovasculaires et de cancers. Selon une étude conduite au Liban, près de 14 % de la population de Beyrouth serait obèse et 61 % de ces obèses seraient résistants à l’insuline. Pour le Dr Nahla Hwalla (American University, Beyrouth), qui rapportait ces résultats lors d’une réunion à Chypre, « il y a aujourd’hui des raisons de remettre en cause les recommandations faites à ces obèses de consommer plus de glucides et moins de graisses. »

En France, le Programme national nutrition santé (PNNS), lancé par l’Afssa et le ministère de la Santé en 2001, n’a pas plus tiré les enseignements de l’expérience grandeur nature conduite aux Etats-Unis. Le programme français prône un régime pauvre en graisses, dans lequel les glucides, notamment complexes, apportent la moitié des calories. Or, si l’objectif affiché était de « réduire de 20 % la prévalence de l’obésité et du surpoids chez les adultes à l’horizon 2005 » grâce notamment à la promotion des « glucides complexes ». C’est raté : au lieu de baisser de 20 %, l’obésité n'a cessé d'augmenter.

L'Anses et le PNNS conseillent certes de « privilégier les aliments complets » Mais ce n’est pas suffisant. Il y manque cette notion importante d'IG.

Nous exigeons l'étiquetage de l'IG

Car adopter au quotidien un régime à IG bas ne va pas de soi tant qu’on laisse l’industrie agro-alimentaire entretenir la confusion sur les vertus des « céréales » qu’elles soient ou non raffinées. Seul un étiquetage spécifique peut aider le consommateur à faire de meilleurs choix pour sa santé en distinguant selon les sucres, comme le recommande d'ailleurs depuis 1998 l'Organisation mondiale de la santé.
L’Australie a franchi le pas : depuis 2002, un très grand nombre d’aliments affichent leur IG.

En France, Thierry Souccar et Isabelle Robard de pair avec la Société française de médecine nutritionnelle, avaient demandé le 7 octobre 2004 à l’Assemblée nationale que figurent sur les aliments les mesures de leur index glycémique et de leur densité calorique, deux garde-fous cruciaux dans la prévention de l’obésité. Mais les autorités sanitaires s'y s’opposent sous le prétexte que « de très nombreux facteurs influencent la réponse glycémique, ce qui est le cas dans les repas dit mixtes », comportant à la fois des aliments à IG élevé et IG bas. Plus surprenant : la notion d’IG serait, selon elles, trop « compliquées » pour les Français. Ces arguments font bondir la grande spécialiste de l'IG, le Pr Jennie Brand-Miller (université de Sydney) : « Je peux vous montrer de très nombreuses études dans lesquelles l’IG d’un aliment isolé prédit l’IG d’un repas. Quant à la soi-disant « complexité » de l’IG, si les non scientifiques ont pu comprendre dans le passé que les sucres étaient « rapides » et les amidons « lents », ils peuvent comprendre que les glucides à IG bas sont lents et les glucides à IG élevé sont rapides ».

Il y a urgence. En France, depuis 2000, la prévalence de l'obésité chez l'adulte a augmenté de 50% et celle du diabète de 100%. Il ne fait plus guère de doute que les glucides à IG élevé ont leur part dans cette épidémie. Plus que le Nutri-Score, la vraie mesure salutaire pour la santé publique, c'est l'étiquetage de l'IG .

Pour connaître l'index et la charge glycémiques de 700 aliments courants, lire le Guide des index glycémiques

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