Faut-il restreindre le sel en vieillissant ?

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 29/01/2015 Mis à jour le 31/03/2017
Actualité
Selon une étude controversée, il n'y aurait pas plus de risque cardiovasculaire quand on est âgé et qu'on mange salé

Une nouvelle étude parue dans JAMA Internal Medicine suggère que le sodium alimentaire n’est pas associé au risque de maladies cardiovasculaires, d’insuffisance cardiaque et de mortalité à 10 ans, chez des personnes âgées.

Des apports alimentaires en sodium élevés sont associés à certains facteurs de risque de maladie cardiovasculaire ou d’insuffisance cardiaque, particulièrement la tension artérielle élevée mais aussi l’hypertrophie ventriculaire gauche, la détérioration de la fonction rénale et l’augmentation de la rigidité artérielle. Par conséquent, limiter les apports en sodium pourrait représenter une intervention importante pour diminuer le risque de maladie cardiovasculaire ou d’insuffisance cardiaque.

Lire : excès de sel : comment tout a commencé

« En tenant compte des effets de la réduction du sodium alimentaire sur la pression artérielle et en considérant les niveaux actuels de consommation de sel, des chercheurs ont, par projection, suggéré qu’un contrôle strict des apports en sodium aurait des bénéfices importants sur le risque de maladie » expliquent les auteurs de l’étude. « Cette projection est basée sur une extrapolation à partir d’apports en sodium élevés, plus de 3000 mg/jour et ne prend pas en compte l’effet neutre ou bénéfique sur d’autres facteurs de risque ». Les auteurs expliquent en effet, qu’un contrôle strict des apports en sodium peut impacter défavorablement la résistance à l’insuline, le niveau de lipides sanguins et l’activité neuro-hormonale, des facteurs qui prédisposent aux maladies cardiovasculaire et à l’insuffisance cardiaque.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont regardé l’association entre les apports alimentaires en sodium et le risque de maladie cardiovasculaire, d’insuffisance cardiaque et de mortalité dans une population de personnes âgées.

Les participants - 2 642 hommes et femmes âgés en moyenne de 74 ans- appartiennent à la Health, Aging, and Body Composition (Health ABC) Study. Ils ont répondu à un questionnaire alimentaire pour évaluer leurs apports alimentaires en sodium. Ils ont ensuite été classés en 3 groupes : moins de 1 500 mg/jour (291 participants), 1 500 à 2 300 mg/jour (779 participants) et plus de 2 300 mg/jour (1 572 participants).

Après 10 ans de suivi, 881 participants sont morts, 572 ont subi un incident cardiovasculaire et 398 une insuffisance cardiaque.

Les résultats montrent que les apports alimentaires en sodium ne sont pas associés à la mortalité sur une période de 10 ans. Ceux qui consomment plus de 2300 mg/jour de sodium ne présentent pas une augmentation significative du risque de mortalité, par rapport au groupe qui consomme entre 1500 et 2300 mg/jour. Cela signifie également que la mortalité à 10 ans n’est pas significativement plus faible chez ceux qui consomment moins de 1500 mg/jour de sodium que chez ceux qui en consomment plus de 2300 mg/jour.

De la même façon, les auteurs n’ont pas trouvé d’augmentation du risque de maladie cardiovasculaire ou d’insuffisance cardiaque chez ceux qui ont les apports alimentaires en sodium les plus élevés.

« Pour les personnes âgées de plus de 51 ans, il a été recommandé d’avoir des apports en sodium inférieurs à 1500 mg/jour pour diminuer le risque de maladies cardiovasculaires, même si cette valeur fait l’objet de débat » disent les auteurs. « Une enquête (The Third National Health and Nutrition Examination Survey) a d’ailleurs montré que seulement 1,3% des adultes âgés de 51 ans ou plus consommaient moins de 1500 mg/jour de sodium. La consommation moyenne était de 3100 mg/jour ». Pour les auteurs, ces résultats montrent la difficulté qu’il y aurait pour restreindre encore plus les apports en sel, et ce à plusieurs niveaux (individuel, industriel…).

Voir : Pierre Meneton : pourquoi le sel est partout

Les résultats de notre étude ne sont pas un encouragement à consommer plus de sel » disent les auteurs. Mais nos données soulignent l’importance d’effectuer des essais supplémentaires avant d’appliquer aux personnes âgées une politique de restriction supplémentaire, qui irait au-delà des recommandations faites pour la population générale à savoir ne pas dépasser 2300 mg/jour de sodium."

Lire : la baisse de la consommation de sel en Angleterre liée à une chute de la mortalité cardiovasculaire

L'avis de LaNutrition.fr. Il faut interpréter les conclusions de cette étude avec prudence : tout d'abord, les apports en sodium ont été évalués à partir des réponses des participants à un questionnaire alimentaire, pas avec la mesure du chlore et du sodium dans les urines de 24 heures. Ensuite, cette étude souffre peut-être de ce qu'on appelle un lien de causalité inverse : les personnes qui consommaient peu de sel pourraient avoir réduit leurs apports du fait d'un mauvais état de santé (on trouve d'ailleurs dans ce groupe des participants ayant des troubles cardiovasculaires). De très nombreux travaux suggèrent qu'il est important de limiter sa consommation de sel à 5 g par jour, et d'augmenter sa consommation de potassium

Pour aller plus loin : La diététique anti-infarctus avec 50 recettes faciles

Source

Kalogeropoulos AP, Georgiopoulou VV, Murphy RA, Newman AB, Bauer DC, Harris TB, Yang Z, Applegate WB, Kritchevsky SB. Dietary Sodium Content, Mortality, and Risk for Cardiovascular Events in Older Adults: The Health, Aging, and Body Composition (Health ABC) Study. JAMA Intern Med. 2015 Jan 19. doi: 10.1001/jamainternmed.2014.6278. [Epub ahead of print]

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