Idée reçue n° 2 « Les apports conseillés sont établis scientifiquement »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 20/05/2008 Mis à jour le 01/03/2017
Comment sont établis les apports conseillées pour les vitamines et minéraux ?Pas toujours "scientifiquement"...

Pour s’opposer à la généralisation des compléments alimentaires, de nombreux nutritionnistes font valoir qu’une « alimentation variée et équilibrée » couvre largement les besoins en micronutriments.

C’est oublier que ces besoins sont très mal connus. A première vue, certes, les Apports nutritionnels conseillés pour la population française, publiés en 2001 par l’Afssa donnent une impression rassurante de science triomphante : vitamines, minéraux, graisses : les besoins sont fixés par tranche d’âge au milligramme près, parfois après de savants calculs. Impressionnant, mais derrière cette belle façade se cachent de multiples arrangements avec les chiffres.

Pour commencer, les études qui servent de base à ces apports conseillés ont pour la plupart été menées chez de jeunes hommes en parfaite santé et n’ont pas excédé quelques jours, voire quelques semaines. Quels sont les besoins réels des quadragénaires ? Des femmes ménopausées ? Personne n’en sait rien. Place à la calculette et aux règles de trois !

Lorsque des données assez solides existent, comme c’est le cas pour la vitamine E, encore faut-il avant de les entériner, que les besoins ainsi calculés cadrent avec le principe, déjà énonce plus haut, selon lequel l’alimentation seule doit subvenir aux besoins de la population. Un exemple de ce rationalisme scientifique est fourni par la vitamine E. En 1963, les Américains lancèrent une série d’études pour déterminer les besoins de la population. En tenant compte de tous les paramètres biologiques et épidémiologiques, il fut conclu en 1968 qu’un apport moyen de 20 mg par jour était nécessaire. Mais patatras ! Plusieurs enquêtes alimentaires menées à la fin des années 1960 et au début des années 1970 établirent que les Américains ne consommaient pas plus de 9 mg de vitamine E par jour. Avec un pragmatisme confondant, les autorités sanitaires, plutôt que de reconnaître que les Américains ne couvraient pas leurs besoins réels et qu’ils devaient pour cela faire appel à des compléments, préférèrent en 1974 diviser par 2 les apports nutritionnels conseillés. Cette valeur sortie du chapeau fut présentée comme « un apport arbitraire mais pratique. » En 2000, sous la pression des biochimistes, les apports conseillés (RDI) ont été relevés aux Etats-Unis à hauteur de 15 mg/j.

De son côté, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments a reconduit en 2001 les apports en vitamine E fixés en 1992 (12 mg/j) sans même argumenter ce choix, indiquant de manière laconique que l’objectif visé est « de proposer des apports nutritionnels, donc atteignables par l’alimentation courante. » Avec ce type de raisonnement circulaire, il devient bien sûr plus facile d’affirmer que l’alimentation « équilibrée » couvre les besoins en nutriments !

Depuis une bonne décennie les meilleurs spécialistes mondiaux de la vitamine D nous disent qu’il en faut au minimum 800 à 1000 UI (unités internationales) par jour pour garder des os solides, prévenir les cancers et décourager les maladies auto-immunes. Mais en 2001, l’Afssa a arbitrairement et sans justification scientifique divisé par deux les apports conseillés en vitamine D de 1992 - déjà très insuffisants. Depuis, les Français n’ont officiellement besoin que de… 200 UI par jour ! Il est vrai qu’une étude venait de montrer qu’en hiver 75% des citadins manquaient de cette vitamine anti-cancer, qui prévient aussi les maladies auto-immunes. Avec les nouvelles valeurs, le statut de ces Français s’est amélioré en une nuit, et surtout sans avoir recours à des compléments de vitamines.

Lorsque l’arbitraire ne préside pas à la fixation des apports conseillés, ce sont trop souvent les erreurs, les approximations et les procédures discutables qui règnent.

Dans le cas de la vitamine A, les apports réels ont été mécaniquement surestimés par l’Afssa à cause d’une erreur dans le calcul de conversion du bêta-carotène (un pigment des végétaux) en vitamine A une fois ingéré. L’Afssa estime que 6 mg de bêta-carotène donnent naissance à 1 mg de vitamine A, alors qu’il en faut en réalité 12 mg.

Pour fixer les besoins en vitamine C à 110 mg par jour, l’Afssa s’est basée sur une étude américaine de saturation plasmatique qui souffre d’un biais d’interprétation monumental, au point que son auteur, l’Américain Mark Levine, a été contraint de reconnaître son erreur. L’Afssa a aussi fait parler les données d’une étude d’intervention française, en rapprochant de manière hasardeuse deux variables si distantes que leur interprétation est particulièrement acrobatique. En réalité, si l’on tient compte de la correction apportée sur l’étude américaine et d’autres données fondamentales ignorées par l’Afssa, nous avons pu calculer que les besoins en vitamine C d’un adulte sont au minimum 5 fois supérieurs aux 110 mg retenus par l’Afssa pour les apports conseillés.

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