Dr Brigitte Houssin : « Plus le taux de vitamine D est bas et plus le risque de cancer est élevé »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 18/02/2010 Mis à jour le 10/03/2017
Médecin formée à la micronutrition, le Dr Brigitte Houssin a publié le 18 février 2010 un ouvrage complet sur le soleil et la vitamine D aux éditions Thierry Souccar : Vitamine D, mode d'emploi (lire un extrait ICI  >>). Elle revient ici sur les liens entre vitamine D, cancer et exposition au soleil.


Sur la couverture de votre livre Soleil, mensonges et propagande, il est écrit un message très fort : « Ne fuyez plus le soleil, il vous protège du cancer »

En couverture, le message doit être simple mais en réalité les choses sont un peu plus nuancées. Ce que l’on sait depuis les années 1980 – et ce sont des épidémiologistes américains qui l’ont montré – c’est qu’il existe un parallèle fort entre le taux d’ensoleillement et le taux de cancer du côlon, du sein, etc. Ainsi les personnes qui ont les taux de vitamine D les plus bas sont celles qui ont le fréquemment des cancers.

Comment explique-t-on cet effet de la vitamine D sur le cancer ?

On sait que les cellules cancéreuses possèdent des récepteurs à la vitamine D. Il a été montré expérimentalement que la vitamine D agit sur trois mécanismes permettant au cancer de se développer :

- elle diminue la multiplication des cellules cancéreuses

- elle réduit le risque d’association de ces cellules en diminuant la vascularisation des cellules cancéreuses

- elle peut empêcher la transformation des cellules précancéreuses en cellules cancéreuses.

Mais la vitamine D peut également aller jusqu’à favoriser la mort de certaines cellules cancéreuses.

La vitamine D a-t-elle aussi un effet sur la mortalité par cancer ?

Des chercheurs canadiens ont suivi pendant 10 ans 500 femmes ayant souffert d’un cancer du sein. Ils ont pu établir au terme de cette étude que celles qui présentaient les meilleurs taux de vitamine D avaient eu un risque de récidive plus faible, que lorsqu’elles avaient fait une récidive, cette dernière était moins grave et que globalement – et ça on l’observe souvent avec la vitamine D – la mortalité était moindre chez ces femmes que chez les autres. Maintenant est-ce le terrain cancéreux qui fait que l’on a un taux de vitamine D plus bas ? Ou bien est-ce qu’on la fabrique moins bien quand on est malade ? On ne le sait pas encore. Mais ce que l’on sait c’est que plus le taux de vitamine D est bas et plus le risque de cancer est important et plus le risque de mourir de ce cancer est grand. Inversement, plus le taux de vitamine D est élevé et meilleure est la survie.

Mais quand même les coups de soleil sont à l’origine de cancers, non ?

Les fameux UV dont on se protège à grand renfort de crème solaire sont responsables dans l’esprit des gens du cancer de la peau. La réalité est un peu plus complexe. Déjà, les rayons ultraviolets ne représentent que 5 % du rayonnement solaire total et les UVB, responsables des coups de soleil, seulement 2 % de ces 5 %, soit une portion infime du rayonnement solaire. Le reste de ce rayonnement est composé essentiellement de la lumière visible et des rayons infrarouges. Ces deux types de rayonnement – majoritaires – sont également cancérigènes pour la peau mais pour l’instant on ne dispose pas de protection contre eux.

Est-il utile alors d’appliquer une crème solaire sur sa peau ?

Pour moi, la crème solaire reste indispensable lors de certaines activités en plein soleil : ski, bateau, voyage sous les tropiques, déjeuner en plein soleil, etc. Mais il faut savoir que si l’on reste longtemps au soleil avec une crème, finalement on se protège des coups de soleil mais pas du rayonnement solaire total. C’est de cela dont je pense qu’il faut avoir bien conscience même si bien sûr la crème solaire est indispensable contre les coups de soleil.

Donc il vaut mieux s’exposer moins longtemps sans crème que longtemps avec une crème ?

La meilleure solution, c’est cela en effet : connaître sa peau – chacun ayant une tolérance individuelle différente – afin qu’elle ne rougisse jamais. Le rougissement de la peau est le signe que les défenses de la peau sont complètement dépassées. La vitamine D exerce certes une protection contre le cancer, y compris au niveau cutané mais cette protection est valable jusqu’à un certain point, après la vitamine D, comme les défenses antioxydantes, est dépassée et le rayonnement solaire entraîne des lésions cellulaires au niveau de la peau.

Comment peut-on s’exposer au soleil sans risque ?

Le plus simple est d’aller au soleil de préférence au milieu de la journée pour que la peau synthétise un maximum de vitamine D mais dès que l’on a atteint sa dose limite – c’est-à-dire avant que la peau ne rougisse – on va à l’ombre (arbre, parasol, vêtements couvrants) et on évite ainsi l’exposition excessive qui n’est pas bonne pour la peau sur le long terme.

Ces recommandations sont-elles valables aussi pour les personnes âgées, les femmes enceintes et les enfants ?

La peau des personnes âgées a plus de mal à synthétiser de la vitamine D que celle des personnes jeunes. Cela signifie que pour synthétiser la même quantité de vitamine D qu’un jeune, les personnes âgées doivent s’exposer un peu plus longtemps, toujours sans que leur peau rougisse. Je ne vois pas de problème majeur pour une exposition au soleil au milieu de la journée tant que la peau ne rougit pas. Il faut savoir qu’une peau très claire synthétise beaucoup de vitamine D en deux minutes. Pour les femmes enceintes, les recommandations sont les mêmes que pour le reste de la population. Enfin, pour les enfants, sachez que sous un parasol, on continue à synthétiser un peu de vitamine D, donc il n’est pas forcément utile de cloîtrer les enfants à l’intérieur. On peut même les exposer quelques minutes au soleil, cela ne peut leur faire que du bien si on respecte leur dose individuelle limite. Tout est une question de dosage, bien sûr.

Propos recueillis par Lilou Macé.

A découvrir également

Back to top