Protection de la santé ou délire sécuritaire? Les sénateurs demandent l’interdiction des bancs de bronzage

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 13/07/2012 Mis à jour le 10/03/2017
En réclamant l'interdiction des bancs de bronzage, accusés de favoriser les cancers, les sénateurs oublient qu'ils sont en partie responsables de la réglementation absurde actuelle. Et ils ratent une bonne occasion de promouvoir vraiment la santé publique.

Dans un rapport publié vendredi 13 juillet, la mission d’information sur les actes à visée esthétique du Sénat réclame l’interdiction des cabines de bronzage, hors usage médical. Cette mission est présidée par la sénatrice UMP Chantal Jouanno, et le rapporteur en est le socialiste Bernard Cazeau.

«La mission première des pouvoirs publics», indique ce rapport portant sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique, «est de protéger la santé de nos concitoyens de dangers sanitaires avérés. C’est bien le cas des UV artificiels, en dehors de quelques usages médicaux pour lesquels ils peuvent être prescrits : traitement de certaines formes d’acné ou de psoriasis.»  Faute de le faire, ajoute le rapport, «il leur faudra assumer toutes les conséquences de leur inaction lorsque, d’ici à vingt ans, le laxisme actuel se traduira par un surcroît de pathologies cutanées».

Depuis plusieurs années, le bronzage artificiel est dans le collimateur des autorités sanitaires. En mai, une étude publiée par le ministère de la santé estimait cette pratique responsable de 100 à 350 cancers de la peau chaque année en France. La ministre de la santé, Marisol Touraine, avait alors assuré que les règles imposées aux exploitants seraient renforcées et que les lunettes de protection (aujourd’hui payantes dans certains centres) seraient mises à disposition gratuitement.

Pour les sénateurs, il faut aller plus loin pour «éviter un futur scandale sanitaire» : ils préconisent donc une interdiction des cabines à UV, en s’appuyant sur l’argumentation de l’Institut national du cancer et sur le fait que le Centre international de recherches sur le cancer (Lyon) considère les UVA et UVB (naturels et artificiels) comme des cancérogènes pour l’homme. Le rapport indique qu’ «il n’est pas possible de déterminer une fréquence minimum pour laquelle l’exposition aux lampes UV est sans risque. Celle-ci n’entraîne aucun bénéfice pour la santé : elle ne prépare pas la peau au soleil, ne permet pas ou très peu la production de vitamine D et entraîne un vieillissement cutané prématuré

Le bon usage des ultraviolets B passé sous silence

Les cabines UV délivrent essentiellement des UVA et très peu d’UVB. Hormis le bronzage, les UVA ont peu d’intérêt et, à dose élevée, des effets indésirables sur le vieillissement de la peau et le risque de cancer. Les UVB eux aussi peuvent provoquer des cancers mais à dose modérée ils sont indispensables à la santé dans la mesure où ils permettent de synthétiser la vitamine D. Or, si les cabines françaises délivrent très peu d'UVB, la responsabilité en revient aux mêmes pouvoirs publics qui aujourd’hui dénoncent cette situation ! Comme nous l’avons expliqué, la réglementation française impose depuis 1997 aux cabines de bronzage un ratio UVA/UVB excessif, alors qu’aux Etats-Unis, ce ratio est conforme à celui que l’on rencontre entre 11 heures et quinze heures en été (qui constitue la bonne fenêtre d'exposition de la peau pour synthétiser la vitamine D). Utilisés avec prudence en hiver (une dizaine de minutes par jour), les cabines nord-américaines peuvent donc contribuer à la bonne santé en restaurant et maintenant des taux protecteurs de vitamine D. Il suffirait de permettre aux exploitants français de cabines de délivrer des UVB pour faire de ces lieux des auxiliaires potentiels de santé.

Les sénateurs français qui sont responsables d’une situation réglementaire absurde ont donc raté une bonne occasion d’œuvrer réellement pour la santé. Au contraire, leur prise de position qui passe sous silence la nécessité vitale de s'exposer au rayonnement solaire ou artificiel pour synthétiser la vitamine D, contribue à diaboliser un peu plus les ultraviolets, tous les ultraviolets, y compris ceux qui nous sont indispensables en été. Un beau gâchis.

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