Alzheimer : les oméga-3 efficaces si on les prend tôt

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 08/02/2017 Mis à jour le 10/03/2017
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Les suppléments d'oméga-3 peuvent prévenir ou retarder la maladie d’Alzheimer chez les personnes à risque génétique mais avant les premiers signes de démence

Selon les résultats d’une nouvelle étude parue dans JAMA Neurology, des doses élevées de suppléments de DHA – acide gras omega-3 à longue chaine- pourraient aider à prévenir la progression de la démence chez les personnes porteuses de l’allèle e4 de l’apolipoprotéine (APOE4), facteur de risque génétique de la maladie d’Alzheimer.

Mais cette supplémentation doit être commencée avant les premiers signes de démence. 

L’acide docosahexaénoïque (DHA) est un acide gras omega-3 à longue chaine, présent dans le poisson et les produits de la mer, certaines algues, les oeufs de poule nourries au lin. On en synthétise aussi à partir de l'acide alpha-linolénique (noix, lin, colza). Les omega-3 favorisent les fonctions cérébrales notamment car ils permettent aux membranes cellulaires de mieux se déformer.

Lire : comment les omega-3 favorisent les fonctions cérébrales

Etre porteur du gène APOE4 est un des facteurs de risque le plus important de développer la maladie d’Alzheimer. Cet allèle est présent dans 15 à 25% de la population générale mais chez environ 40% des malades Alzheimer.

« Les études épidémiologiques montrent une association entre les apports élevés en omega-3 – et notamment en DHA- et un risque réduit de maladie d’Alzheimer. Mais les essais cliniques ont conduit à des résultats mitigés et non concluants » expliquent les auteurs. « Les interactions entre le DHA, le génotype APOE et le stade des changements pathologiques de la maladie d’Alzheimer pourraient expliquer les différences obtenues dans les études de supplémentation ».

Les chercheurs ont réalisé une revue des études portant sur le rôle des oméga-3 dans la maladie d’Alzheimer.

Selon leurs résultats, la recherche sur les animaux est très claire : les souris et les rats qui ont suffisamment de DHA pendant au moins 10% de leur durée de vie ne développent pas de signe de la maladie d’Alzheimer dans le cerveau (plaque amyloïde).

« Et chez les souris porteuses du gène APOE4, le fait de recevoir dès leur plus jeune âge des doses élevées de DHA permet de prévenir les caractéristiques de la maladie d’Alzheimer ».

Beaucoup d’études d’observation montre une association entre la consommation élevée de DHA/poisson et un risque plus faible de maladie d’Alzheimer, de meilleurs résultats cognitifs et des volumes préservés de certaines régions du cerveau. Par exemple, dans une méta-analyse de 21 études d’observation, des chercheurs ont montré que ceux qui consomment du poisson une fois par semaine ont un risque significativement plus faible de développer une démence par rapport à ceux qui n’en consomment jamais.

Cependant, les résultats de 14 essais cliniques montrent que les suppléments d’huile de poisson n’ont aucune efficacité chez les patients diagnostiqués Alzheimer. En effet, il n’est pas possible d’inverser la dégénérescence neuronale avec des suppléments d’huile de poisson. Chez les personnes en bonne santé, la supplémentation en oméga-3 peut améliorer les fonctions cognitives mais certaines études n’ont trouvé aucun bénéfice. Les différences génétiques des personnes ciblées, la période de supplémentation, la consommation d’oméga-3 à la base sont autant de facteurs qui peuvent expliquer les résultats différents obtenus par les études.

Cependant, les suppléments d’huile de poisson pris pendant une longue période se révèlent particulièrement efficaces chez les personnes à risque -porteuses de l’allèle APOE4- mais qui n’ont pas développé de démence.

Par exemple, dans une étude dans laquelle les chercheurs ont autopsié les cerveaux de personnes porteuses de l’allèle APOE4 après leur décès, des chercheurs ont montré que les personnes qui ont consommé des produits de la mer une fois par semaine présentent moins de changements neuropathologiques liés à la maladie d’Alzheimer que ceux qui en ont consommé moins. « Manger du poisson une fois par semaine est un objectif totalement réalisable ».

Le bénéfice de la supplémentation en DHA est réel pour les personnes à risque mais seulement avant le stade de démence. Il se peut que la supplémentation en oméga-3 permette de réduire le risque ou de retarder le début des symptômes de la maladie d’Alzheimer chez les porteurs de l’allèle APOE4.

« Les résultats des études montrent qu’il est important de mener d’autres essais dans des populations ciblées » disent les auteurs de l’étude. « Cela permettra d’obtenir des preuves supplémentaires que le DHA est un moyen peu coûteux et sûr de prévenir la maladie d’Alzheimer ».

Enfin, manger du poisson régulièrement est aussi une façon de prévenir le déclin cognitif et la maladie d’Alzheimer. Une méta-analyse récente montre que ceux qui consomment le plus de poisson ont en effet un risque de maladie d’Alzheimer diminué de 36% par rapport à ceux qui consomment le moins de poisson. L’effet protecteur rapporté dans les études est d’autant plus important que la période de suivi est longue - le risque diminue même de 47% pour un suivi supérieur à 5 ans (38% pour les études avec un suivi inférieur à 5 ans)- et que la quantité de poisson consommé par semaine atteint au moins 500 g.

Chaque portion supplémentaire de 100 g de poisson par semaine est associée à une diminution du risque de maladie d’Alzheimer de 11%.

Lire : après 65 ans, on cogite mieux quand on a beaucoup d'oméga-3

Sources

Yassine HN, Braskie MN, Mack WJ, Castor KJ, Fonteh AN, Schneider LS, Harrington MG, Chui HC. Association of Docosahexaenoic Acid Supplementation With Alzheimer Disease Stage in Apolipoprotein E ε4 Carriers: A Review. JAMA Neurol. 2017 Jan 17. doi: 10.1001/jamaneurol.2016.4899. [Epub ahead of print]

Zhang Y, Chen J, Qiu J, Li Y, Wang J, Jiao J. Intakes of fish and polyunsaturated fatty acids and mild-to-severe cognitive impairment risks: a dose-response meta-analysis of 21 cohort studies. Am J Clin Nutr. 2016 Feb;103(2):330-40. doi: 10.3945/ajcn.115.124081. Epub 2015 Dec 30.

Wu SDing YWu FLi RHou JMao P. Omega-3 fatty acids intake and risks of dementia and Alzheimer's disease: A meta-analysis. Neurosci Biobehav Rev. 2015 Jan;48C:1-9. doi: 10.1016/j.neubiorev.2014.11.008. Epub 2014 Nov 21

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