Comment un oméga-3 végétal protège le coeur

Par Marie-Charlotte Rivet Bonjean - Diététicienne-nutritionniste Publié le 25/01/2008 Mis à jour le 10/05/2022
Actualité

L'acide alpha-linolénique des noix, du lin et du colza, protège des maladies cardiovasculaires et des troubles cognitifs.

Les régimes à base de plantes, flexitariens, végétariens, végétaliens, et le régime méditerranéen (qui inclut des aliments d'origine animale comme le poisson) sont considérés comme bons ou très bons pour la santé. Ces modes alimentaires apportent de nombreux composés favorables, qu'il s'agisse de fibres, vitamines, minéraux, composés phénoliques, caroténoïdes, saponines et bien sûr des acides gras monoinsaturés et polyinsaturés.

Lire : La Meilleure Façon de Manger Végétal, de Fabien Badariotti et Léa Lebrun

Il y a deux principaux acides gras polyinsaturés dans les végétaux : l’acide linoléique oméga-6 et l’acide alpha-linolénique oméga-3. Ils sont essentiels, parce que l’organisme ne sait pas les fabriquer. L'alimentation devrait les apporter à peu près à parts égales.

Le chef de file des oméga-3 est l'acide alpha-linoléique ou ALA. On le trouve dans les graines de lin, les noix, le pourpier, les huiles de lin, cameline, colza... Il est transformé après ingestion en acides gras oméga-3 à longues chaînes, comme l'EPA et le DHA, que l'on trouve aussi directement dans les poissons gras et qui s'opposent aux caillots sanguins et sont anti-inflammatoires. Mais l'acide alpha-linolénique n'est pas qu'un simple précurseur de ces oméga-3. Il possède des propriétés propres qui pourraient favoriser la santé cardiovasculaire et les fonctions cérébrales. 

Ce que dit la science

Une analyse récente (2022) s'est penchée sur les résultats d'études précédentes ayant évalué les effets de l'ALA sur les maladies cardiovasculaires et les facteurs de risque de ces maladies comme la pression artérielle et l'inflammation. L'étude a inclus à la fois des essais contrôlés randomisés et des études observationnelles.

Résultats : la consommation d'ALA était associée à un risque de maladie cardiovasculaire réduit de 10 % et à un risque réduit de 20 % de maladie coronarienne fatale. Par ailleurs l'ALA a des effets bénéfiques sur les lipides sanguins ainsi que sur la pression artérielle et l'inflammation.

"Même si on ne consomme pas de poisson et de produits de la mer, il est important de se procurer des oméga-3 pour réduire le risque de maladie cardiaque et promouvoir la santé globale, dit le professeur Penny Kris-Etherton, chercheuse à l'Université d'État de Pennsylvanie. L'ALA sous forme de noix ou de graines de lin peut être protecteur, en particulier lorsqu'il est incorporé dans une alimentation saine riche en fruits, légumes et grains entiers."

Les auteurs de l'étude estiment que l'ALA devrait fournir 0,6 à 1% de l'énergie totale, soit environ 1,1 gramme par jour pour les femmes et 1,6 gramme par jour pour les hommes.

Même les personnes qui mangent du poisson, et reçoivent donc des oméga-3 à longues chaînes pourraient tirer des avantages supplémentaires de la consommation d'oméga-3 d'origine végétale, estiment les auteurs.

L'une des études ayant établi l'intérêt de l'acide alpha-linolénique (et de l'huile de colza) a été conduite par deux chercheurs français, Michel de Lorgeril et Serge Renaud. Il s'agit de l'étude de Lyon.

Lire : Comment échapper à l'infarctus et à l'AVC, du Dr Michel de Lorgeril

Les résultats stupéfiants de l'étude de Lyon

Au milieu des années 1980, ces deux médecins français émettent l'hypothèse que les habitudes alimentaires expliquent pour l’essentiel, et plus que le tabac et la sédentarité, l’épidémie de maladies cardiovasculaires du XXème siècle. Le but de l’étude de Lyon ou Lyon Diet Heart Study fut de montrer que des patients ayant un risque élevé de crise cardiaque (l'infarctus du myocarde) pouvaient, en changeant leurs habitudes alimentaires, diminuer fortement leur risque de récidive.

Plus de 600 patients cardiaques furent recrutés. Une partie devait adopter une diète méditerranéenne enrichie en acides gras oméga-3 grâce à une margarine expérimentale à base d’huile de colza. Les autres mangeaient selon les conseils donnés habituellement par les cardiologues à leurs patients cardiaques c’est-à-dire le régime préconisé par la Société américaine de cardiologie, qui limitait notamment les graisses.

"Les Crétois et les Japonais, deux populations qui ont la meilleure espérance de vie au monde consomment des quantités importantes d’acide alpha-linolénique, explique Michel de Lorgeril. Voilà pourquoi nous avons donné à une partie de nos patients une margarine à base d’huile de colza riche en cet acide gras.”

Victime d’un infarctus le 20 octobre 1990, à l’âge de 57 ans, Robert Dumoulin, ancien cadre supérieur de Renault aurait vraisemblablement rejoint les statistiques de la mortalité cardio-vasculaire, s’il n’avait pas en 1991 donné son accord pour participer avec les 600 autres volontaires à cette étude. “Nous avons été répartis en deux groupes égaux, se souvenait-il quelques années plus tard. Le premier a suivi pendant deux ans les conseils alimentaires prescrits par les cardiologues. Le second, un régime alimentaire inspiré du modèle crétois.”

Robert Dumoulin s'est retrouvé dans le groupe oméga-3, celui qui ne suivait pas les préconisations des cardiologues. Pourtant les patients de ce dernier groupe avaient profité de tous les conseils de mode de vie (tabac, exercice physique, etc.) que l’on donne après un infarctus.

En mars 1993, les résultats se dessinent : ils sont stupéfiants. Il y a eu 20 décès dans le groupe “cardiologues”, mais seulement 8 dans le groupe “Crétois” de Robert Dumoulin, une réduction de mortalité de 70% ! (1)

Lire : Je mange méditerranéen au quotidien, du Dr Guy Avril

Un rôle protecteur fondamental pour les oméga-3

Les résultats de l'étude de Lyon furent publiés en deux temps (1994 et 1999). Au final, tous les risques (de décès, de décès cardiaque, de nouvel infarctus et de toutes les autres complications coronariennes) furent réduits par le nouveau régime d'au moins 50 % et jusqu'à 70 % pour certaines complications.

Quels sont les nutriments responsables des bons résultats de l’étude de Lyon ? Michel de Lorgeril est catégorique : «D’abord les oméga-3, parmi lesquels l’acide alpha-linolénique ALA ! Les analyses conduites pour savoir à quels nutriments on devait cette protection ont montré que les oméga-3, notamment l'ALA et le DHA, étaient les premiers facteurs protecteurs. On peut dire qu'ils ont joué un rôle fondamental et que l'étude de Lyon peut être partiellement assimilée à un essai testant les acides gras oméga-3

En 2001, l'American Heart Association (la Société américaine de cardiologie), a finalement tenu compte des résultats de l’étude de Lyon et actualisé en conséquence ses « recommandations nutritionnelles ».

De nombreuses preuves

En 1996, une grande étude épidémiologique pilotée par l’université de Harvard (Boston, Massachusetts) et qui concernait plus de 40 000 hommes a trouvé que l’acide alpha-linolénique, chef de file de la famille oméga-3, est associé à un plus faible risque de mortalité cardiaque et d’infarctus non fatal. (2) Trois ans plus tard, après avoir analysé les données concernant plus de 80 000 volontaires, la même équipe établissait qu’il en allait de même chez la femme. (3)

A l’instar de l’étude de Lyon, des chercheurs indiens et israéliens ont voulu savoir à la fin des années 1990 si un patient cardiaque a plus intérêt à suivre les recommandations classiques des cardiologues (moins de 30 % des calories apportées par les graisses, moins de 300 mg de cholestérol alimentaire par jour) ou un régime de type méditerranéen riche en fruits, légumes, noix ou amandes, céréales complètes dans laquelle les corps gras sont riches en oméga-3. Un tel régime alimentaire, qui permet de multiplier par deux les apports en acide alpha-linolénique divise pratiquement par deux le risque coronarien comme l’ont rapporté les auteurs de l’étude en 2002 dans le Lancet. (4)

En pratique

L'alimentation apporte généralement beaucoup d'oméga-6, via les huiles et margarines de tournesol, de soja, de maïs, de pépins de raisin et les animaux nourris au soja ou aux céréales. Elle apporte souvent peu d'oméga6-3. Le choix des huiles est donc important. “Contrairement à l’huile de colza, qui apporte les acides linoléique et alpha-linolénique dans des proportions idéales pour la santé, l’huile de tournesol contient trop du premier, et pratiquement pas du second, explique le Dr François Mendy, biochimiste spécialiste des lipides. Les personnes qui consomment du tournesol sont aujourd’hui carencées en acide alpha-linolénique. L’étude de Serge Renaud a montré que le passage à l’huile de colza procure des bénéfices rapides, d’autant qu'ils s’étendent vraisemblablement aux personnes en bonne santé.”

Avec l'huile de colza (de préférence bio et vierge), on peut consommer régulièrement des graines de lin, des noix et des végétaux comme le pourpier. Les produits laitiers d'animaux nourris en bio renferment aussi plus d'oméga-3.

Sources

(1) de Lorgeril M, Renaud S, Mamelle N, Salen P, Martin JL, Monjaud I, Guidollet J, Touboul P, Delaye J. Mediterranean alpha-linolenic acid-rich diet in secondary prevention of coronary heart disease. Lancet. 1994 Jun 11;343(8911):1454-9. Erratum in: Lancet 1995 Mar 18;345(8951):738.

(2) Ascherio A : Dietary fat and risk of coronary heart disease in men : cohort follow up study in the United States. BMJ 1996, 343 : 1454-1459.

(3) Hu FB : Dietary intake of alpha-linolenic acid and risk of fatal ischemic heart disease among women. Am J Clin Nutr 1999, 69 : 890-897.

(4) Singh RB : Effect of an Indo-Mediterranean diet on progression of coronary artery disease in high risk patients : a randomised single-blind trial. Lancet 2002, 360 : 1455-1461.

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