Oméga-3 : l’essentiel pour les experts

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 09/01/2008 Mis à jour le 28/02/2017
L'essentiel

Les oméga-3 sont des acides gras essentiels que l'organisme ne peut synthétiser. Quels sont leurs rôles? Quels sont nos besoins? LaNutrition.fr vous répond.

Qu’est-ce que c’est ?

Les acides gras oméga-3 sont des sont des acides gras essentiels qui ne peuvent pas être synthétisés par notre organisme et doivent donc être apportés par l’alimentation.

Ces acides gras polyinsaturés (PUFA) sont composés de 18 à 22 atomes de carbone dont la première double liaison se trouve en position 3 à partir du groupement méthyle. Les principaux acides gras ω3 sont :

  • l'ALA acide α-linolénique : C 18:3 n-3,
  • l'EPA acide eicosapentaénoïque: C 20:5 n-3 et
  • le DHA acide docosahexaénoïque: C 22:6 n-3.

Notre organisme est capable de convertir l’ALA en EPA et DHA mais les taux de conversion sont insuffisants donc ces deux acides gras doivent impérativement être apportés par l’alimentation.

Les eicosanoïdes
Dans l’organisme ces graisses donnent naissance à des composés appelés eicosanoïdes qui jouent un rôle majeur dans l’inflammation, la pression artérielle, la coagulation sanguine, la fonction cardiaque, la contraction des bronches et la protection des muqueuses digestives. Les oméga-3 donnent naissances au leucotriène B5, aux prostaglandines E3 et aux thromboxanes A3 qui sont peu inflammatoires et diminuent la coagulation. A l’inverse les oméga-6 donnent naissances aux eicosanoïdes suivants : leucotriène B4, prostaglandines E2 et aux thromboxanes A2 qui eux sont inflammatoires et favorisent la coagulation.

Un peu d’histoire

De 1950 à 1974, les chercheurs Danois Niels Kromann et Anders Green mènent une étude épidémiologique sur la santé des habitants du district d’Upernavik au Groenland. En comparant deux groupes d’esquimaux ils se rendent comptent que ceux qui ont conservé un mode de vie traditionnel ont beaucoup moins d’infarctus, de diabète, de maladies de la thyroïde, d’asthme, de sclérose en plaques et de psoriasis.

De 1971 à 1980, deux autres Danois, Jorn Dyerberg (lire l’interview de Jorn Dyerberg) et Hans Bang, poursuivent ce travail. Ils montent plusieurs expéditions scientifiques sur la côte ouest du Groenland. Ils se penchent sur l’alimentation des Esquimaux et constatent une forte consommation de poisson (400 g par jour en moyenne) et de viande de mammifères marins. Pour Dyerberg et Bang, c’est bien au poisson que les Esquimaux doivent la faible incidence de maladies cardiovasculaires.

Au même moment, Akira Hirai et Takashi Terano (université de Chiba, Japon) s'intéressent au régime des habitants de l’archipel d’Okinawa, au sud du Japon. Ils constatent que les maladies cardiovasculaires sont plus rares chez eux. Par ailleurs Hirai et Terano rapportent qu’à Okinawa on consomme en moyenne 250 g de poisson par jour.

Dans les deux cas les chercheurs ne tardent pas à identifier les oméga-3 contenus dans le poisson comme le facteur responsable de l’état de santé exceptionnel de ces habitants.

À quoi ça sert ?

À optimiser le fonctionnement du cœur

De nombreuses études épidémiologiques ont montré qu’une consommation de poisson régulière entraînait une diminution des maladies cardiovasculaires. Cette protection a depuis été confirmée par différentes études d'intervention contrôlées.

Ainsi deux études en prévention primaire, ont montré respectivement que les sujets dont le taux d’oméga-3 dans le sérum était important voyaient leur risque de mort sublite abaissé de plus de 80 %. Un résultat confirmé par une seconde étude montrant que ceux qui consomment plus de 0,7 grammes d’oméga-3 par jour voient leur risque de maladie coronarienne diminuer de 40 %.
L’étude GISSI a été menée sur plus de 11000 patients ayant survécu à un premier accident cardiovasculaire et a montré que la supplémentation en oméga-3 associée à un régime méditerranéen entraînait une réduction de 23% du risque de morte subite.

Pourquoi les oméga-3 améliorent-ils la santé cardiovasculaire ? Selon les chercheurs ils agissent sur plusieurs paramètres : ils diminuent la tension artérielle qui est un facteur de risque cardiovasculaire majeur, diminuent l'agrégation plaquettaire et favorisent la dilatation des vaisseaux sanguins, ils diminuent le taux de triglycerides plasmatiques, ils limitent les troubles du rythme cardiaque et notamment les arythmies ventriculaires.

L’analyse des résultats de 13 études prospectives portant sur plus de 222 000 personnes suivies pendant 12 ans en moyenne a trouvé que les personnes qui consomment un plat de poisson par semaine voient leur risque de mortalité cardiovasculaire réduit de 15%. Ce risque est même réduit de 40% chez ceux qui en consomment 5 par semaine. Un bénéfice attribué aux acides gras oméga-3, qui préviennent les arythmies, font baisser les triglycérides et pourraient même entraîner une perte des graisses corporelles comme en témoigne une étude australienne de 12 semaines sur 75 adultes en surpoids.

À limiter l’inflammation

Au cours des 30 dernières années, les scientifiques ont montré que les graisses donnent naissance à des dérivés appelés eicosanoïdes qui permettent à nos cellules de communiquer entre elles. Les eicosanoïdes modulent l’ensemble des phénomènes inflammatoires et immunitaires dans l’organisme. Mais tous les eicosanoïdes ne se ressemblent pas. Les graisses de la famille oméga-6 libèrent entre autres une famille d’eicosanoïdes pro-inflammatoires. A titre d’exemple, on sait aujourd’hui que l’aspirine soulage les inflammations précisément parce qu’elle empêche ces eicosanoïdes issus des oméga-6 de se former. Les eicosanoïdes oméga-6 favorisent aussi la coagulation, la vasocontriction et la prolifération cellulaire. A l’inverse, les eicosanoïdes oméga-3 sont bien moins puissants, donc très peu inflammatoires et plutôt vasodilatateurs. Mais s’il y a trop des premiers et pas assez des seconds, non seulement tous les processus inflammatoires sont encouragés, la tension artérielle peut s’élever et le système immunitaire s’emballer. Cela ne veut pas dire que les oméga-6 sont « mauvais ». Grâce à eux, une hémorragie peut être enrayée. Un excès d’oméga-3 pourrait d’ailleurs favoriser les saignements, comme en témoigne la fréquence élevée d’accidents vasculaires cérébraux chez les Esquimaux. Autre exemple : les oméga-6 permettent aussi la synthèse d'une prostaglandine qui prévient les glaucomes. Mais notre alimentation, qui apporte trop d’oméga-6 et pas assez d’oméga-3, entraîne une surproduction d’eicosanoïdes inflammatoires, vasoconstricteurs, coagulants. Or, les inflammations, sont à l’origine d’un nombre considérable de maladies chroniques. De nombreuses études mettent en évidence les effets préventifs des oméga-3 contre les maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde et la maladie de Crohn.

À équilibrer les troubles de l’humeur et à lutter contre la dépression

Les oméga-3 jouent un rôle important dans la régulation de l’humeur et la prévention de la dépression. Concrètement, le cerveau produit en excès des cytokines, qui sont des composés inflammatoires. (Ce sont notamment l’interleukine-1b, l’interleukine-2, l’interleukine-6, l’interféron-gamma et le facteur de nécrose tumorale (TNF-a)). Chez les patients qui souffrent de dépression majeure, le niveau des cytokines est très élevé.

D’où viennent les cytokines ? Elles grimpent lorsque nous sommes stressé(e)s, en cas d’infection, de traumatisme (blessure, chirurgie), d’allergies, après un accouchement, lorsque nous sommes exposé(e)s à des polluants, en cas de cancer et de maladie cardiovasculaire.

Mais leur niveau est surtout modulé par les graisses polyinsaturées (végétales) de l’alimentation. Les acides gras oméga-6 en excès les font monter, les acides gras oméga-3 les font baisser.

Ces cytokines ont des effets variés sur le système nerveux central. Ce que l’on sait, c’est que plus leur niveau est élevé, plus la dépression est sévère.

Les Français qui sont dans ce cas (la majorité de la population) ont moins d’oméga-3 dans leurs cellules nerveuses. Cette place est prise par les oméga-6 pro-inflammatoires. Quelles en sont les conséquences ?

  • les membranes sont moins fluides, donc le signal chimique de la bonne humeur, véhiculé par la sérotonine ou la noradrénaline est perturbé ;
  • les vésicules qui, dans les cellules nerveuses, renferment les neurotransmetteurs de la bonne humeur (sérotonine, dopamine, noradrénaline) sont 30% moins nombreuses : il y a donc moins de messagers chimiques disponibles ;
  • les neurones sont plus petits, donc moins capables d’assurer leur travail ;
  • on assiste dans les terminaisons nerveuses à une réduction considérable (-40%) d’une enzyme-clé pour la transmission nerveuse puisqu’elle consomme la moitié de l’énergie nécessaire au cerveau ;
  • les déficits en oméga-3 entraînent une baisse de l’ordre de 30 à 35% d’une substance appelée phosphatidylsérine dans le cortex. Or la phosphatidylsérine possède justement une activité antidépressive ;
  • l’utilisation de glucose par le cerveau (son unique carburant) est diminuée de 30% ;
  • la microperfusion cérébrale est compromise du fait d’altérations dans les vaisseaux qui approvisionnent le cerveau en sang et oxygène.

De nombreuses études ont montré qu’une alimentation riche en oméga-3 ou la prise de compléments permet de réguler l’humeur et d’éloigner les risques de dépression.

À prévenir le cancer

De nombreuses études scientifiques montrent qu’un apport suffisant en oméga-3 permettrait de limiter le risque de cancer. Au contraire le fait de consommer trop d’oméga-6 et pas assez d’oméga-3 augmenterait le risque de cancer.

À lutter contre l’obésité

De plus en plus d’études suggèrent que les acides gras oméga-3 contribuent à limiter la prise de poids voire même aiderait certains patients atteints d’obésité à perdre des kilos superflus. Les chercheurs suggèrent que les oméga-3 agirait en augmentant le métabolisme des graisses dans l’organisme.

À prévenir le diabète

Une étude récente suggère que les enfants qui consomment régulièrement des oméga-3 verraient leur risque de développer un diabète de type 1 diminuer de 55 %. Des bienfaits probablement liés à l’action anti-inflammatoire des oméga-3.

À améliorer la vue

Les oméga-3 sont un constituant essentiel de la rétine et certaines études montrent qu’un apport équilibré en oméga-3 contribue à favoriser une bonne vision chez les tout petits mais aussi à limiter des maladies comme la dégénérescence maculaire chez les plus âgés.

À prévenir l’ostéoporose

Les cytokines et d’autres médiateurs de l’inflammation comme la prostaglandine E2 (PGE2) issue du métabolisme des acides gras oméga-6 de l’huile de tournesol favorisent l’ostéoporose en activant les cellules responsables de la destruction osseuse.

À l’inverse, les acides gras oméga-3 réduisent la perte osseuse parce qu’ils s’opposent aux cytokines et autres médiateurs inflammatoires.

Dans une étude conduite à l’université Purdue, des groupes de 15 rats ont reçu pendant 42 semaines des régimes alimentaires identiques à l’exception du ratio oméga-6 sur oméga-3, qui variait. Ces ratios étaient les suivants : 23,8, 9,8, 2,6 et 1,2. Les ratios les plus bas ont été obtenus grâce à des huiles de poisson. Les rats qui ont bénéficié du régime avec le ratio de 1,2, donc en pratique supplémentés en huiles de poisson ont connu une augmentation de la densité osseuse.

À lutter contre le déclin cognitif

Une étude récente menée par les chercheurs de l’université Tufts de Boston a trouvé que les personnes qui consomment plus de deux fois par semaine saumon et autres poissons gras ont, par rapport à celles qui en mangent moins d’une fois par mois, un risque de démence inférieur de 28 %. Idem pour la maladie d’Alzheimer, le risque diminuant alors de 41%. Les poissons maigres n’ont montré aucun bénéfice sur ces pathologies. Une autre étude confirme l’impact des poissons gras sur la mémoire : « la consommation de poisson peut être associée à un déclin cognitif lié à l’âge plus lent » écrivent les chercheurs de l’université Rush de Chicago.

Où trouver les oméga-3 ?

Normalement, le foie humain sait fabriquer l’EPA et le DHA à partir d’un autre acide gras oméga-3 de l’alimentation : l’acide alpha-linolénique (du lin ou du colza par exemple). Mais cette production est insuffisante. Il ne suffit donc pas de consommer des graines de lin ou de l’huile de colza pour ne manquer ni d’EPA ni de DHA. Il faut aussi se procurer ces acides gras directement préformés, dans les poissons, les crustacés, les coquillages ou les œufs de poules nourries aux graines de lin.

Mange-t-on assez d’oméga-3 ?

L’apport conseillé par l’Afssa en 2001 s’établit à 0,8 % de l’apport énergétique soit 2 g par jour chez l’homme et 1,6 g chez la femme. Les apports conseillés en DHA : 0,12 g et 0,10 g respectivement.

La Société internationale pour l’étude des acides gras et des lipides recommande en 2004 un minimum de 500 mg d’EPA + DHA par jour.

L’Association américaine de cardiologie recommande 1 g d’EPA + DHA par jour pour les personnes à risque cardiovasculaire.

En France, les apports en alpha-linolénique ont été évalués chez 2099 hommes et 2785 femmes sur une période de 30 mois entre 1994 et 1998. L’apport en acide alpha-linolénique (le chef de file de la famille oméga-3) en pourcentage de l’énergie est de 0,36 chez l’homme et 0,38 chez la femme, soit plus de deux fois moins l’apport conseillé.

Idéalement, la plupart des chercheurs reconnaissent que pour optimiser notre santé nous devrions consommer environ 4 fois plus d’oméga-6 que d’oméga-3. Mais dans la plupart des pays cet équilibre est loin d’être atteint et la plupart des gens consomment plutôt 20 fois plus d’oméga-6 que d’oméga-3. Un déséquilibre que les chercheurs conseillent de corriger d’une part en diminuant la part d’oméga-6 dans l’alimentation mais surtout en augmentant l’apport en oméga-3.

Les recommandations alimentaires de LaNutrition.fr en acides gras

Dans le détail, les oméga-6 pourraient intervenir pour 3 à 5% des calories totales, avec la répartition suivante :

  • 3,6 % en moyenne venant de l’acide linoléique, qui est le chef de file de la famille, majoritaire dans l’huile de tournesol par exemple ;
  •  0,4 % en moyenne venant des acides gras oméga-6 à chaînes longues, et en particulier l’acide arachidonique.

Pour les oméga-3, nous recommandons qu’ils représentent 1,4 à 1,8 % des calories totales :

  • 1,2 % des calories en moyenne provenant de l’acide alpha-linolénique, le chef de file de la famille (majoritaire dans l’huile de lin) ;
  • 0,4 % provenant des acides gras oméga-3 à longues chaînes, notamment l’EPA et le DHA des poissons gras. Ceci conduit à une consommation quotidienne d'EPA + DHA de 1 gramme.

Acides gras

Pourcentage de l'apport calorique conseillé

Quantité quotidienne conseillée pour 2250 calories (kcal)

Monoinsaturés Oméga-9

17,5% (14 à 20)

43 g (35 à 50 g)

Polyinsaturés Oméga-6

Acide linoléique

Acide arachidonique

4% (3 à 5)

3 ,6 %

0,4 %

10 g

9 g

1 g

Polyinsaturés Oméga-3

Acide alpha-linolénique

EPA + DHA

1,6% (1,4 à 1,8)

1,2%

0,4%

4 g

3 g

1 g

Total acides gras polyinsaturés

5,6% (4,5 à 6,5)

14 g

Acides gras saturés

10% (9 à 11)

25 g

Total

33,1 (28 à 38)

82 g

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