Vitamine D et oméga-3 indispensables à la régulation de la sérotonine, hormone de l’humeur.

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 12/03/2015 Mis à jour le 10/03/2017
Un déficit en vitamine D et des apports insuffisants en acides gras oméga-3 affectent l'humeur et la mémoire car ils perturbent l'action de la sérotonine.

Dans cette nouvelle étude parue dans The FASEB Journal, les chercheurs montrent par quels mécanismes un déficit en vitamine D et des apports insuffisants en acides gras oméga-3 contribuent à un dysfonctionnement dans la synthèse et l’action de la sérotonine et peuvent ainsi conduire, en combinaison avec des facteurs génétiques, à l’apparition de troubles du comportement et certaines pathologies neuropsychiatriques.

Lire : à quoi sert la sérotonine ?

La sérotonine régule de nombreuses fonctions cérébrales et comportementales, notamment les fonctions exécutives (capacité nécessaires pour s’adapter à une situation nouvelle), le déclenchement sensoriel et le comportement social. Or, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), le trouble bipolaire, la schizophrénie et le comportement impulsif présentent tous des défauts au niveau de ces fonctions. « Les troubles neuropsychiatriques sont multifactoriels et sont influencés par une interaction complexe entre la génétique, la nutrition et l’environnement » expliquent les auteurs.

Comment expliquer l’impact de la nutrition sur le fonctionnement cognitif ? Le fonctionnement cognitif implique des milliards de neurones qui « travaillent » par l'intermédiaire de nombreuses voies biochimiques et enzymes associées. Or, beaucoup de ces enzymes nécessitent des micronutriments, vitamines et minéraux essentiels, qui agissent comme cofacteurs pour leur assurer un fonctionnement optimal. On comprend donc qu’une insuffisance en micronutriments pourrait nuire au fonctionnement des enzymes impliquées dans la bonne marche du cerveau. « Beaucoup de personnes souffrant d’une maladie mentale présentent un déficit en certains nutriments comme les omégas-3 ou la vitamine D » expliquent les auteurs.

« La supplémentation en acides gras oméga-3 et en vitamine D améliorent la fonction cognitive dans ces maladies du cerveau, sans que l’on sache exactement pourquoi ».

Lire : comment les oméga-3 luttent contre la dépression

Dans cette étude les chercheurs proposent des mécanismes par lesquels la synthèse de la sérotonine, sa libération et son action dans le cerveau sont modulés par la vitamine D et les acides gras oméga-3, l’acide eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosahexaénoïque (DHA), deux acides gras que l'on sait synthétiser à partir de l'acide alpha-linolénique (noix, huile de colza...), ou que l'on trouve tout prêt dans les poissons gras notamment.

Vitamine D et sérotonine

La vitamine D, et plus particulièrement la forme hormonale 1,25-dihydroxyvitamine D, joue un rôle clé dans la régulation de la synthèse de la sérotonine. Au niveau du cerveau, la sérotonine est synthétisée à partir du tryptophane par l’enzyme tryptophane hydroxylase, activée par la vitamine D sous forme hormonale. Les chercheurs expliquent que la durée du déficit en vitamine D et le stade du développement auquel il intervient (âge gestationnel, enfance, âge adulte…) affecte la sévérité des dysfonctionnements de la fonction exécutive ou du comportement social. De nombreuses études montrent notamment que des niveaux bas de vitamine D durant le développement gestationnel et néonatal représentent un facteur de risque pour la schizophrénie et la psychose.

Lire : dépression : le rôle de la vitamine D

« Une supplémentation en vitamine D durant le développement précoce du cerveau pourrait diminuer le risque de troubles neuropsychiatriques et une supplémentation plus tard dans la vie pourrait améliorer certains dysfonctionnements du cerveau » expliquent les auteurs.

Lire : 1 enfant sur 3 manque de vitamine D

 

Oméga-3 et sérotonine

Les études montrent que les niveaux sanguins d’EPA et DHA sont plus faibles chez les personnes qui souffrent de maladies psychiatriques (troubles bipolaires, comportement suicidaire, schizophrénie…). Et une supplémentation en oméga-3 a un rôle bénéfique sur la sévérité des symptômes.

Lire : oméga-3 et dépression : un lien de plus en plus solide

Selon les chercheurs, l’EPA pourrait augmenter la libération de la sérotonine par les neurones présynaptiques, notamment en agissant sur la formation des prostaglandines E2. En effet, les prostaglandines E2 qui sont formées à partir de l’acide arachidonique (acide gras oméga-6 produit à partir de l’acide linoléique), inhibent la libération de la sérotonine. Il semble donc que le niveau d’EPA au niveau du cerveau est important pour avoir une libération normale de sérotonine.

Quant au DHA, il influencerait l’action de la sérotonine en augmentant la fluidité de la membrane cellulaire –et donc l’accessibilité au récepteur de la sérotonine- dans les neurones post-synaptiques.

Les auteurs proposent un modèle dans lequel des niveaux insuffisants de vitamine D, EPA ou DHA en combinaison avec des facteurs génétiques et à des moments clés du développement conduiraient à des dysfonctionnements de l’activation de la sérotonine et de sa fonction. Cela pourrait constituer un mécanisme sous-jacent qui contribue aux troubles neuropsychiatriques et à la dépression.

Dans la population, des niveaux insuffisants en vitamine D et oméga-3 sont fréquents, ce qui laisse penser que la synthèse de la sérotonine au niveau du cerveau n’est pas optimale.

« Ce modèle suggère que l’optimisation des apports en vitamine D et en acides gras oméga-3 pourraient aider à prévenir et moduler la sévérité des troubles mentaux » concluent les auteurs.

Lire : la dépression hivernale : une question de sérotonine

Source

Patrick RP, Ames BN. Vitamin D and the omega-3 fatty acids control serotonin synthesis and action, part 2: relevance for ADHD, bipolar, schizophrenia, and impulsive behavior. FASEB J. 2015 Feb 24. pii: fj.14-268342. [Epub ahead of print]

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