Philippe Humbert: ''La vitamine C est efficace contre les rides''

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 19/04/2006 Mis à jour le 21/11/2017
Le Professeur Philippe Humbert, chercheur en cosmétologie, répond à toutes les questions de LaNutrition.fr sur l’efficacité des crèmes à la vitamine C. Oui, elles permettent bien de diminuer les imperfections de la peau liées à des expositions au soleil répétées mais aussi les rides dues au vieillissement normal.Dosage, mode d’action, compléments… vous saurez tout sur la vitamine C en cosmétique !

Comment, précisément, la vitamine C agit-elle pour réparer les lésions cutanées liées au soleil ? Quels sont les mécanismes biochimiques impliqués au niveau des différentes cellules de l’épiderme et du derme ?

Parmi les principales modifications observées au cours du photovieillissement on note une diminution de l'épaisseur de l'épiderme et du derme et une perte de l'élasticité de la peau. Or la vitamine C stimule la prolifération des fibroblastes et la synthèse de collagène, comme cela a été démontré in vitro, mais également par une étude clinique in vivo (notre publication dans le Journal of Investigative Dermatology). Cette action de la vitamine C sur le derme modifie le relief cutané, en le rendant plus isotrope, c'est-à-dire en faisant réapparaître des sillons plus caractéristiques de la peau jeune et en réduisant les ridules. La vitamine C a aussi une action sur la prolifération des kératinocytes in vitro.

Un autre mode d'action de la vitamine C repose sur son action antiradicalaire. Vous savez qu'un organisme humain produit des radicaux libres, dont la production est d'ailleurs augmentée sous l'exposition ultraviolette. Peu à peu se produit un déséquilibre entre la production radicalaire et les systèmes de protection anti-radicalaire. La vitamine C, puissant anti-radicalaire a une action directe et indirecte en synergie avec la vitamine E. La vitamine E permet de conserver l'intégrité des membranes cellulaires en les protégeant de la peroxydation lipidique.


Quel est le dosage minimum de vitamine C pour qu’une crème cosmétique soit efficace comme réparateur du vieillissement cutané lié au soleil ? Quel est le temps d’application minimum ? Les effets sont-ils durables après arrêt d’utilisation ?

Les effets de deux dosages de vitamine C dans une crème cosmétique (5 et 10 %) ont été évalués chez l'homme. Concernant la crème contenant 5 % de vitamine C, son effet optimum a été observé 6 mois après une application journalière. Une crème contenant 10 % de vitamine C sous forme hydrosoluble et 7 % sous forme liposoluble a été appliquée durant 12 semaines. Bien qu'il soit difficile d'interpréter ces résultats car il existe des différences au niveau de la formulation des crèmes et de la durée du traitement, il était clairement établi qu'à partir d'une concentration de 5% de vitamine C, une efficacité est observée. Il n'est pas non plus démontré que l'efficacité soit proportionnelle à la concentration de la vitamine C dans le cosmétique. La durée de l'effet après arrêt d'utilisation n'a été évalué dans aucune étude, me semble-t-il.


La vitamine C peut-elle être utilisée efficacement comme soin réparateur après soleil dans le cas de coups de soleil par exemple ?

Les soins réparateurs après soleil font le plus souvent appel à des mélanges de vitamine anti-oxydante ou anti-radicalaires telles que les vitamines C et E. Plusieurs travaux ont déjà montré qu'un apport en anti-oxydant peut retarder le seuil d'apparition d'un érythème (coup de soleil). La vitamine C, molécule hydrosoluble intervient en première ligne, pour tenter de neutraliser les radicaux libres, dont la formation augmente avec l'exposition au soleil. Les radicaux libres qui ne sont pas interceptés à ce stade vont tenter de s'attaquer aux lipides des membranes cellulaires et c'est alors qu'intervient la vitamine E. Cette protection n'est pas sans limite. Après un bain de soleil en effet, la concentration en anti-oxydants à tendance à diminuer dans le sang. Donc un apport complémentaire en vitamine C et E (cette fois par voie orale, [sous forme de compléments alimentaires]) pourrait permettre de restaurer l'arsenal défensif.


Les propriétés de la vitamine C pourraient-elles être utilisées dans des cosmétiques anti-âge ?

Les propriétés de la vitamine C sont en effet déjà utilisées dans des cosmétiques anti-âge. Cela a fait l'objet de plusieurs études, dont celle que nous avons réalisé dans notre laboratoire. L'utilisation d'une crème à 5 % de vitamine C a montré une amélioration de l'ultrastructure (l'aspect de la peau en microscopie électronique) et du microrelief, chez des sujets âgés de 51 à 59 ans.

Notre équipe de recherche a pu montrer dernièrement que la teneur du derme en vitamine C diminuait de façon quasiment linéaire avec l'âge (ce travail a fait l'objet d'une publication dans Gerontology en 2003). Il apparaît donc que non seulement l'apport de vitamine C est utile dans le cadre du photovieillissement mais aussi du vieillissement cutané chronologique. D'autres molécules présentent un intérêt dans le vieillissement chronologique. Je pense particulièrement à l'acide rétinoïque ou ses dérivés, l'avocadofurane, les dérivés de l'acide ursolique...


Pouvez-vous recommander aujourd’hui un ou plusieurs produits cosmétiques à la vitamine C, susceptibles d’apporter des résultats dans les soins correcteurs du vieillissement ?

Il m'est difficile de recommander des produits cosmétiques contenant de la vitamine C, sans connaître les études réalisées pour chacun d'eux. Ce que je peux vous dire, concerne deux produits pour lesquels nous avons eu l'occasion de faire des études : il s'agit d'Active C [La Roche-Posay] et de Flavo C ; l'un et l'autre ayant des propriétés pharmacologiques et pharmacodynamiques démontrées.


Tous les cosmétiques à la vitamine C sont-ils efficaces ?

Pour qu'une crème à la vitamine C soit efficace, il faut que la vitamine C soit sous forme levogyre (forme naturelle) et qu'elle ne soit pas oxydée. Il est donc nécessaire pour les industries de la cosmétique de développer des excipients aptes à conserver la vitamine C dans cette configuration. C'est notamment le cas des polyols dans un cas ou du pH plus acide dans un autre cas.

L'absorption percutanée de vitamine C est maximale si celle-ci se trouve sous forme L-acide ascorbique et lorsqu'elle est formulée à un pH inférieur ou égal à 3,5. Dans la littérature on retrouve la notion d'une protection plus grande de la vitamine C, vis-à-vis de l'oxydation lorsqu'elle celle-ci est dissoute dans la phase aqueuse d'une émulsion ou dans de l'huile dans l'eau.


Les compléments de vitamine C par voie orale ont-ils un effet bénéfique sur la peau ? En prévention solaire ? Du vieillissement chronologique ?

Concernant l'intérêt de l'apport de vitamine C par voie orale, celui-ci me semble modeste compte-tenu de la faible biodisponibilité de la vitamine C au niveau de la peau, après administration orale.


Par voie topique, l’association avec d’autres substances antioxydantes comme la vitamine E, des polyphénols, de la Co-enzyme Q 10 ou du Rétinol renforce-t-elle l’efficacité de la vitamine C ?

A ma connaissance aucune étude comparative n'a été effectuée concernant l'association vitamine C versus vitamine C + rétinol, ou vitamine C versus vitamine C + polyphénol ou vitamince C versus vitamine C + coenzyme Q10.


Quels sont vos domaines de recherches actuels ?

Nos domaines de recherche actuelle sont les suivants :

  • bioingéniérie cutanée avec développement de nouveaux outils permettant de caractériser les propriétés physiques et physico-chimiques de la peau. Nous nous intéressons tout particulièrement à la mouillabilité de la peau (caractère hydrophile ou hydrophobe), à la caractérisation du relief cutané par des méthodes non invasives faisant appel à la projection de franges de lumière, à la mesure des propriétés optiques de la peau pour caractériser par exemple l'éclat.

  • un autre domaine de recherche concerne la pharmacologie cutanée, avec l'étude de la pénétration de produits à travers la peau par une méthode in vivo appelée microdialyse ou in vitro (cellules de Frantz, ..). Grâce à ces méthodes on peut aussi mesurer les phénomènes dynamiques, notamment sur la production de tels ou tels médiateurs, ou substances.

  • enfin nous développons un modèle de peau in vitro, en culture , caractérisé par des forces mécaniques intrinsèques sur lesquelles des molécules sont testées en terme d'efficacité selon telle ou telle pathologie à laquelle elles s'adressent.

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