Éric Houdeau : « L’intestin est très sensible aux faibles doses de bisphénol A »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 17/12/2009 Mis à jour le 10/03/2017
Éric Houdeau est chargé de recherche à l’unité Neuro-Gastroentérologie et Nutrition, de l’Institut national de recherche agronomique de Toulouse (Inra). Il a publié le 14 décembre 2009 une étude qui démontre que l’exposition au bisphénol A a des conséquences sur la fonction intestinale.

LaNutrition.fr : Pourquoi étudier les conséquences du bisphénol A sur l’intestin ?

Éric Houdeau : De nombreuses études ont montré les effets du bisphénol A sur la reproduction et le cerveau. Pourtant, quand on mange un produit contaminé au bisphénol, il se retrouve dans l’intestin. L’intestin est le premier organe à entrer en contact avec cette substance, et il réagit à de très faibles doses.

Quels sont les effets du bisphénol A sur l’intestin ?

En fait, l’intestin n’est pas qu’un tube avec une entrée et une sortie. On considérait jusqu’à présent cet organe comme une voie d’insertion, alors que la barrière intestinale exerce trois fonctions :

- Elle assure la perméabilité de l’intestin. Le bisphénol A réduit la perméabilité de la paroi intestinale, qui est une zone de protection et d’échanges d’eau et de sels minéraux ;

- Elle intervient dans la perception de la douleur intestinale. À ce niveau-là, le bisphénol ne crée pas de douleur mais accroît la perception d’une douleur préétablie. Les œstrogènes naturels le font aussi, mais, au cours du cycle, on note des variations. Le bisphénol, lui, agit en continue ;

- Elle est le siège de la réponse inflammatoire de l’intestin. Ici, le bisphénol A agit sur une inflammation préexistante, avec des effets variables selon la période de vie où l'individu est exposé à ce perturbateur endocrinien : l'inflammation est diminuée si un adulte est exposé directement au bisphénol A, alors qu'elle est au contraire amplifiée si l'exposition a lieu très tôt dans la vie, au cours de la vie fœtale ou chez le nouveau-né.

Vous vous êtes aussi penché sur les effets du bisphénol A chez les nouveaux-nés.

En effet, nous avons étudié les conséquences de l’exposition in utero et durant l’allaitement. Il s’avère que 4 % du bisphénol A ingéré par la mère se retrouvent chez ses petits et ont des effets sur les fonctions biologiques des jeunes. Et pourtant, nous avons utilisé une dose correspondant au seuil en-dessous duquel on n’observe aucun effet indésirable. Donc, une dose sensée être inoffensive a des conséquences chez les mères et dans leurs descendances.

Qu’avez-vous découvert ?

Dans la descendance, le bisphénol A augmente le risque de développer une inflammation intestinale sévère à l’âge adulte. En effet, le bisphénol A se fixe sur les récepteurs aux œstrogènes présents dans la paroi intestinale. Ce qui a pour effet de refermer la barrière intestinale, et de réduire la perméabilité de cette barrière sur le long terme. Or, après la naissance, le système immunitaire au niveau de la paroi de l’intestin n’est pas mature. C’est grâce à l’alimentation qu’il s’éduque et apprend à distinguer les bonnes bactéries qui participent à la digestion de celles qui sont pathogènes. Si la barrière intestinale se ferme trop tôt, l’éducation du système immunitaire ne se fait pas. C’est alors que l’animal, à l’âge adulte, a plus de risques de développer une inflammation sévère.

Peut-on envisager des effets identiques chez l’homme ?

Cette étude a été réalisée sur un modèle animal, le rat, et sur des cellules intestinales humaines en culture, pour montrer que le bisphénol A agit aussi sur des cellules humaines. Ces résultats ne peuvent être directement appliqués à l’homme dans la mesure où il n’est pas un gros rat. Toutefois, comme nous avons utilisé des doses très inférieures aux seuils recommandés, je tiens ces résultats à la disposition des autorités si elles veulent réévaluer les seuils acceptables d’exposition.

Pour tout savoir de l’étude d’Éric Houdeau, lire notre article.

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