Cancer de la peau, soleil et cabines UV, ce qu’on ne vous dit pas en 2012

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 06/06/2012 Mis à jour le 10/03/2017
L'exposition régulière au soleil et l'utilisation de cabines de bronzage UV seraient dangereux pour la santé.L'utilisation de crèmes solaires nous protègerait du cancer.LaNutrition.fr a enquêté.

Comme chaque année, l’arrivée du soleil fait sortir plusieurs acteurs sur nos téléviseurs ou dans les journaux : les autorités de santé tout d’abord, pour nous expliquer que le soleil et les cabines de bronzage sont dangereux pour la santé puisqu’ils augmentent le risque de cancers de la peau puis les fabricants de crèmes solaires, pour nous expliquer à quel point leur nouveau produit nous protège encore mieux des rayons UV.

Tout ceci n’aurait rien d’anormal si on ne tenait pas compte d’un grave constat de santé publique : la vente et l’utilisation de crèmes solaires protectrices ne faiblit pas mais pourtant, le nombre de cancers de la peau ne cesse d’augmenter depuis plus de 50 ans, avec une augmentation qui atteint environ 2% par an depuis plus de 15 ans pour le mélanome malin, le cancer le plus redoutable (première cause de mortalité par cancer chez les jeunes). Pourquoi les messages de santé publique sont-ils inefficaces ?

Différents types de cancers

Quand on parle de cancers de la peau, il faut en distinguer trois types distincts :

  • Le carcinome basocellulaire : c’est le cancer de la peau le plus fréquent. Les facteurs de risques principaux connus sont l’exposition aux rayons UV et la couleur de la peau (les peaux claires sont plus exposées). Les cellules tumorales se retrouvent au niveau de la couche basale de l’épiderme. Le pronostic de ce cancer est excellent.
  • Le carcinome spinocellulaire : c’est le deuxième cancer de la peau le plus fréquent (4 fois moins fréquent que le carcinome basocellulaire). Situé initialement sur l’épiderme, les cellules tumorales peuvent pénétrer plus profondément dans la peau et donner lieu à des métastases, ce qui en fait un cancer plus dangereux que le carcinome basocellulaire. Le facteur de risque principal reconnu est l’exposition chronique aux rayons du soleil.
  • Le mélanome cutané : c’est le moins fréquent mais le plus dangereux, responsable de 75% des décès par cancer de la peau. L’exposition aux UV du soleil ou des cabines de bronzage a été identifiée comme facteur de risque principal.

Le soleil produit différents types de rayonnements. Les ultraviolets en représentent une partie, invisibles à l’œil nus. On distingue trois types d’ultraviolets selon leur longueur d’onde : les UVC (190 à 290 nm), les UVB (290 à 320 nm) et les UVA (320 à 400 nm). Chaque type d’ultraviolet exerce des effets biologiques différents chez l’homme. En particulier, les UVB sont responsables de la production de la vitamine D dans la peau. Le rôle des trois types d’ultraviolet dans l’apparition des différents cancers de la peau est encore mal connu et les crèmes solaires seraient censées nous protéger des dangers des rayons solaires. Oui, mais…

Des crèmes solaires cancérigènes ?

Comme toujours en médecine, les facteurs de risques de différentes maladies sont souvent obtenus à partir d’études d’observation : on observe l’évolution d’un évènement (par exemple l’apparition du mélanome) en fonction d’un autre (par exemple le temps d’exposition au soleil) pour essayer d’en tirer des conclusions. Concernant l’ensoleillement, les études montrent que l’exposition régulière au soleil diminue le risque de mélanome alors que l’exposition occasionnelle l’augmente. C’est en tout cas la conclusion d’une vaste étude de synthèse anglaise menée en 2009 qui a analysé 15 études portant sur plus de 12 000 personnes (1). Les UV pourraient donc protéger du mélanome dans une certaine mesure, une découverte confirmée par le lien surprenant avec le tabagisme: les personnes qui fument depuis plusieurs années ont un risque plus faible de mélanome cutané. Le tabac, comme l’exposition au soleil, provoque un vieillissement prématuré de la peau via un processus appelé l’élastose qui protégerait du risque de mélanome (2). Le mélanome survient d’ailleurs très rarement sur les zones les plus exposées au soleil comme le visage ou les bras et frappe plus souvent l’abdomen ou l’arrière des cuisses.


La conception des crèmes solaires fut basée à l’origine sur des études en laboratoire qui ont montré que les UVB étaient les plus à même d’induire des mutations de l’ADN, donc de provoquer des cancers de la peau. Les crèmes solaires bloquent donc fortement la pénétration des UVB mais certaines laissent passer des UVA, qui peuvent aussi produire des mutations de l’ADN. Certaines études ont ainsi mis en évidence une possible augmentation du risque de mélanome chez les utilisateurs de crèmes solaires protectrices comparativement aux non utilisateurs (3) mais ce lien pourrait être lié à une exposition au soleil plus longue, l’utilisateur se sentant faussement protégé par la crème. La diminution de l’exposition aux UVB pourrait également réduire la formation de la mélanine, responsable de la coloration de la peau au soleil, c’est-à-dire du bronzage. Le manque de mélanine est un facteur du risque du mélanome (4).

Pour finir, une étude récente menée par des chercheurs de l’université du Missouri et à paraître dans la revue scientifique Toxicology and Applied Pharmacology a montré que l'oxyde de zinc, utilisé comme conservateur dans les crèmes solaires, produisait de grandes quantités de radicaux libres au contact des rayons UV du soleil, un phénomène qui pourrait augmenter le risque de cancers de la peau. D’autres études ont mis en évidence que certains composés (comme le dibenzoylmethane ou l’octyle-dimethyle-PABA) utilisés dans les crèmes solaires pourraient être mutagènes au contact de la lumière du soleil, augmentant alors le risque de cancers de la peau (5, 6).

Encore moins de vitamine D

En France la dernière étude publiée par l’institut de veille sanitaire signale que les déficits en vitamine D touchent jusqu’à 80% de la population. Il s’agit d’un véritable problème de santé publique. L’exposition au soleil est un phénomène naturel qui représente notre seule source significative de vitamine D, loin devant les apports alimentaires (7). L’utilisation de crèmes solaires bloque la pénétration des UVB et empêche ainsi presque totalement la synthèse de vitamine D dans la peau  (8).

Paradoxalement, dès les années 80, des études en laboratoire ont montré que la vitamine D était capable d’inhiber la prolifération des trois types de cancers de la peau  (9, 10). En 2009, une étude a suivi plus de 800 personnes ayant été victimes d’un mélanome cutané et a constaté que les personnes qui prenaient un supplément de vitamine D avaient plus de chances de survivre et moins de chances de rechuter après avoir contracté ce cancer. Les chercheurs conseillent aux personnes à risque de mélanome de s’assurer de ne pas manquer de vitamine D (11).

Bien que le rôle protecteur de la vitamine D dans les cancers de la peau ne soit encore qu’une hypothèse, celle-ci doit être prise au sérieux, compte tenu d’un lien avéré ou soupçonné entre la vitamine D et l’incidence de plus d’une vingtaine de cancers, en particulier du côlon et du sein (12).
Même si les crèmes solaires diminuaient le risque de cancers de la peau, leur utilisation intensive entraîne un déficit en vitamine D qui pourrait alors augmenter le risque d’un grand nombre d’autres cancers.

Des cabines UV cancérigènes par décret ?

Dès les beaux jours, les autorités de santé nous alertent sur les dangers des cabines UV. Pour bien nous protéger, le secteur du bronzage en cabine est régi par un décret vieux de 15 ans (décret numéro 97-617 du 30 mai 1997). Ce décret fixe les caractéristiques techniques des cabines UV, notamment en ce qui concerne le type de rayonnements UV émis et la puissance délivrée. La législation stipule notamment que la proportion d’UVB ne doit pas dépasser 1,5 % de l'éclairement énergétique UV total émis par l’appareil, une recommandation basée sur la vieille idée que seuls les UVB sont principalement dangereux. Les cabines UV autorisées produisent donc beaucoup d’UVA et peu d’UVB, un constat qui pourrait expliquer pourquoi les utilisateurs de ces appareils ont plus de risque de développer un cancer de la peau.

L’importance des UVA dans le risque de mélanome a été récemment soulignée par une équipe de chercheurs Norvégiens qui explique que la proportion d’UVA augmente lorsque la latitude augmente alors que les UVB baissent, justifiant pourquoi les mélanomes sont plus fréquents dans les pays Nordiques (13). Les chercheurs attirent l’attention sur le fait que si ces résultats se confirmaient, ce qui semble hautement probable, la proportion d’UVA et d’UVB dans les cabines de bronzage devra être modifiée. Ils déconseillent également l’utilisation de crèmes solaires qui ne bloquent que les UVB et suggèrent de veiller à maintenir constant le taux de vitamine D tout au long de l’année.

Il y a donc encore beaucoup de chemin à parcourir pour la prévention des cancers de la peau et pour une bonne utilisation du bronzage artificiel. En attendant, nous vous conseillons de ne pas fuir le soleil d’été, une bonne occasion de faire le plein de vitamine D, vous exposer régulièrement mais modérément plutôt qu’occasionnellement, éviter l’exposition au soleil à visée purement esthétique (bronzage excessif), éviter l’utilisation continue de crèmes solaires sauf s’il n’est pas possible de vous protéger autrement (vêtements, chapeau) et éviter autant que possible les coups de soleil.

Pour tout savoir sur les crèmes solaires et comment bien les choisir, vous pouvez consulter notre article "La vérité sur les crèmes solaires".

Références : Simard EP, Ward EM, Siegel R, Jemal A. Cancers with increasing incidence trends in the United States: 1999 through 2008. CA Cancer J Clin. 2012 Jan 4. doi: 10.3322/caac.20141.
(1) Chang YM, Barrett JH, Bishop DT, Armstrong BK, Bataille V, Bergman W, Berwick M, Bracci PM, Elwood JM, Ernstoff MS, Gallagher RP, Green AC, Gruis NA, Holly EA, Ingvar C, Kanetsky PA, Karagas MR, Lee TK, Le Marchand L, Mackie RM, Olsson H, Østerlind A, Rebbeck TR, Sasieni P, Siskind V, Swerdlow AJ, Titus-Ernstoff L, Zens MS, Newton-Bishop JA. Sun exposure and melanoma risk at different latitudes: a pooled analysis of 5700 cases and 7216 controls. Int J Epidemiol. 2009 Jun;38(3):814-30.
(2) Grant WB. Skin aging from ultraviolet irradiance and smoking reduces risk of melanoma: epidemiological evidence. Anticancer Res. 2008 Nov-Dec;28(6B):4003-8.
(3) Westerdahl J, Ingvar C, Mâsbäck A, Olsson H. Sunscreen use and malignant melanoma. Int J Cancer. 2000 Jul 1;87(1):145-50.
(4) Autier P, Doré JF, Schifflers E, Cesarini JP, Bollaerts A, Koelmel KF, Gefeller O, Liabeuf A, Lejeune F, Lienard D. Melanoma and use of sunscreens: an Eortc case-control study in Germany, Belgium and France. The EORTC Melanoma Cooperative Group. Int J Cancer. 1995 Jun 9;61(6):749-55.
(5) Knowland J, McKenzie EA, McHugh PJ, Cridland NA. Sunlight-induced mutagenicity of a common sunscreen ingredient. FEBS Lett. 1993 Jun 21;324(3):309-13.
(6) Damiani E, Greci L, Parsons R, Knowland J. Nitroxide radicals protect DNA from damage when illuminated in vitro in the presence of dibenzoylmethane and a common sunscreen ingredient. Free Radic Biol Med. 1999 Apr;26(7-8):809-16.
(7) Hyppönen E, Power C. Hypovitaminosis D in British adults at age 45 y: nationwide cohort study of dietary and lifestyle predictors. Am J Clin Nutr. 2007 Mar;85(3):860-8.
(8) Sayre RM, Dowdy JC. Darkness at noon: sunscreens and vitamin D3. Photochem Photobiol. 2007 Mar-Apr;83(2):459-63.
(9) K. Colston, M.J. Colston, D. Feldman, 1,25-Dihydroxyvitamin D3 and malignant melanoma: the presence of receptors and inhibition of cell growth in culture. Endocrinology 108 (1981) 1083e1086.
(10) D.C. Huang, X.F. Yang, R.L. Horst, R. Kremer, SiRNA specific knockdown of 25-hydroxyvitamin D3 (25OHD3) 1a-hydroxylase in a human melanoma metastatic tumour cells enhances invasion in vitro and skeletal metastasis in vivo, J. Bone Miner. Res. 21s1 (2006) 1100.
(11) J.A. Newton-Bishop, S. Beswick, J. Randerson-Moor, Y.M. Chang, P. Affleck, F. Elliott, et al., Serum 25-hydroxyvitamin D3 levels are associated with Breslow thickness at presentation and survival from melanoma. J. Clin. Oncol. 27 (2009) 5439e5444.
(12) Grant WB. Ecological studies of the UVB-vitamin D-cancer hypothesis. Anticancer Res. 2012 Jan;32(1):223-36.
(13) Moan J, Baturaite Z, Porojnicu AC, Dahlback A, Juzeniene A. UVA, UVB and incidence of cutaneous malignant melanoma in Norway and Sweden. Photochem Photobiol Sci. 2012 Jan;11(1):191-8.

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