La lumière artificielle nous place en décalage horaire permanent

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 06/11/2014 Mis à jour le 10/03/2017
Actualité

La pollution lumineuse urbaine perturbe notre horloge interne, avec des risques probables pour la santé.

En hiver, nous avons l’habitude de travailler et vivre pendant qu'il fait nuit. Qui se coucherait à 19h ? Mais cette évolution récente dans l’histoire de l’humanité, permise par la fée électricité, ne serait pas sans conséquence pour notre santé car elle bouscule notre horloge interne.

L’éclairage urbain n’est devenu la norme que récemment dans l’Histoire ; d’abord apparu dans les capitales européennes au milieu du 19e siècle, il s’est largement répandu au 20e siècle, à tel point que certaines grandes villes comme Hong Kong sont particulièrement lumineuses la nuit. Or le fait d’être exposé à la lumière après le coucher du soleil n’a rien de naturel.

Lire : Le soir, la lumière des écrans ouvre l'appétit

Jason Pun, chercheur au département de Physique de l’université de Hong Kong, a étudié la pollution lumineuse dans cette ville, où, de nuit, on peut voir des panneaux lumineux signalant des commerces, des gratte-ciels illuminés, des centres commerciaux ouverts, au point que : « Quand je marche la nuit près de certains de ces centres commerciaux, c’est tellement lumineux qu’on a presque envie de mettre ses lunettes de soleil. »

Son équipe a mesuré la luminosité du ciel la nuit. Pour cela, les chercheurs ont installé 18 stations dans différents lieux, depuis le centre commercial urbain, jusqu’à des banlieues plus résidentielles et des aires plutôt rurales. Ils ont comparé les valeurs mesurées avec la référence fournie par l’International Astronomical Union qui définit la luminosité du ciel sans lumière artificielle. Ils ont alors trouvé que les zones les plus éclairées de Hong Kong étaient 1.000 fois plus lumineuses que cette référence. Pour des capitales comme Berlin ou Vienne, ce serait plutôt de l’ordre de 100 à 200 fois plus. Mais Hong Kong n’est pas forcément la ville où la pollution lumineuse est la plus élevée au monde, d’autres villes sont également souvent citées pour être particulièrement visibles des astronautes : Las Vegas, Tokyo, Seoul et New York. Pour ces villes, la lumière est aussi un signe de prospérité.

Pourtant cette lumière pourrait causer des problèmes de santé. Le cycle jour/nuit de l’homme a évolué pendant des millénaires où la lumière après le crépuscule n’était pas naturelle. En 2013, une étude de l’Université du Colorado Boulder a ainsi montré que nous serions actuellement en « décalage horaire permanent » (1).

En effet, ces chercheurs ont conduit une expérience sur des personnes faisant du camping. Après une semaine d’exposition à la lumière naturelle, tous les marqueurs biologiques de l’horloge interne des campeurs étaient décalés 2 h plus tôt : le mode de vie artificiel en ville conduirait à des heures de coucher plus tardives et une mélatonine libérée plus tard.

L’éclairage électrique et la vie dans des bâtiments fermés réduisent l’exposition à la lumière du soleil pendant la journée, et augmentent l’exposition à la lumière la nuit : la conséquence est que l’horloge biologique est repoussée par rapport à son rythme naturel. Après une exposition uniquement à la lumière naturelle du soleil, l’horloge biologique interne se synchronise au temps solaire.

Différentes études sur le changement du cycle jour/nuit chez l’homme ont montré un impact sur la santé. Par exemple, les femmes travaillant de nuit auraient un risque de cancer du sein plus élevé, probablement du fait de la perturbation de la sécrétion de mélatonine, un puissant antioxydant. La perturbation de l’horloge biologique a été liée à l’obésité (2), la dépression (3) et des problèmes cardiovasculaires (4).

Lire : Qui dort peu dîne plus

(1) Wright KP Jr, McHill AW, Birks BR, Griffin BR, Rusterholz T, Chinoy ED. Entrainment of the human circadian clock to the natural light-dark cycle. Curr Biol. 2013 Aug 19;23(16):1554-8. doi: 10.1016/j.cub.2013.06.039.

(2) Roenneberg T, Allebrandt KV, Merrow M, Vetter C. Social jetlag and obesity. Curr Biol. 2012 May 22;22(10):939-43. doi: 10.1016/j.cub.2012.03.038.

(3) Levandovski R, Dantas G, Fernandes LC, Caumo W, Torres I, Roenneberg T, Hidalgo MP, Allebrandt KV. Depression scores associate with chronotype and social jetlag in a rural population. Chronobiol Int. 2011 Nov;28(9):771-8. doi: 10.3109/07420528.2011.602445.

(4) Kantermann T, Duboutay F, Haubruge D, Kerkhofs M, Schmidt-Trucksäss A, Skene DJ. Atherosclerotic risk and social jetlag in rotating shift-workers: first evidence from a pilot study. Work. 2013 Jan 1;46(3):273-82. doi: 10.3233/WOR-121531.

A découvrir également

Back to top