Andrew Stoll : "Oméga-3 et dépression, comment tout a commencé"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 15/03/2006 Mis à jour le 10/03/2017
Comment en est-on venu à utiliser les suppléments d’huile de poisson pour soulager la dépression et l’anxiété et améliorer l’humeur ? L’histoire est ainsi racontée par le Dr Andrew Stoll dans son best-seller The Omega-3 Connection.

" En tant que psychopharmacologue (psychiatre spécialisé dans le traitement médicamenteux) mais aussi en tant que chercheur qui a pour responsabilité de traiter ces personnes désespérément malades, mon mandat était clair : trouver de nouveaux médicaments avec moins d’effets indésirables qui marcheraient aussi bien sinon mieux que ceux déjà prescrits, et améliorer notre connaissance de la dépression bipolaire.

Travaillant de concert avec un chercheur allemand, le Dr W. Emanuel Severus, j’ai commencé ma chasse pour un meilleur traitement en 1993. Notre stratégie consistait à conduire avec un ordinateur des recherches extensives sur les bases de données d’articles médicaux afin d’identifier des substances dont les propriétés biochimiques étaient similaires à celles des médicaments classiques, le lithium et le valproate. Après avoir analysé des centaines de publications scientifiques à la recherche d’une substance qui n’avait jamais été utilisée pour traiter des troubles psychiatriques, nous sommes tombés à plusieurs reprises sur le même candidat : les acides gras oméga-3 de l’huile de poisson.

Notre réaction initiale, ce fut la surprise et l’incrédulité. Nous n’avions aucune preuve que les oméga-3 seraient utiles dans les dépressions bipolaires, mais cela avait du sens. Déjà utilisés par quelques médecins dans le traitement des maladies cardiovasculaires, la maladie de Crohn et l’arthrite rhumatoïde, ces graisses sont des précurseurs de molécules qui jouent un rôle important de messagers dans le corps. Elles sont aussi un constituant essentiel des membranes cellulaires saines – les mêmes membranes qui modulent l’activité du lithium et du valproate dans le cerveau. Les acides gras oméga-3 se trouvent en quantité inhabituellement élevée dans le cerveau. Rien ou presque dans la littérature scientifique ne les associait à la dépression bipolaire, mais la possibilité qu’elle puisse stabiliser l’humeur était très réelle.

Nous avons conduit une étude clinique qui a été publiée dans The Archives of General Psychiatry. Elle suggérait que ces graisses naturelles et sans danger avaient un intérêt thérapeutique dans les troubles bipolaires. Dans cette étude, nous avons suivi trente patients pendant 4 mois. Les oméga-3, pris seuls ou associés à d’autres médicaments ont permis à quelques malades apparemment incurables de mener une vie normale; ils ont aussi augmenté la stabilisation de l’humeur chez ceux qui avaient pu bénéficier d’autres médicaments. Les oméga-3 se sont aussi révélés plus sûrs que le valproate et le lithium, avec peu d’effets secondaires. Dans ma pratique, ils sont devenus l’un des traitements que j’utilise le plus chez des patients qui ont des troubles de l’humeur.

Mais il y a plus. Alors que notre découverte a émergé d’une recherche pour un traitement nouveau de la dépression bipolaire, on a aujourd’hui la preuve que les oméga-3 peuvent jouer un rôle plus large pour soigner et nourrir le cerveau. Des études indiquent qu’ils ont un potentiel considérable comme antidépresseur dans le trouble de l’humeur le plus courant, la dépression majeure unipolaire. Mais aussi dans la dépression qui suit l’accouchement. Ils pourraient être tout à fait appropriés pour les enfants et les personnes âgées, dont le corps ne peut tolérer des médicaments psychiatriques conventionnels. De plus, il est possible que les oméga-3 préviennent l’apparition de ces troubles.

Pour ceux d’entre nous qui sont engagés dans la recherche sur les neurosciences, la possibilité de disposer d’un pouvoir thérapeutique global avec ces graisses naturelles est réelle. Jusqu’au vingtième siècle, les acides gras oméga-3, largement apportés par les poissons gras des rivières et des mers froides comme les animaux sauvages et les plantes, étaient des éléments courants de notre alimentation. Aujourd’hui, avec le développement des aliments transformés et la réduction des acides gras oméga-3 dans le régime occidental typique, tout cela a changé."

 

 

The Omega-3 Connection du Dr Andrew Stoll

 

 

 

 

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