Quelles sont les causes du syndrome de fatigue chronique ?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 14/08/2008 Mis à jour le 15/02/2017
Si la définition du syndrome de fatigue chronique est encore floue, ses causes restent tout aussi mystérieuses. Les chercheurs ont étudié plusieurs pistes qui pourraient concourir à expliquer l’apparition de la maladie.

La piste génétique

Le syndrome de fatigue chronique pourrait-il être d’origine génétique ? Pour le savoir, des chercheurs de l’hôpital d’Addenbrooke, en Grande-Bretagne, se sont penchés sur l’hérédité de patients souffrant de SFC. En 2001, ils ont étudié la généalogie de 25 patients souffrant du syndrome de fatigue chronique et l’ont comparé à la généalogie de 36 personnes en bonne santé (1). Résultat : les chercheurs ont décelé davantage de cas de SFC dans la famille de leurs patients. Les auteurs de l’étude en concluent que les facteurs familiaux sont importants dans l’étiologie de cette maladie.

Pour vérifier cette piste familiale, des chercheurs ont mené des études portant sur des jumeaux (2,3). Sur la base d’un registre australien recensant les paires de jumeaux, les chercheurs ont enrôlé 124 vrais (homozygotes) et faux jumeaux (dizygotes). Verdict : quand l'un des jumeaux se plaint de fatigue, la probabilité que l’autre s’en plaigne également est 2,5 fois plus importante chez les monozygotes que chez les dizygotes, ce qui renforce la piste de l’existence d’une composante génétique pour la fatigue. Cependant, les jumeaux recrutés pour cette étude rapportaient une fatigue durant depuis plus d’un mois mais ne souffraient pas d’un SFC diagnostiqué.

Une étude du même genre a été réalisée en 2001 par des chercheurs américains de l’université de Washington (4). Ces derniers ont recruté 146 paires de sœurs jumelles dont l’une au moins souffrait d’un syndrome de fatigue chronique avéré. Ils se sont alors aperçus que l’autre membre de la paire avait jusqu’à 50 % de risque de souffrir du SFC en plus quand sa jumelle en était atteinte. Pour les auteurs, c’est la preuve que le SFC est au moins en partie d’origine génétique.

Cependant les experts soulignent que ces études sont à interpréter avec précaution car ces jumeaux ne partagent pas seulement le même patrimoine génétique, ils ont également grandi dans le même environnement. Il reste donc difficile de faire la part des choses entre les causes environnementales et l’origine génétique.

Les anomalies du système nerveux central

Fatigue, déficits d’attention, troubles de la mémoire, migraines… de nombreux symptômes ont mis les médecins sur la piste d’un dysfonctionnement du système nerveux central pour expliquer le syndrome de fatigue chronique.

Grâce à plusieurs techniques, les chercheurs ont identifié différentes anomalies du système nerveux pouvant contribuer à expliquer le syndrome de fatigue chronique :

- Un flux sanguin plus faible au niveau du cerveau

Pour détecter d’éventuelles anomalies du système nerveux, différentes études ont soumis des patients atteints de SFC à des IRM (imagerie par résonnance magnétique). La plupart des résultats obtenus ont été jugés assez peu significatifs, cependant quelques anomalies ont parfois été mises en évidence. Ainsi une étude menée en 1994 a montré que chez les personnes souffrant de fatigue chronique, le flux sanguin était diminué dans certaines zones du cerveau (5). Un résultat qui n’a pas été confirmé par une étude plus récente menée en 2001. Les chercheurs avaient alors trouvé chez des jumeaux dont l’un des deux était atteint de SFC, qu’il n’y avait aucune différence au niveau du flux sanguin cérébral (6).

- Des défauts de traitement de l’information au niveau cérébral

85 % des patients atteints du syndrome de fatigue chronique se plaignent de troubles de l’attention, de la concentration et de la mémoire (7). Ce constat a amené les chercheurs à s’interroger sur les performances neurocognitives de ces patients. Les chercheurs ont mis en évidence un défaut modeste du processus de traitement de l’information et des capacités d’apprentissage et de mémorisation (8). Cependant les patients ont des capacités cognitives et intellectuelles qui restent dans la moyenne. Les chercheurs suggèrent que ces troubles de l’attention, de la concentration et de la mémoire pourraient être non pas des causes de SFC mais des conséquences de la fatigue.

- Des perturbations neuro-endocrines

De nombreuses études ont mis en évidence que les patients atteints du syndrome de fatigue chronique présentent un dysfonctionnement de l’axe hypothalamus-hypophyse-surrénales, ce qui peut entraîner des difficultés de gestion du stress (9, 11). Pourquoi ? Parce que le cortex surrénal a notamment pour fonction de sécréter le cortisol, une hormone stéroïde produite en réponse à une situation de stress physique ou émotionnel. Environ 1/3 des patients souffrant de fatigue chronique présenteraient des taux de cortisol anormalement bas (11). Une étude publiée en 1999 par des chercheurs américains du Maryland montre que les patients atteints de SFC n’ont que 60 % de la valeur normale en cortisol total, et moitié moins de cortisol libre par rapport à une personne ne souffrant pas de SFC (12). Une étude publiée en 2001 par des chercheurs australiens soutient également l’hypothèse que le SFC pourrait être lié au taux de cortisol (13). Les chercheurs ont identifié une famille dont 32 membres étaient atteints de fatigue chronique. Ils se sont alors aperçus que ces derniers étaient tous porteurs d’une mutation génétique affectant la production de globuline, la protéine de transport du cortisol dans le sang. D’ailleurs la supplémentation en hydrocortisone semble efficace dans le traitement du SFC, ce qui ne fait que renforcer l’hypothèse d’un lien entre cette maladie et la production de cortisol.

Mais une autre molécule pourrait être en cause dans l’apparition du SFC : la sérotonine, un messager du cerveau également impliqué dans la dépression. Des chercheurs ont en effet montré que les patients atteints de SFC présentent souvent des anomalies du fonctionnement de ce neurotransmetteur.

Origine infectieuse

De nombreux virus ont été soupçonnés d’être à l’origine du syndrome de fatigue chronique : virus d’Epstein Barr, virus de l’herpès, de l’hépatite, entérovirus… Mais les chercheurs n’ont pas réussi à démontrer clairement un lien de cause à effet solide entre ces infections et l’apparition du SFC. Certains patients ne présentent en effet aucune trace d’infection virale (14). Certaines études suggèrent pourtant que le SFC pourrait apparaître suite à une infection à laquelle le patient va réagir de façon aberrante (2). Ces patients vont développer une activation chronique du système immunitaire qui conduit aux symptômes du SFC. La plupart des chercheurs s’accordent à dire qu’une infection seule ne peut pas provoquer le syndrome de fatigue chronique. En revanche ils reconnaissent que certains agents infectieux peuvent constituer un facteur de risque mais surtout retarder la guérison du SFC en aggravant certains symptômes.

Des médecins ont vu certains cas de SFC se déclarer à la suite d’une vaccination mais les études menées à ce sujet ne concluent pas à un lien entre vaccin et syndrome de fatigue chronique (15).

Des épidémies de fatigue

A la fin des années 1980, les médecins ont assisté à une véritable « épidémie de fatigue » qui a touché les habitants du lac Tahoe aux États-unis après une infection par un virus de l’herpès. En 1934, c’est l’hôpital de Los Angeles qui est le siège d’une épidémie de SFC. Puis l’Irlande rapporte des cas de fatigue qui se répandent comme une traînée de poudre en 1948. En 1955 c’est l’Angleterre qui est touchée par cette épidémie qui s’attaque à l’hôpital de Londres. Ce caractère épidémique du SFC a rapidement mis les médecins sur la piste d’une origine virale pas encore totalement élucidée.


Défaut d’exercice physique

La plupart des patients atteints de SFC se plaignent de grave intolérance à l’effort physique. Une activité même modérée peut les laisser sur les rotules pendant plusieurs jours. De fait, la plupart d’entre eux évitent purement et simplement toute pratique sportive et limitent au maximum leur activité physique (16). Question : cette absence d’activité physique n’est-elle qu’une conséquence du syndrome de fatigue clinique ou peut-elle contribuer à l’apparition de la maladie ?

Pour le savoir, certains chercheurs ont mesuré les capacités physiques des patients atteints de fatigue chronique. Résultat : certains d’entre eux sécrètent plus d’acide lactique après l’effort (17), ce qui provoque davantage de courbatures. Ils peuvent aussi présenter une réduction de la capacité de transport de l’oxygène (18) ou une baisse du nombre de mitochondries dans les muscles (19). Sur le plan cardiaque, de nombreux patients n’atteignent pas la fréquence cardiaque normalement accessible à des gens du même âge en bonne santé (20).

Cependant, peu d’études laissent penser que ces anomalies métaboliques face à l’exercice puissent être une cause de SFC. Il semblerait que ça soit davantage une conséquence de la sédentarité excessive que s’imposent les malades pour composer avec la fatigue chronique. Pourtant de nombreuses études mettent en avant les bénéfices d’un programme de reprise de l’activité physique dans le traitement de cette maladie.

Troubles psychiatriques

Anxiété, tendance à somatiser, dépression. Ces troubles psychiatriques fréquemment rencontrés chez les patients souffrant de SFC sont-ils juste une conséquence de la maladie ou peuvent-ils en être responsables ?

En l’absence de cause physiologique évidente, certains chercheurs ont supposé que le syndrome de fatigue chronique pourrait être classifié dans les troubles psychiatriques. Ces derniers rapprochent le syndrome de fatigue chronique de manifestations comme l’hypochondrie, la somatisation ou encore les troubles anxieux ou la dépression.

Dans la population générale, les troubles de somatisation ne concernent que 0,03 % des gens. Mais près de 28 % des patients atteints de fatigue chronique auraient tendance à somatiser (21). Cependant les chercheurs reconnaissent que dans le cas de la fatigue chronique, il est très difficile d’attribuer les symptômes de la maladie à des causes physiques ou morales. Cette théorie des troubles somatiques aurait été plutôt laissée de côté depuis que le SFC a été reconnu comme une maladie à part entière.

Les patients atteints de SFC sont également plus nombreux à souffrir d’anxiété généralisée ou de crises de panique. Les troubles anxieux généralisés qui concernent 5 % de la population générale se retrouvent en effet chez près de 30% des fatigués chroniques. Et là où 3,5 % de la population présentent des crises de panique, ce sont 17 à 25 % des patients atteints de SFC qui en souffrent. Mais la plupart des chercheurs s’accordent à dire que le syndrome de fatigue chronique n’est pas une conséquence de ces troubles. Au contraire, ces derniers pourraient davantage être provoqués par le SFC.

Il en serait de même pour la dépression, elle aussi plus fréquente chez les patients atteints de fatigue chronique. L’état dépressif peut certes précéder l’apparition d’un SFC, mais le plus souvent c’est une conséquence des difficultés rencontrées par le patient pour vivre avec cette maladie (22) D’ailleurs, les antidépresseurs se montrent la plupart du temps inefficaces pour traiter le SFC (23).

Une mesure originale permettrait cependant de différencier la dépression du SFC : la température corporelle. Le Dr Hannah Pazderka-Robinson, de l’université d’Alberta, a suivi de près 36 sujets non dépressifs mais atteints du SFC, 19 personnes dépressives et enfin 33 autres en parfaite santé (24). Elle a pris la température de chacun au niveau des doigts. Verdict : les deux groupes se distinguent nettement. Ceux qui sont atteints du syndrome de fatigue chronique sont ceux qui ont le plus chaud.

Ces différences pourraient contribuer au diagnostic du SFC pour éviter de confondre cette maladie avec une dépression.

Finalement quelle est la cause du syndrome de fatigue chronique ? La communauté médicale s’accorde sur le fait que toutes ces anomalies peuvent être partiellement responsables du SFC. Mais aucune d’elle ne suffit à elle seule à expliquer l’apparition de la fatigue chronique. C’est pourquoi on considère aujourd’hui que la fatigue chronique est une maladie multifactorielle.

Mais comment en venir à bout ? C’est bien là le problème : dans la mesure où l’on n’a pas identifié l’origine de la maladie, difficile de s’attaquer aux causes. En revanche, les différents symptômes de la maladie peuvent être pris en charge par des traitements adaptés. Anti-asthéniques contre la fatigue, antalgiques contre la douleur, somnifères contre les troubles du sommeil… Les chercheurs mettent avant tout en avant l’importance d’un traitement individualisé. Comme les symptômes du SFC sont différents d’un patient à un autre, une prise en charge personnalisée est indispensable.




Bibliographie

(1) Walsh CM : A family history study of chronic fatigue syndrome. Psychiatr Genet 2001; 11:123-12.

(2) Hickie I : Complex genetic and environmental relationships between psychological distress, fatigue and immune functioning: a twin study. Psychol Med 1999; 29:269-277.

(3) Hickie I : Unique genetic and environmental determinants of prolonged fatigue: a twin study. Psychol Med 1999; 29:259-268

(4) Buchwald D : A twin study of chronic fatigue. Psychosom Med 2001; 63:936-943

(5) Schwartz RB : Detection of intracranial abnormalities in patients with chronic fatigue syndrome: comparison of MR imaging and SPECT. AJR Am J Roentgenol 1994; 162:935-941.

(6)Lewis D : Monozygotic twins discordant for chronic fatigue syndrome: regional cerebral blood flow SPECT. Radiology 2001; 219:766-773.

(7) DeLuca J : Neuropsychological impairments in chronic fatigue syndrome, multiple sclerosis, and depression. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1995; 58:38-43.

(8) Michiels V : Neuropsychological functioning in chronic fatigue syndrome: a review. Acta Psychiatr Scand 2001; 103:84-93

(9) Tanriverdi F : The hypothalamo-pituitary-adrenal axis in chronic fatigue syndrome and fibromyalgia syndrome. Stress. 2007 Mar;10(1):13-25.

(10) Van Den Eede F : Hypothalamic-Pituitary-Adrenal Axis Function in Chronic Fatigue Syndrome. Neuropsychobiology. 2007 Jun 27;55(2):112-120

(11) Parker AJR : The neuroendocrinology of chronic fatigue syndrome and fibromyalgia. Psychol Med 2001; 31:1331-1345

(12) Demitrack MA : Evidence for impaired activation of the hypothalamic-pituitary-adrenal axis in patients with chronic fatigue syndrome. J. Clin. Endocrinol. Metab. 1991 Dec;73(6):1224-34.

(13) Torpy DJ : Familial corticosteroid-binding globulin deficiency due to a novel null mutation: association with fatigue and relative hypotension. J Clin Endocrinol Metab, 2001.

(14) Hotopf MH : Viruses, neurosis and fatigue. J Psychosom Res 1994; 38:499-514.

(15) Appel S : Infection and vaccination in chronic fatigue syndrome: myth or reality? Autoimmunity. 2007 Feb;40(1):48-53.

(16) Vercoulen JH : The measurement of fatigue in patients with multiple sclerosis: a multidimensional comparison with patients with chronic fatigue syndrome and healthy subjects. Arch Neurol 1996; 53:642-649.

(17) Lane RJ : Muscle fibre characteristics and lactate responses to exercise in chronic fatigue syndrome. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1998; 64:362-367.

(18) McCully KK : Impaired oxygen delivery to muscle in chronic fatigue syndrome. Clin Sci 1999; 97:603-608.

(19) Wagenmakers AJM : The metabolic consequences of reduced habitual activities in patients with muscle pain and disease. Ergonomics 1988; 31:1519-1527

(20) Montague TR : Cardiac function at rest and with exercise in the chronic fatigue syndrome. Chest 1989; 95:779-784.

(21) Johnson SK : Assessing somatization disorder in the chronic fatigue syndrome. Psychosom Med 1996; 58:50-57.

(22) Cassem EH : Depression and anxiety secondary to medical illness. Psychiatr Clin North Am 1990; 13:597-612.

(23) Vercoulen JHMM : Randomized, double-blind, placebo-controlled study of fluoxetine in chronic fatigue syndrome. Lancet 1996; 347:858-861

(24) Pazderka-Robinson H : Electrodermal dissociation of chronic fatigue and depression: evidence for distinct physiological mechanisms. Int J Psychophysiol. 2004 Aug;53(3):171-82

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