Dr Jean-Paul Curtay : "Le magnésium est central dans la prise en charge de la fibromyalgie"

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 08/09/2011 Mis à jour le 16/12/2021
Point de vue

Entre 2 et 8 % des Français souffriraient de fibromyalgie. Pour le Dr Jean-Paul Curtay, les patients ont une hypersensibilité au stress, nécessitant une apporche globale de la maladie.

Le Dr Jean-Paul Curtay est nutrithérapeute, auteur de "Fibromyalgie, Un programme global pour améliorer votre santé et renouer avec le bien-être".

Lanutrition.fr : En quoi l’approche présentée dans votre livre est-elle nouvelle ?

Dr Jean-Paul Curtay : La fibromyalgie n’a pas été reconnue pendant longtemps et reste toujours mal comprise par les médecins qui sont formatés par des cursus encore beaucoup trop « techno-réductionnistes ». Pour eux, à un diagnostic correspond un traitement médicamenteux. La solution habituelle c’est la mise sous médicaments en tête desquels figurent les psychotropes. Cette réponse chimique totalement inappropriée et insuffisante entraîne une perpétuation de la maladie. D’ailleurs beaucoup de praticiens – même spécialistes de la maladie – considèrent au départ que ces patients sont et resteront fibromyalgiques. Le traitement proposé, symptomatique, vise surtout à soulager les douleurs et le mal-être, sans traiter les causes. Ce sont aussi des patients exigeants, en grande souffrance, et donc « pesants ». Le médecin n’a pas le temps de l’écoute et de l’accompagnement multidimensionnel qu’un tel état requiert. On constate que même chez les praticiens les plus conscients et dévoués, le médicament reste incontournable.

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Ce que ces médecins n’ont pas compris, c’est que la fibromyalgie n’est pas une maladie psychiatrique et qu’elle ne se chronicise que parce qu’elle est mal prise en charge. Elle est en fait d’une banalité énorme : ce sont tout simplement des personnes sensibles et perfectionnistes qui se sont épuisées.
Ce que propose le programme du livre, c’est d’une part de commencer par « dé-psychiatriser » le problème, de dédramatiser et d’autre part de donner des outils de reconstruction de l’énergie et des défenses immunitaires, ainsi que des solutions ayant des effets anti-inflammatoires, anti-toxiques et psychologiques. Cela ouvre la voie à un arrêt progressif des médications.

Vous avez reçu dans votre cabinet beaucoup de personnes qui souffrent de fibromyalgie. Voit-on une personnalité, un caractère particulier chez ces patients ?

Dans la grande majorité des cas, la fibromyalgie – une forme rhumatologique de fatigue chronique que l’on peut définir comme une tendinite totale du corps – se déclare chez des personnes ayant une hypersensibilité au stress : chez elles, le stress est bien plus fatigant que chez les autres. Vous allez me dire que ceci n’est pas un vrai problème : quand on est fatigué, on se repose, on s’occupe de soi et on reprend quand on est d’attaque.

Mais que font les personnes fibromyalgiques ? Elles ne se reposent pas. Pourquoi ? Parce qu’elles présentent généralement aussi une deuxième caractéristique : .elles ne s’écoutent pas et ne s’autorisent pas à s’occuper d’elles quand c’est nécessaire. Elles sont souvent très exigeantes vis-à-vis d’elles-mêmes et des autres aussi d’ailleurs, elles présentent généralement un côté perfectionniste et souvent très généreux. Ce sont donc des personnes qui se donnent beaucoup sans écouter leurs besoins. On dit qu’elles ont une « tension pulsionnelle élevée ».Et puis un jour leur corps n’en peut plus, les arrête. L’épuisement, la douleur et l’inconfort de vie considérable les a cassées et les oblige à s’arrêter.

Par quels mécanismes le stress épuise les personnes fibromyalgiques ?

Le stress devient un problème quand nos capacités de réponse sont dépassées et que nous sentons impuissants face à des situations considérées comme inacceptables. Plusieurs terrains génétiques rendent plus réactif aux stress. On retrouve chez les personnes fibromyalgiques un terrain appelé HLA B35 qui est associé à une recapture moins efficace du magnésium dans les cellules. On sait que le magnésium sert à la fois à produire l’énergie et à amortir les stress. Conséquence quand l’organisme perd du magnésium : on perd plus d’énergie face au même stress et on devient de plus en plus réactif. Les muscles se tendent, parfois jusqu’à la crampe, tout le tube digestif s’agite (aérophagie, ballonnements, vésicule tendue, ballonnements, troubles du transit…), les vaisseaux peuvent se serrer, ce qui donne les mains froides et de suées, le cœur s’accélère, l’anxiété monte, les troubles du sommeil, fréquents, s’installent…

Le déficit en magnésium qui est fréquent dans la population est la première cause de fatigue, de troubles musculo-squelettiques variés et divers, dont les très courants maux de cou et de dos, de perturbations digestives et cardiovasculaires, d’anxiété et d’insomnie. Les syndromes de fatigue chronique, dont la fibromyalgie, sont tout simplement une caricature de tout ce dont les Français se plaignent le plus souvent mais à des degrés nettement moins intenses.

Qu’est-ce que la nutrithérapie peut apporter aux personnes fibromyalgiques par rapport aux médicaments ?

Les médicaments ne corrigent pas les carences et ne permettent pas de remonter l’énergie, la masse musculaire, les défenses immunitaires, anti-inflammatoires et antitoxiques alors qu’un certain nombre de nutriments sont très efficaces pour le faire. Le magnésium est central car indispensable pour l’énergie, la réduction des tensions musculaires et tendineuses, donc de l’inflammation et des douleurs. Les vitamines du groupe B permettent d’atténuer les effets de la tension pulsionnelle élevée. Pour les douleurs, on utilise des antalgiques naturels comme la L-tyrosine qui a également un effet antidépresseur, comme l’a montré le psychiatre Patrick Lemoine à l’Hôpital du Vinatier (Lyon). Il existe des aliments et nutriments anti-inflammatoires que l’on utilise, comme les polyphénols que l’on trouve dans le thé vert ou le chocolat noir, et des acides gras oméga-3. Pour la reconstruction musculaire et immunitaire, un autre acide aminé la L-glutamine est fondamental. Pour renforcer les tendons on donne du silicium, etc. Dans mon ouvrage, j’explique précisément quels compléments, quels aliments il faut privilégier, à quelle dose et à quelle fréquence il faut les prendre pour que leur efficacité soit maximale. Par exemple il est essentiel que le magnésium soit liposoluble pour être bien absorbé et associé à un rétenteur cellulaire comme la taurine, ainsi que l’a montré une étude du Pr Jean Eisinger, ancien chef de service de rhumatologie à l’hôpital de Toulon, devenu pionnier dans le domaine de la fibromyalgie, après en avoir été victime lui-même.

Pourquoi une approche globale de la maladie reste indispensable ?

La nutrithérapie ne peut pas tout faire. L’idéal est bien sûr d’avoir une démarche globale, qui associe nutrition, compléments alimentaires, sophrologie, cohérence cardiaque, techniques asiatiques de ré-énergétisation et de relargage des tensions. L’acquisition d’autres outils de gestion du stress, comme la relaxation, la respiration complète, la cohérence cardiaque, la musicothérapie, les activités physiques et créatives, le recadrage cognitivo-comportemental, etc. sont indispensables. Par exemple, le massage, le contact avec l’eau, les sports (repris de manière très progressive) peuvent remonter la sérotonine (messager cérébral du bien-être). Il faut aussi faire un travail de thérapie pour mieux s’aimer, être plus « gentil » avec soi, gérer de manière plus équilibrée (temps pour les autres, temps pour soi) son agenda. C’est une démarche globale et de long terme pour mieux se protéger et ne pas s’épuiser de nouveau. La fibromyalgie est un signal d’alarme qui dit : « ça ne peut plus durer comme cela, il faut changer de manière de fonctionner ». Il est aussi important de tenir compte de l’entourage : milieux du travail et familial qui ont contribué à entretenir cette manière épuisante de fonctionner.

Quelle évolution constatez-vous chez les personnes qui ont suivi le programme présenté dans votre ouvrage ?

Ces personnes arrivent épuisées, inquiètes, déprimées, très irritables, intolérantes à toutes sortes de choses : à la chaleur des saunas, à l’effort physique… qui pourtant pourraient les aider. On a constaté dès le départ un soulagement grâce à une explication claire de ce qu’elles ressentent. « Ah je ne suis pas un cas psychiatrique ! Ah je peux faire quelque chose et il y a une chance de sortir de là ! ». À partir du moment où elles perçoivent qu’elles ne sont pas condamnées à souffrir éternellement, qu’elles voient qu’elles peuvent elles-mêmes s’approprier les outils de leur reconstruction, une dynamique personnelle et de groupe se crée. Au bout d’une dizaine de jours elles ressentent généralement une baisse des tensions musculaires et un début de remontée de l’énergie. Le moral suit progressivement. Tous ces bénéfices persistent. 

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