Grippe : La distribution de Tamiflu contredite par les données scientifiques

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 17/12/2009 Mis à jour le 17/02/2017
Le gouvernement français conseille depuis le 9 décembre aux médecins de donner systématiquement des antiviraux en cas de suspicion de grippe. Une attitude incompréhensible, contredite par les données scientifiques.

Dans un courrier daté du 9 décembre et adressé aux médecins libéraux la Direction générale de la santé (DGS) préconise de donner de manière "systématique" des antiviraux aux patients atteints par la grippe. Lire le courrier

C’est une rupture avec les précédentes recommandations. Jusqu’ici, les antiviraux devaient être prescrits uniquement pour les formes graves de grippe.

Dans cette même lettre, Didier Houssin,le directeur général de la santé, explique que les antiviraux Tamiflu (oseltamivir) du laboratoire Roche et le Relenza (zanamivir) de GSK, des médicaments en provenance des stocks d'Etat, seront distribués gratuitement en pharmacie, sur simple ordonnance médicale. La DGS justifie ce changement de cap par l'augmentation du nombre "d'hospitalisations et de formes graves" de grippe.

Didier Houssin, qui s’exprimait le 15 décembre dans une conférence de presse, justifie le recours à la systématisation de la prise d'antiviral par le fait que "certains pays, qui ont ainsi procédé, ont observé un plus faible taux de mortalité."

A qui profitent les stocks ?

Le gouvernement français a constitué des stocks importants de Tamiflu sur la foi des déclarations du laboratoire Roche selon lequel ce médicament, en plus de diminuer les symptômes et la durée de la maladie (ce qui est avéré), réduirait les complications de la grippe. Mais le British Medical Journal a publié dans son édition du 12 décembre les preuves que ces déclarations ne reposent pas sur de la bonne science. Des études, financées par le laboratoire suisse Roche ont longtemps été soustraites à l’analyse des chercheurs indépendants peut-être parce qu’elles contredisaient les affirmations du laboratoire. Ces études étaient entre les mains des autorités sanitaires françaises, qui les ont donc ignorées ou les ont mal interprétées. Lire notre récit de la divulgation de ces données par le British Medical Journal. Qu’il s’agisse des vaccins ou des antiviraux, il semble bien que la stratégie du gouvernement français dans la gestion de la pandémie reste, comme dans l’affaire du Vioxx, très fortement influencée par les affirmations des laboratoires pharmaceutiques et vraisemblablement par les conseils des experts dont on sait qu’ils leur sont en grande partie liés.

Le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) a d’ailleurs réagi au courrier de la Direction générale de la santé. Dans un communiqué, le CNGE rappelle que "les données disponibles pour la grippe saisonnière ne sont pas en faveur de l'utilisation systématique de médicaments antiviraux en cas de suspicion de grippe A(H1N1)". Le CNGE demande également aux autorités de s'expliquer et "d'indiquer les arguments scientifiques et les niveaux de preuve sur lesquels s'appuie ce changement soudain de recommandation." Ces médecins s’inquiètent des possibles effets secondaires des traitements.

De son côté, le Formindep, un collectif de médecins dédié à "l'information médicale indépendante", a adressé, mardi 15 décembre, une lettre ouverte-pétition à Didier Houssin rappelant que "l'oseltamivir (Tamiflu) n'a jamais démontré aucun effet sur la diminution de la mortalité ni le taux d'hospitalisation des personnes atteintes d'un syndrome grippal à l'exception d'une méta-analyse entièrement contrôlée par le laboratoire Roche commercialisant le Tamiflu. » Le Formindep demande à Didier Houssin de « communiquer dans les meilleurs délais l'ensemble du texte de la recommandation, son argumentaire, et les éléments et niveaux de preuve sur lesquels elle se fonde." Lire la lettre ouverte-pétition

Le recours aux antiviraux de manière « systématique » est déconseillé par l’Organisation mondiale de la santé, selon laquelle il n’est pas nécessaire de donner des antiviraux aux patients qui présentent une grippe banale avérée ou suspectée et n’ont pas de risque élevé de développer des formes graves de grippe ou des complications. La Food and Drug Administration américaine estime elle aussi que le Tamiflu ne prévient pas les complications. De surcroît, les antiviraux sont sans effet contre les virus autres que ceux de la grippe, qui sont à l’origine de la majorité des cas de syndromes grippaux recensés en France. Peut-être faut-il maintenant simplement écouler 24 millions de boîtes de Tamiflu ?

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