Exclusif : Le risque de cancer diminuerait dès le premier verre de vin

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 14/04/2010 Mis à jour le 10/03/2017
Une grande étude française montre que les hommes qui consomment du vin ont un risque plus faible de mourir plus tôt, qu’il s’agisse de la mortalité prématurée par cancers ou maladie cardiovasculaire. Ils ont aussi un risque globalement plus faible de mourir d’un cancer, en particulier cancers aéro-digestifs et cancer du poumon.

« Aucune boisson alcoolisée, même le vin, n’a d’effet protecteur vis-à-vis du cancer. Les preuves scientifiques démontrent que toutes les boissons alcoolisées sans exception, que ce soit la bière, le vin, le champagne ou les alcools forts, augmentent le risque de plusieurs cancers ». C'est écrit noir sur blanc dans la brochure publiée fin février 2009 par l'Institut national du cancer (Inca) « Nutrition et prévention des cancers, des connaissances scientifiques aux recommandations ».

Ces conclusions péremptoires mêlant toutes les formes d’alcool dans le même mauvais panier sont infirmées moins de trois semaines plus tard par les résultats d'une étude sur la consommation d'alcool et le risque de mortalité par cancer rendue publique le 11 mars 2009 par son principal auteur, le docteur Dominique Lanzmann-Petithory, de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris et de l'université de Bordeaux (Lire notre entretien avec le Dr Lanzmann-Petithory).

L'étude Canceralcool a été initiée dans l’objectif de déterminer les relations entre la consommation de différentes boissons alcoolisées (vin, bière ou alcools forts) et la mortalité. Les auteurs cherchaient notamment à répondre aux trois questions suivantes :

- A partir de quelle quantité de différentes boissons alcoolisée le risque de décès par cancer de la prostate, du côlon, du poumon, du sein augmente-t-il ?

- Y'a-t-il des différences selon les boissons alcoolisées ?

- Existe-t-il une dose de certaines boissons alcoolisées qui protège contre certains cancers ?

    Dominique LanzmannAfin de répondre à ces questions, le docteur Lanzmann-Petithory et son équipe ont suivi une cohorte de 100 000 personnes examinées au centre de médecine préventive de Nancy entre 1978 et 1985 dont la mortalité a été documentée jusqu'en 2005. Les volontaires répondaient à des questionnaires sur leurs habitudes de vie qui ont permis aux chercheurs d'évaluer leur consommation d'alcool. Ils ont ainsi pu déterminer parmi les volontaires ceux qui préféraient le vin, définis comme ceux pour qui le vin représente plus de la moitié de la quantité d’alcool consommée.

    Qu'ont trouvé les chercheurs ? Que la consommation de vin diminue la mortalité chez les hommes. « La préférence vin, dit le Dr Lanzmann-Petithory est associée chez les hommes avec un risque significativement plus bas de mortalité prématurée de toutes causes ».

    Les hommes qui consomment surtout du vin ont un risque de mortalité prématurée de toutes causes diminué de 25%. Ce risque est réduit de 23% pour la mortalité par cancers et de 26% pour la mortalité cardiovasculaire (lire tableau).

    Mortalité prématurée chez les hommes pour la préférence vin

     

     

    risque

    Mortalité prématurée toutes causes

    -25% (significatif)

    Mortalité par cancers

    -23% (significatif)

    Mortalité cardiovasculaire

    -26% (significatif)

    Mortalité par cancers digestifs

    -34% (significatif)

    Mortalité par cancers du poumon

    -22% (significatif)

     

    En mortalité générale par cancer, non prématurée, sur population « saine » au départ, 4128 décès par cancers chez les hommes et 2077 décès par cancers chez les femmes ont été pris en compte. Ces résultats ont été pondérés par douze autres facteurs de risque ou protecteurs.

    Plus la consommation d’alcool est élevée (en g/kg poids), plus le risque de mortalité par cancer augmente. Mais les hommes à « préférence vin », quelle que soit la dose d’alcool, ont un risque significativement plus bas de mortalité par cancers : -16%. C’est notamment le cas pour les cancers du poumon, de la cavité buccale, du pharynx, du larynx et du poumon. Le risque de mortalité par cancer pour le rectum/anus et la vessie est également diminué mais ces résultats ne sont pas tout à fait significatifs.

    Le risque de mortalité par cancer du côlon, de l’estomac, du pancréas, du foie, de la prostate n’est pas relié à la préférence vin (résultats non significatifs).

    Mortalité générale non prématurée par cancers sur 36118 hommes

     

     

     

     

    Préférence vin

     

     

    Alcool

    Type de cancer

    risque

     

    significatif

    risque

    Seuil quantité (g/kg)

    significatif

    Tous cancers

    -16%

    oui

    +29%

    > 0,70

    oui

    lèvre, cavité buccale, pharynx

    -58%

    oui

    +259%

    > 0,70

    oui

    larynx

    -45%

    oui

    +204%

    > 1,40

    oui

    poumon

    -18%

    oui

    +55%

    > 1,40

    oui

    rectum/anus

    -43%

    Limite significatif

    +229%

    > 1,40

    oui

    vessie

    -38%

    Limite significatif

    -

       

    œsophage

    -28%

    non

    +401%

    > 1,40

    oui

    foie

    -21%

    non

    +167%

    > 0,70

    oui

    estomac

    -8%

    non

    -

       

    côlon

    =

    non

    +142%

    > 1,40

    oui

    rein

    =

    non

    -

       

    pancréas

    +15%

    non

    -

       

    prostate

    +34%

    non

    -

       

     

    Parmi les 39561 femmes, celles qui consomment beaucoup d’alcool ont un risque significativement plus élevé de mortalité par cancers : +27% entre celles qui consomment 0,3 g/kg par jour et celles qui en consomment 0,7g/kg. Le risque augmente de 46% au-dessus de 0,7g/kg d’alcool par jour. Celles qui témoignent une préférence vin n’ont pas de risque augmenté, mais le résultat n’est pas significatif. De la même façon, le risque de mortalité par cancer du sein augmente avec la dose d’alcool mais n’est pas relié à la préférence vin.

    Pas de résultats chez les femmes qui boivent du vin

    L'effet protecteur du vin contre le cancer est-il valable chez les femmes également ? « On ne peut pas répondre à cette question dans le cadre de cette étude », explique Dominique Lanzmann-Petithory. Motif : quand les questionnaires établis pour évaluer la consommation d'alcool ont été mis au point, le seuil le plus bas a été fixé à un quart de litre par jour, soit 2 verres de vin. « Or chez les femmes il est très probable que de nombreux effets protecteurs interviennent en deçà de ce seuil », explique l'auteur.

    En matière de cancer, il faut donc distinguer un effet « alcool » d’un effet « vin », ce que d’ailleurs d’autres études ont déjà montré.

    Alors pourquoi le vin ne se comporte-t-il pas comme l’alcool ? Le vin contient deux substances aux actions contrastées, avance Dominique Lanzmann-Petithory. D'une part l'alcool, qui augmente le risque de cancer, d'autre part le jus d’un fruit, le raisin, dont on sait qu'il diminue le risque de cancer. Il semblerait que les effets bénéfiques des fruits l'emportent sur les effets délétères de l’alcool, puisque la consommation de vin diminue le risque de cancer. « L'effet fruit semble l'emporter sur l'effet alcool », résume Dominique Lanzmann-Petithory.

    Dans le détail, l'effet protecteur serait probablement lié aux polyphénols contenus dans le vin. Ces composés sont en effet connus pour leur action protectrice, en particulier sur les muqueuses digestives. Comme argument en faveur de cette hypothèse, Dominique Lanzmann-Petithory souligne que les cancers dont le risque est diminué par la consommation de vin sont les mêmes que ceux dont le risque est diminué par la consommation de fruits.

    « En tout cas boire du vin est associé avec une diminution du risque de cancer », conclut Dominique Lanzmann-Petithory.

    Les autres enseignements de l’étude

    L’étude retrouve des facteurs de risque classiques de mortalité de toutes causes : niveau d’éducation peu élevé, tension artérielle dès les valeurs de systolique supérieures à 12, tabagisme, sédentarité. Le cholestérol n’est pas un facteur de risque de mortalité prématurée de toutes causes, c’est même le contraire chez l’homme. Un indice de masse corporelle inférieur à 20 est un facteur de risque chez l’homme. Une consommation de plus de 500 ml de boissons sucrées par jour est associée à une augmentation significative du risque de mortalité de toutes causes, de même que le fait de ne presque pas boire d’eau chez l’homme.

    Chez les 36118 hommes de la cohorte COLOR, les facteurs de risque de mortalité par cancer sont le niveau d’éducation bas, la tension artérielle élevée, un cholestérol bas, un indice de masse corporelle inférieur à 20, le tabagisme, la sédentarité, de même que le fait de ne presque pas boire d’eau

    Chez la femme, les facteurs de risque de mortalité par cancer sont les suivants : tension artérielle élevée, tabagisme, indice de masse corporelle supérieur ou égal à 30.

    LaNutrition.fr a passé en revue les dernières études scientifiques pour connaître l'influence de la consommation d'alcool en général et de vin en particulier sur les différents types de cancer. Lisez l'article Quels sont les cancers favorisés par l'alcool.

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