Boire du lait à l'adolescence augmenterait le risque de cancer de la prostate

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 20/01/2012 Mis à jour le 10/03/2017
Risque élevé de cancer de la prostate lorsqu'on a consommé beaucoup de lait dans l'adolescence.

Le lait à nouveau sur la sellette. La consommation de lait pendant l’adolescence, lorsque la prostate est en plein développement, est associée à un risque multiplié par trois de développer un cancer avancé plus tard dans la vie, selon une nouvelle étude islandaise publiée dans l’American Journal of Epidemiology. (1)

Le groupe d'étude était composé de 8894 hommes nés entre 1907 et 1935 en Islande. Les enquêteurs ont examiné les registres de mortalité et de cancer à partir des années 1967 à 1987 et jusqu'en 2009. Ils ont relevé par questionnaire la consommation de lait à plusieurs étapes de la vie. Au cours de la période de suivi qui a duré en moyenne 24,3 ans, 1123 hommes ont été diagnostiqués avec un cancer de la prostate, dont 371 avec une maladie avancée (stade 3 ou supérieur, ou décès par cancer de la prostate).

Résultats : le lieu de résidence ne semble pas être un facteur de risque important. Par rapport aux hommes qui ont grandi en ville, ceux qui ont vécu à la campagne pendant les 20 premières années de la vie avaient un risque modérément augmenté de cancer de la prostate avancé, en particulier chez les hommes nés avant 1920.

En revanche, par rapport aux hommes qui ne buvaient pas de lait quotidiennement lorsqu’ils étaient adolescents, ceux qui en ont consommé chaque jour à cette époque ont vu leur risque de cancer avancé multiplié par 3,2 plus tard dans la vie. La consommation de lait vers la quarantaine ou pendant la durée de l’étude ne semble pas être associée à une augmentation de ce risque.

"Nous pensons que nos données sont solides et apportent la preuve que l'adolescence est une période sensible pour le développement du cancer de la prostate", note pour LaNutrition.fr le Dr Johanna Torfadottir qui est le premier auteur de l’étude. Elle ajoute que l'Islande offre un terrain d’expérience parfait pour ce genre d’études. La nation avait une infrastructure minimale dans les premières décennies du 20ème siècle : ainsi, les résidents des régions rurales avaient tendance à vivre de la terre. Les personnes vivant dans les régions centrales de la nation consommaient de grandes quantités de lait provenant d'animaux de ferme. En revanche, le lait était rare dans les villages balnéaires de l'Islande.

L'analyse de LaNutrition.fr. Les relations entre lait et cancer sont ambivalentes. D'un côté, la consommation de laitages diminuerait les risques de cancer du côlon et du rectum, d'un autre côté, la consommation importante de laitages et/ou de calcium est soupçonnée depuis une vingtaine d’années d’augmenter le risque de cancer de la prostate, en particulier dans ses formes agressives. Les premières mises en garde ont été lancées par l’Ecole de santé publique de Harvard et son directeur, le Pr Walter Willett. Plusieurs études indépendantes ont depuis renforcé ce soupçon. Une étude récente a trouvé qu'au contraire des "laits" végétaux, le lait de vache stimule la croissance des cellules cancéreuses de la prostate (2). Le mode d’action précis des laitages n’est pas connu mais il pourrait s'expliquer par la présence d'hormones femelles, passer par une diminution locale de la vitamine D active, ou la stimulation d’un facteur de croissance qui peut révéler et accélérer le développement des cancers (l’IGF-1). Le lien entre laitages et cancer de la prostate a longtemps été nié par les autorités sanitaires françaises qui continuent, par le Programme national nutrition santé d’encourager la consommation de 3 à 4 laitages par jour dès l’enfance. En 2011, une nouvelle directive concernant la restauration scolaire vise à renforcer la consommation de laitages des enfants et des adolescents. LaNutrition.fr conteste le bien-fondé de cette directive et conseille au contraire depuis de nombreuses années de consommer les laitages avec modération (0 à 2 portions quotidiennes maximum) et d’en servir avec modération aux enfants et aux adolescents, sachant qu’il n’existe aucune preuve qu’une alimentation riche en laitages prévient les fractures comme l'assurent les autorités sanitaires et l'industrie laitière. S'il est vrai que le risque de cancer colorectal semble réduit avec les laitages, il faut rappeler que l'on peut réduire ce risque dans des proportions au moins aussi importantes en mangeant plus de végétaux et de fibres.

Référence

(1) Torfadottir JE. Milk intake in early life and risk of advanced prostate cancer. Am J Epidemiol. 2012 Jan 15;175(2):144-53. Epub 2011 Dec 20.

(2) Tate PL, Bibb R, Larcom LL. Milk stimulates growth of prostate cancer cells in culture. Nutr Cancer. 2011 Nov;63(8):1361-6. Epub 2011 Nov 1. PubMed PMID: 22043817.

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