Cholestérol : le meilleur traitement est une vitamine

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 15/06/2006 Mis à jour le 21/11/2017
La plupart de celles et ceux dont le cholestérol reste élevé malgré un régime adapté reçoivent un médicament, souvent une statine, dans certains cas un fibrate. Pourtant, l’acide nicotinique, l’une des formes de la niacine (vitamine B3, anciennement vitamine PP) est probablement la meilleure arme anti-cholestérol. Lire aussi : la vitamine B3, ce qui est prouvé, comment l'utiliser, les doses utiles, les effets indésirables

L’acide nicotinique, qui est l'une des formes de la vitamine B3 (l'autre forme étant le nicotinamide) agit à la fois sur le « mauvais » cholestérol LDL, qu’il fait baisser et sur le « bon » cholestérol HDL, qu’il augmente. Ce n’est pas tout : l’acide nicotinique diminue aussi les triglycérides et la lipoprotéine (a), deux facteurs de risque redoutés par les médecins. Dans les études au cours desquelles l’acide nicotinique a été utilisé, il a diminué la mortalité cardiovasculaire, mais aussi la mortalité totale. Les médecins français sont très peu nombreux à proposer cette vitamine à leurs patients, alors même que ses effets sont connus depuis près de 50 ans.

Découvert par hasard

Le plus drôle, c’est que ces effets ont été découverts par hasard. En 1954, le Dr Abram Hoffer, un médecin canadien dont le nom est intimement associé à l’histoire de la nutrithérapie, avait déjà commencé de soigner avec un certain succès des schizophrènes et d’autres malades avec de la niacine. Il décida un jour de prendre lui-même cette vitamine parce qu’il craignait que son traitement iconoclaste ne suscite un jour des actions en justice (ce n’est jamais arrivé). Il se disait qu’il lui serait plus facile de se défendre en démontrant qu’il avait certes administré un nouveau traitement à ses malades, mais qu’il l’avait lui-même suivi pour s’assurer qu’il était bien toléré. Deux semaines après avoir commencé à prendre de l’acide nicotinique, Hoffer s’aperçut que les saignements de gencive qui le handicapaient depuis des mois avaient subitement disparu. Il en déduit que la niacine avait rendu aux tissus de la gencive la capacité de se réparer. Une visite chez le dentiste confirma que la maladie n’était plus qu’un souvenir.

Baptême du feu pour la niacine

Quelques mois plus tard, Hoffer reçut la visite de Rudolf Altschul, un médecin tchèque qui avait émigré au Canada et dirigeait le département d’anatomie à l’université du Saskatchewan. Altschul avait découvert un moyen de rendre les lapins coronariens : il leur donnait des gâteaux aux œufs cuisinés par sa femme ! Le cholestérol de ces lapins bourrés de jaune d’œuf, de beurre, de farine blanche et de sucre montait en flèche et leurs artères s’encrassaient et se rigidifiaient. Lorsqu’on les irradiait avec des rayons ultraviolets, leur cholestérol diminuait. Altschul voulait mettre sur pied une expérience chez l’homme, où les patients recevraient des UV. Mais personne ne voulait en entendre parler. Altschul savait que Hoffer soignait des schizophrènes, et il se demandait si ces patients se porteraient volontaires. Hoffer ne voyait pas d’inconvénient à ce qu’une telle expérience fût menée, à condition que la direction de l’hôpital de Regina donne son accord.

Un rendez-vous fut trouvé, et les deux hommes eurent l’occasion de parler longuement de leurs travaux respectifs. Altschul expliqua à Hoffer qu’il pensait que l’artériosclérose est une maladie des artères au cours de laquelle l’intima, c’est-à-dire la paroi qui tapisse l’intérieur des vaisseaux a perdu sa capacité à se réparer. « Aussitôt que j’entendis cela, je pensai à mes gencives et à mon hypothèse selon laquelle la niacine avait aidé les tissus à se réparer, » se souvenait Hoffer il y a quelques années. Dans la foulée, Hoffer demanda à Altschul s’il ne voulait pas tester la niacine sur ses lapins, et le médecin intrigué, répondit que oui, il allait faire ainsi. « Un soir, environ trois mois plus tard, rapporte Hoffer, j’ai reçu un appel du Pr Altschul. Il criait « Ça marche ! Ça marche ! » Altschul avait donné de la vitamine B3 à ses lapins chargés de cholestérol. Quelques jours plus tard, leur taux de cholestérol était revenu à la normale. La première substance hypocholestérolémiante était née.

Le jour suivant, les deux hommes approchèrent un clinicien, le Dr Stephen, pour monter une étude clinique en bonne et due forme chez des patients. Il ne fallut que quelques semaines pour prouver que l’acide nicotinique faisait non seulement baisser le cholestérol des lapins, mais aussi celui des hommes. (1) Cette observation fut confirmée par l’Américain William Parsons, dès 1956. (2)

L'acide nicotinique augmente l'espérance de vie

En 1966 fut monté le Coronary Drug Project, une étude de prévention secondaire auprès de 8 341 hommes ayant subi un infarctus, au cours de laquelle furent testés contre placebo les effets supposés préventifs d’une hormone thyroïdienne, d’hormones femelles, du clofibrate (chef de file d’une nouvelle classe d’hypocholestérolémiants) et de la niacine. L’aventure du Coronary Drug Project se termina dans la confusion. Au bout de 18 mois, on arrêta les estrogènes à fortes doses dans le groupe qui le recevait, car il était accablé d’infarctus. Après 36 mois, passèrent à la trappe l’hormone thyroïdienne puis les estrogènes à doses faibles. Quant au clofibrate, il se révéla totalement inefficace. La seule molécule qui permit de faire baisser la mortalité fut la niacine d’Abram Hoffer et Rudolf Altschul ! (3)

Malgré ces succès, la niacine reste moins prescrite que les statines ou les fibrates. Jusqu’en 2004, d’ailleurs, il n’existait plus de spécialité à base d’acide nicotinique dans les pharmacies françaises. LaNutrition.fr rend justice à cette vitamine méconnue…

(1) Altschul R; Hoffer A; Stephen JD : Influence of nicotinic acid on serum cholesterol in man. Arch Biochem Biophys 1955, 54: 558–559.

(2) Parsons WB : Changes in concentration of blood lipids following prolonged administration of large doses of nicotinic acid to persons with hypercholesterolemia: preliminary observations. Mayo Clin Proc 1956 Jun 27;31(13):377-90.

(3) Berge KG : Coronary drug project: experience with niacin. Coronary Drug Project Research Group. Eur J Clin Pharmacol. 1991;40 Suppl 1:S49-51

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