Faire baisser le cholestérol a-t-il encore du sens ?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 23/01/2008 Mis à jour le 10/03/2017
Les statines anticholestérol sont les médicaments les plus prescrits au monde. Mais les chercheurs sont de plus en plus nombreux à se demander si elles servent à grand-chose.

La parution en juin dernier du livre du Dr Michel de Lorgeril Dites à votre médecin que le cholestérol est innocent a claqué comme une grenade dégoupillée dans le monde bien consensuel de la cardiologie : médecins, laboratoires et sociétés savantes en toussent encore. Je vous rappelle l’argument du livre : la lutte contre le cholestérol est une chimère qui rapporte des milliards de dollars à l’industrie et occulte des mesures réellement efficaces qui, elles ne coûtent rien. Le tout copieusement documenté.

Depuis que le livre est paru, pas un mois sans que de nouveaux résultats renforcent la démonstration implacable de Michel de Lorgeril.

Comme le 14 janvier dernier, quand Merck et Schering-Plough ont révélé les résultats d’une étude dans laquelle une statine très vendue, le Zocor, était associée à une autre médicament appelé Zetia. L’association s’est révélée très efficace pour faire baisser le cholestérol, bien plus que ne le fait une simple statine. Mais après deux années de ce traitement de cheval, aucun bénéfice n’a pu être démontré. Ce traitement aurait dû diminuer la plaque d’athérome chez 720 patients. Non seulement la plaque n’a pas diminué, mais elle a même augmenté par rapport aux patients qui prenaient la statine seule.

Il y a un peu plus d’un an, Pfizer avait dû arrêter avant sa commercialisation un prometteur candidat-médicament, le torcetrapib.  Motif : un nombre élevé de décès et d’accidents cardio-vasculaires chez les patients qui prenaient ce nouveau médicament (avec une statine), par rapport à ceux qui prenaient un placebo. Tous les patients qui participaient à cet essai portant sur 15 000 volontaires et baptisé « Illuminate » se sont vus ordonner de cesser immédiatement de prendre le torcetrapib. Sur le papier, pourtant l’hypothèse testée dans Illuminate était lumineuse : faire baisser le « mauvais » cholestérol avec la statine, augmenter le « bon » avec le torcetrapib.

Quant à la piste Alzheimer, qui avait enflammé les médias il y a quelques années, elle a sérieusement du plomb dans l’aile. En 2000, rappelez-vous, des chercheurs avaient montré que la maladie d’Alzheimer était spectaculairement moins fréquente chez les utilisateurs de statines que chez les autres : - 70% ! Hélas, depuis, les études ont conclu que la piste ne menait nulle part : « Il y a maintenant des preuves solides que les statines ne préviennent pas Alzheimer, » dit le Dr James Wright, un spécialiste de l’université de Colombie Britannique.

Devant ces revers, la communauté médicale ouvre enfin les yeux : « Penser qu’en faisant baisser le cholestérol LDL vous allez améliorer la santé des gens, c’est vraiment simpliste, bien trop simpliste, » commente aujourd’hui le Dr Eric Topol (Scripps Science Institute, La Jolla, Californie).

Dans ce combat qui s’engage entre chercheurs indépendants d’un côté et industrie soutenu par les pouvoirs publics d’autre part, les enjeux sont énormes : les médicaments anticholestérol sont les plus prescrits au monde : 25 millions de patients en prennent, pour un chiffre d’affaires qui donne le tournis : 27,8 milliards de dollars en 2006. La moitié engrangée par Pfizer, avec son Lipitor. Si ces médicaments sont inefficaces, comme semble maintenant le montrer l’ensemble des données objectives, faut-il seulement s’apitoyer sur un gigantesque gâchis financier, épongé par les cotisants des assurances-maladie de la planète ? Pas sûr. Les effets secondaires des statines concerneraient 15% des patients, avec des symptômes qui vont des douleurs musculaires aux pertes de mémoire. L’ex-astronaute Duane Graveline raconte qu’il « est tombé dans le trou noir de l’amnésie » les deux fois qu’on lui a prescrit du Lipitor. Du coup, il a écrit un livre et ouvert un site sur les effets secondaires des statines. Autre mauvaise nouvelle : une étude a trouvé un risque accru de cancers avec les statines.

Ces jours-ci, la presse américaine, du New York Times à Business Week, a enfin pris le dossier au sérieux. Business Week cette semaine s’interroge en couverture sur l’intérêt des anticholestérol. L’article conclut qu’il est quasi-inexistant. En France, les résultats négatifs des études récentes n’ont ces jours-ci pas passionné les medias. Dommage pour les millions de Français qui prennent une statine et les dizaines de millions qui les financent par leurs cotisations. Michel de Lorgeril finit l’écriture d’un nouveau livre sur le sujet, Cholestérol, mensonges et propagande qui paraîtra en mai. De quoi enfin ouvrir les yeux de la presse française.

A découvrir également

Back to top