Le "bon" cholestérol, peut-être pas si bon après tout

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 21/05/2012 Mis à jour le 10/03/2017
Il ne servirait à rien d'augmenter le « bon » cholestérol HDL pour prévenir l’infarctusUne remise en question qui conforte les thèses du Dr Michel de Lorgeril, auteur de Cholestérol, mensonges et propagande et Dites à votre médecin que le cholestérol est innocent...

Sur les bilans sanguins, il s’appelle HDL et votre médecin regarde à coup sûr son niveau. S’il est élevé, votre risque cardiovasculaire, vous dit-on, est réduit. Pour le corps médical en effet, le HDL ou « bon » cholestérol serait une sorte de super-protecteur. Cette croyance est pourtant en train de se fissurer.

Une nouvelle étude publiée le 17 mai dans le Lancet et qui fait appel à des bases de données sur les gènes vient de trouver qu’il y a peu de chances qu’en augmentant le HDL on réduise le risque de maladie cardiaque. Les personnes qui héritent des gènes qui confèrent des taux de HDL naturellement élevés tout au long de la vie n'auraient en effet pas moins de risque cardiovasculaire que ceux qui héritent des gènes qui confèrent des niveaux inférieurs. 

C’est une information importante pour chacun de nous, et inquiétante pour les laboratoires qui sont lancés dans une course au développement de médicaments qui augmentent le HDL. Une information qui pourrait expliquer pourquoi trois essais récents de ces traitements ont échoué. 

Les auteurs de l'étude soulignent qu'ils ne remettent pas en question l’association épidémiologique entre un taux de HDL élevé et un risque cardiovasculaire réduit. Mais ils font valoir qu’il ne s’agit peut-être pas d’une relation de cause à effet. Autrement dit, le HDL est plus vraisemblablement un marqueur d’un état de santé ou d’un mode de vie. L’obésité, la sédentarité, le tabagisme, la résistance à l’insuline peuvent réduire le niveau de HDL. A l’inverse, la consommation modérée d’alcool (un facteur protecteur cardiovasculaire) le fait monter. Augmenter artificiellement le seul HDL, par la prise d’un médicament ou d’un complément alimentaire comme l’acide nicotinique (vitamine B3) n’aurait guère d’effet positif.

Pour étudier la relation entre HDL et risque cardiovasculaire, des chercheurs du Massachusetts General Hospital, du MIT et de Harvard, ont utilisé une méthode connue sous le nom de randomisation mendélienne. L'idée est que les gens héritent d'une grande variété de variations génétiques qui déterminent naturellement le niveau de leur HDL (hors influence environnementale). Si le HDL réduit à lui seul le risque de maladie cardiaque, alors ceux qui en font le plus doivent avoir un risque faible.

Aux fins de comparaison, les chercheurs ont également examiné les variations héréditaires dans 13 gènes qui déterminent les niveaux de LDL, le soi-disant « mauvais » cholestérol. L'étude révèle que les variations génétiques qui augmentent naturellement le LDL augmentent le risque cardiovasculaire, et que celles qui réduisent le LDL diminuent ce risque.

Mais dans le cas du HDL, aucune association n’a été trouvée.

La publication de cette étude intervient quelques jours seulement après un communiqué du laboratoire Roche annonçant l’arrêt de l’étude dal-OUTCOMES au cours de laquelle était testé sur des patients coronariens le dalcétrapib, un nouveau médicament augmentant le HDL. Motif : absence d’efficacité.

En 2006, c’est le développement d’une autre molécule pro-HDL, le torcetrapib de Pfizer, qui était abandonné en raison d’un nombre élevé de décès et d’accidents cardio-vasculaires chez les patients qui prenaient ce nouveau médicament dans un essai clinique connu sous le nom d’ILLUMINATE. Cet essai testait l’association torcetrapib/atorvastatine en comparaison de l’atorvastatine seule (qui fait baisser le LDL).

Voici le commentaire, à caractère prémonitoire, que faisait sur ILLUMINATE en juillet 2008 le cardiologue Michel de Lorgeril, auteur de Prévenir l’infarctus et l’accident vasculaire cérébral.

"L’essai ILLUMINATE (publié en novembre 2007 dans le New England Journal of Medicine) a en effet littéralement « illuminé » la scène du crime. Car il y a eu effectivement des victimes et je ne suis pas loin de penser qu’il y a là quelque chose de criminel. N’étant ni un procureur ni un juge, je laisse à d’autres le soin d’en décider. En revanche, je ne vais pas me priver de dire que ILLUMINATE ne laisse plus beaucoup de doute sur la stratégie horrible qui prétend qu’il faille additionner les traitements chimiques anti-cholestérol pour protéger son cœur et sa santé. L’essai ILLUMINATE est basé sur le principe que s’il est important de diminuer le mauvais cholestérol avec les statines, il est aussi très important d’augmenter le bon. Cet essai s’inscrit donc bien dans la problématique de la théorie du cholestérol.

Le bon cholestérol HDL n’a, à mon avis, aucune responsabilité dans l’infarctus, mais qu’importe, puisque la chimie du médicament a réussi à produire des molécules capables d’augmenter le bon HDL, les experts vont monter un essai clinique pour démontrer qu’une augmentation chimiquement induite du HDL protège le cœur contre l’infarctus. La molécule testée est letorcetrapib et le sponsor est l’américain Pfizer qui est omniprésent dans l’essai. A voir dans la publication la longueur de la liste des déclarations de conflits d’intérêt des intervenants, on comprend que dans ILLUMINATE tout se passe entre amis.

ILLUMINATE est un énorme essai incluant plus de 15 000 patients à risque élevé de décès cardiaque (recrutés dans 260 cliniques dans 7 pays différents) et tirés au sort pour recevoir soit de l’atorvastatine plus du torcetrapib soit de l’atorvastatine plus un placebo. On est donc bien dans le monde des statines, mais l’addition de puissants médicaments à fortes doses évoque plus la chimiothérapie intensive qu’une stratégie préventive !

Première surprise : le résultat du tirage au sort

La lecture attentive des résultats du tirage au sort, la comparaison des deux groupes au moment de démarrer le traitement, est surprenante. Malgré l’importance de la population recrutée, on voit que les deux groupes ne sont pas équivalents. Il y a moins de diabétiques, moins d’hypertendus et surtout beaucoup moins de patients avec antécédents d’AVC transitoire (311 contre 405) dans le groupe torcetrapib qui donc présente un moindre risque de complications cardiovasculaires que le groupe témoin qui reçoit seulement l’atorvastatine. L’essai était donc biaisé dès le départ et en faveur de l’hypothèse du sponsor !

Il y a d’autres asymétries entre les groupes inexplicables en cas de tirage au sort correctement exécuté. A l’évidence, nous baignons dans des eaux troubles.

Un effet magique sur le bon et le mauvais cholestérol

Les résultats sur les lipides sont impressionnants puisque on obtient une réduction de 25 % du mauvais cholestérol LDL (qui s’additionne à la réduction due à la statine) et une augmentation de 72 % du bon cholestérol HDL dans le groupe torcetrapib par rapport au placebo. Si on croit à la théorie du cholestérol, on est en droit d’attendre une protection clinique maximale.

Une large différence va rapidement apparaître entre les deux groupes effectivement, mais pas du tout dans le sens attendu par les experts du cholestérol. Au contraire.

En effet, bien que le groupe torcetrapib soit à moindre risque de complications du fait d’un tirage au sort biaisé, c’est dans ce groupe que l’on voit apparaître le plus de complications et le plus de décès, et cela rapidement. Après un suivi moyen de 550 jours, le sponsor décide d’arrêter l’essai. La principale raison est un excès de décès dans le groupe torcetrapib (93 décès contre 59). Les complications cardiovasculaires sont aussi plus fréquentes dans le groupe torcetrapib. Cette décision est prise de façon précipitée et unilatérale par le sponsor en décembre 2006. Il n’y eut aucune négociation ou discussion avec les investigateurs sur le terrain qui jusqu’en octobre 2006 continuaient de parader sur quelques estrades en annonçant les futurs résultats extraordinaires de ILLUMINATE.

Pourrait-on avoir une plus belle démonstration que les essais cliniques modernes sont l’affaire exclusive du sponsor et que les investigateurs sur le terrain sont des marionnettes.

L’essai ILLUMINATE donne la nausée car il y a eu des victimes, des patients qui ont fait confiance et ont accepté de rendre service à la science. Elle donne l’impression que les patients ont été traités comme des cobayes. Concernant les aspects scientifiques, le mieux est de s’en tenir aux faits :

1- une augmentation massive du bon cholestérol n’a eu aucun effet ;

2- une diminution substantielle du mauvais cholestérol n’a pas eu plus d’effet.

Tout ceci laisse penser que ces effets spectaculaires sur le cholestérol sont négligeables cliniquement, voire toxiques.

Pour une diminution comparable (25 % environ) du cholestérol, les essais de l’avant-Vioxx (par exemple, l’essai 4S) avaient montré des effets quasi miraculeux !  Que reste t-il de 4S après ILLUMINATE ? Il nous faut conclure que la théorie du cholestérol, de même que les défenseurs de ladite théorie, ne sont pas très sérieux.

Concernant ses aspects médicaux, l’essai ILLUMINATE suggère, outre que la théorie du bon et du mauvais cholestérol est fausse, que la stratégie préventive chimique consistant à additionner des médicaments chez le même patient pour optimiser les chiffres du cholestérol est absurde. Les investigateurs d’ILLUMINATE ignorent visiblement une règle basique de la médecine humaine qui est qu’on ne traite pas des chiffres mais des patients de chair et d’os !

Ce qu’ILLUMINATE suggère surtout c’est que cette chimiothérapie ne peut pas être efficace car les toxicités des molécules s’additionnent, et de façon inéluctable s’additionnent les effets cliniques indésirables. Les patients se prêtant à la recherche dans ILLUMINATE ont été trompés et empoisonnés par des apprentis sorciers.

Je recommande aux patients de s’abstenir de participer à ces recherches. J’abjure les comités d’éthique de ne pas autoriser des essais avec de nouveaux produits équivalents de celui testé dans ILLUMINATE."

Dr Michel de Lorgeril, juillet 2008.

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