Jacques Médart: « éviter le piège des listes d’aliments autorisés ou interdits »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 14/09/2007 Mis à jour le 21/11/2017
A l’occasion de la sortie de son livre Le nouveau régime IG diabète, le Dr Jacques Médart revient pour LaNutrition sur une des notions fondamentales de l’alimentation anti-diabète : la quantité de glucides ingérée.

En quoi votre livre est-il novateur ?

Tout d’abord il est novateur parce qu’il s’appuie sur une notion nutritionnelle, la charge glycémique qui est un outil encore trop peu connu. Ensuite parce que mon approche est différente de celle de la plupart des « régimes ». Je travaille dans le domaine de la nutrition depuis 25 ans et j’ai mis très longtemps avant de me rendre compte que cette discipline ne pouvait pas se résumer à établir des listes d’aliments interdits ou autorisés. Il faut établir des nuances. Et ces nuances résident essentiellement dans une question de quantité. Dans les grandes lignes, le diabétique peut manger de tout mais en quantités tempérées par différents critères comme l’index glycémique (IG) ou la charge en graisses et en particulier en graisses saturées.

La quantité est donc le paramètre important ?

La notion de portions d’aliments adéquates est de moins en moins consciente chez la plupart des individus et cette perte de conscience est renforcée par une augmentation incessante des portions proposées comme en témoignent le succès des buffets à volonté dans les restaurants, les formules « all inclusive » des vacances ou le diamètre croissant des pizzas. La seule manière d’être clair c’est de dire que l’on peut manger de tout mais dans une certaine quantité, quantité qui diffère selon les besoins de chacun. Il faut pour cela rétablir la notion de portions adéquates, adaptées. Les gens sont conditionnés à la notion d’aliments autorisés ou interdits. Chaque jour, je réponds aux mêmes questions dans le cadre de mes consultations :

- « Est-ce que je peux manger « des » bananes ?

- « Est-ce que je peux manger « des » pâtes ?

- « Est-ce que je peux manger « du » chocolat ? »

A ces questions, la réponse sera toujours :

- « Oui, mais ! » dans la mesure où il faudra tenir compte d’un ensemble cohérent pour retrouver progressivement une notion intuitive des quantités d’aliments adéquates, comme c’est le cas, chez la plupart des gens, en ce qui concerne la consommation de boissons alcoolisées où chacun sait qu’un verre de martini ça passe mais pas dix !

Comment faire pour déterminer les quantités de glucides dont chacun a besoin ?

En gros, je pars des recommandations de l’OMS qui préconise que les glucides doivent représenter 50-55 % des besoins caloriques journaliers, une fois encore éminemment différents d’une personne à l’autre. Ce pourcentage peut s’exprimer en grammes de glucides. Cette recommandation n’est bonne que si on prend aussi en compte le type de glucides. Pour en tenir compte, il faut que la charge glycémique (CG) moyenne des glucides ne dépasse pas 40. On déduit là aussi un nombre de grammes variable en fonction de l’âge, du sexe et de l’activité physique de l’individu.

Comment fixez-vous ce chiffre 40 pour la charge glycémique des glucides ?

Ce chiffre de 40 pour la CG des glucides correspond à ce qu’une alimentation équilibrée en vitamines, minéraux et antioxydants doit apporter. On sait en effet que les glucides à IG élevé sont souvent ceux qui apportent le moins de vitamines, sels minéraux et antioxydants. Pour construire une alimentation équilibrée, des glucides de qualité sont obligatoires.

Tous ces calculs, ça fait un peu peur…

Certes dans le livre, on trouve des calculs mais surtout des tables donnant notamment la charge glycémique journalière en fonction de l’âge, du sexe, de la taille et de l’activité physique. En gros, il suffit de suivre le guide, le lecteur n’a rien à calculer s’il ne le souhaite pas. Ces tables sont le seul moyen d’arriver à un équilibre sur une journée. En effet, manger un fruit ou deux kg de fruits ce n’est pas pareil. En respectant les quantités, on peut arriver à une CG max pour chacun qui n’empêche pas le respect de la convivialité et le plaisir de manger. Pour reprendre la comparaison avec l’alcool, un verre de cognac entre amis ce n’est pas pareil qu’une bouteille entière tout seul.

Concrètement comment fonctionne le programme que vous proposez ?

Une fois que la CG max de chacun est déterminée grâce aux tables de la fin d’ouvrage, il suffit de ne pas la dépasser. Certains objecteront qu’il est « embêtant de tout peser » afin de connaître la quantité de glucides consommée. Mais en réalité, il suffit de peser ses aliments pendant une quinzaine de jours pour avoir définitivement les portions en tête. Ce petit effort limité dans le temps amènera des bénéfices considérables à long terme.

Qu’apporte la CG par rapport à l’index glycémique, plus connu ?

Quand on travaille uniquement avec l’index glycémique (IG), on a vite tendance à faire des listes d’aliments autorisés et d’aliments interdits. Les pâtes représentent l’exemple le plus démonstratif. Elles ont un IG bas à modéré donc si on ne prend en compte que l’IG, on peut en manger régulièrement. Or l’IG d’un aliment est calculé pour 50 g de glucides de chaque aliment. Or quand on mange des pâtes, on mange parfois bien plus de 50 g de glucides. Ainsi, 100 g de pâtes crues correspondent à 70 g de glucides (et les portions consommées sont souvent supérieures à 100 g de pâtes crues). L’IG des pâtes est donc déterminé à partir d’une quantité de pâtes inférieure à celle consommée en général. Et du coup on ne se rend pas compte de l’impact d’une plus grande quantité de glucides sur la glycémie. L’IG est donc un outil extrêmement intéressant et il paraît invraisemblable qu’on n’en parle pas plus en cours de nutrition. Une fois encore, il ne faut pas tomber dans le piège des listes d’aliments autorisés ou interdits.

La charge glycémique est-elle utile seulement pour les diabétiques ?

Ce qui différencie le diabétique d’une personne « normale » c’est qu’il est sujet après un repas renfermant des glucides à une montée de la glycémie qui endommage à terme ses artères ou ses artérioles. Et souvent, le diabétique de type 2 consomme des glucides de façon catastrophique depuis très longtemps. Une personne non malade qui mange des glucides de manière immodérée est, elle, sujette à une augmentation de l’insuline qui conduit doucement à un gain de poids. La CG est donc une notion capitale, applicable à tous et tempérée par rapport aux besoins de chacun.

Si on suit les recommandations du PNNS, reste-t-on proche de à vos préconisations ?

En Belgique comme en France, les autorités sanitaires recommandent de manger 5 portions de fruits ou légumes par jour. Si je mange très peu de légumes, je consommerai plus de fruits. Mais quels fruits ? Quatre ou cinq fraises ou quatre ou cinq ananas ? Les autorités de santé utilisent des notions qualitatives mais pas quantitatives. Et la quantité est importante. Même si ce n’est pas courant, je connais des personnes qui sont en excès de poids parce qu’elles mangent deux kg de fruits par jour.

Le nouveau régime IG diabète du docteur Jacques Médart

Thierry Souccar Editions

298 pages

 

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