Olivier Persin : "La France traite mal ses diabétiques"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 02/11/2006 Mis à jour le 06/04/2023
Point de vue

Olivier Persin, diététicien convaincu de l’intérêt d’utiliser l’index glycémique dans la gestion du diabète, a effectué plusieurs stages dans les services de diabétologie d’institutions hospitalières. Là, il s’est rendu compte du gouffre qui existe entre ce qui devrait être systématiquement proposé au patient diabétique et ce qui est réellement appliqué. Témoignage.

Certes la notion d’index glycémique (IG) est complexe, mais on sait aujourd’hui qu’un patient diabétique qui suit un régime (mot proscrit de la diabétologie), dans lequel l’IG des glucides ne dépasse pas 55, en retire les bénéfices suivants :

- une réduction significative et rapide de son hémoglobine glyquée (HbA1c) (baisse de plus de 0,5 point par mois),

- une amélioration de la globalité de son bilan glycémique (glycémies et fructosamine),

- un accroissement de qualité des lipides sanguins, avec :

- une baisse du cholestérol-LDL (le « mauvais »),

- une baisse de la triglycéridémie,

- une baisse des acides gras libres circulants,

- une petite hausse du cholestérol-HDL (le « bon »). (1)

En un mot, le bilan se passe de commentaire et on imagine les bienfaits de la mise en œuvre de l’IG dans le cadre du traitement diététique du patient diabétique.

Voilà pour l’aspect théorique de la question, voilà les faits scientifiques, indiscutables et indubitables. Le hic est que la pratique ne suit pas tout à fait cette « règle » - car je pense que c’est bien d’une règle dont il devrait s’agir.

Pour avoir vécu plusieurs stages au sein des services de diabétologie, je peux dire que l’éducation du patient diabétique est une composante capitale d’une bonne prise en charge. Sans cet aspect, le traitement ne peut être complet. Mais le problème est que le patient diabétique moyen est âgé voire très âgé et surtout qu’il ne connaît rien du tout ou vraiment pas grand-chose aux questions de diététique. Il est extrêmement délicat, compliqué et long d’apprendre aux patients à retenir le taux glucidique des principaux aliments courants (pain, pâtes, riz, laitages). Lors de ces séances éducatives il est souvent remis un petit livre aux patients pour qu’ils puissent se remémorer certaines notions oubliées. (2)

Le problème est le suivant : on utilise dans les services de diabétologie des équivalences glucidiques (exemple : une pomme = 20g de glucides, considération quantitative uniquement). Ce système est adapté au traitement diététique des patients diabétiques de type 1 ; en effet, il sert à calculer le dosage d’insuline (par une approximation acceptable). Rappelons que ‘seulement’ 10% des diabétiques sont de type1. Ce qui veut dire que 90% des diabétiques sécrètent encore de l’insuline. Pour ceux-ci, le but de la thérapie est avant tout de limiter, voire de juguler, l’hyperglycémie chronique qui est la conséquence d’une résistance de leurs cellules aux signaux de l’insuline (alliée à un déficit de sécrétion d’insuline par le pancréas). On essaie ainsi de retarder au maximum les terribles et si coûteuses complications à long terme (tant sur le plan humain qu’économique). Celles-ci se déclarent sans rapport direct avec l’ancienneté de la maladie, ce qui me laisse penser que la prise en charge n’est pas optimum.

Malheureusement, les vieux concepts éculés sont encore utilisés dans les services de diététique – y compris ceux qui se disent spécialisés en diabétologie : on y professe encore la limitation des sucres dits « simples », au profit des glucides dits « complexes » !

Il n’est fait aucune différenciation glucidique basée sur l’Incrément Glycémique PostPrandial (IGPP), qui devrait être au centre de tout le traitement diététique. La classification des glucides a évolué et évolue encore mais les ‘professionnels’ de l’alimentation ne sont pas au fait de l’actualité diététique. Car en effet, l’IG est une notion diététique (n’en déplaise à certain(es) diabétologue(s) immobiliste(s)) car elle a trait à l’alimentation et surtout à l’IGPP qui devrait être au cœur de la diétothérapie en diabétologie. Cette révolution est née il y a plus de 20 ans !

Prenons un éloquent exemple, il est donné à tous les diabétiques, tous les matins, un morceau de 60g de pain blanc (IG de 85% + ou - 15%) en guise de BON glucide car glucide complexe. Et ce, même dans les services de diabétologie les plus en pointe de l’hexagone (je préfère ne pas donner de nom ici). Après cela, on se demande pourquoi tous les diabétiques sont en hyperglycémie à 10h du matin (réalité dans tous les services de diabétologie français)… Mystère…

Pourquoi d’un côté se focaliser sur l’HbA1c pour qualifier l’équilibre d’un diabète (ce qui est tout à fait juste), et donc prendre en compte l’évolution du taux de sucre dans le sang ; et d’un autre côté se limiter à des considérations de grammes de glucides alors même que tous les glucides n’ont pas le même impact sur la glycémie du fait de leur IG et leur IGPP propres.

Beaucoup de diététicien(ne)s refusent d’utiliser l’IG car elles estiment que cette notion convient peut-être pour des aliments pris isolément, mais qu’elle n’est pas adaptée à la complexité d’un plat composé ou d’un repas. Mais il est paru en 2005 un livre du Dr Pierre Dukan intitulé ‘Evaluator’ qui liste l’IG de 1140 aliments dont nombre de plats préparés ou composés de plusieurs ingrédients. On trouve aussi de nombreuses informations à ce sujet sur la base de données de LaNutrition.fr. Dès lors ce prétexte n’a plus lieu d’être.

Si l’on en croit les prévisions de l’OMS, la prévalence du diabète de type 2 va "exploser" ces prochaines années (parallèlement au surpoids et à l’obésité). Il faut réagir de façon adaptée en créant des régimes pour diabétiques et cesser de prétendre que ces malades doivent simplement manger équilibré car cela engendre des dysfonctionnements énormes (notamment le plébiscite du pain blanc). Il faut se servir de l’IG pour raisonner en IGPP et ainsi améliorer les bilans glycémiques et lipidiques des malades pour retarder au maximum l’apparition des terribles complications à ‘long’ terme. Changeons !"

(1) Rizkalla SW, Taghrid L, Laromiguiere M, Huet D, Boillot J, Rigoir A, Elgrably F, Slama G. Improved plasma glucose control, whole-body glucose utilization, and lipid profile on a low-glycemic index diet in type 2 diabetic men: a randomized controlled trial. Diabetes Care. 2004 Aug;27(8):1866-72.

 

(2) : Un livre dans le genre Table des calories et régimes minceur, du Dr P. Dorosz (Maloine). A la place de ce livre –très utile par ailleurs- il serait beaucoup plus judicieux de donner un équivalent traitant des charges glycémiques. Il s’agit pour les patients d’apprendre par cœur des chiffres auxquels ils étaient totalement étrangers. Quitte à apprendre, autant qu’il s’agisse de chiffres concernant l’IG.

Olivier Persin souhaite intégrer une structure médicalisée. Contactez-le à l’adresse suivante :
Résidence Les Tilleuls, 8 avenue de Gaulle - 08200 Sedan

Tél. : 09 73 50 16 87

olivier.persin@free.fr

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