Sodas, boissons sucrées : pourquoi ils nuisent gravement à la santé

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 18/01/2016 Mis à jour le 10/02/2021
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Surpoids, diabète, infarctus, vieillissement accéléré, décès prématuré, insuffisance rénale : les déboires des sodas et boissons sucrées et comment les faire comprendre à un ado. 

Les boissons sucrées contiennent du sucre ajouté, notamment sous forme de saccharose ou de sirop de glucose-fructose dont les méfaits ont été largement rapportés sur LaNutrition.fr. Une équipe de l’Ecole de Santé publique de Harvard a estimé à 184 000 le nombre de décès dans le monde imputables aux boissons sucrées.

En France, même si la consommation de boissons sucrées n’atteint pas celle des Allemands ou des Américains, elle n’a cessé de croitre ces dernières années. Tous les moyens nécessaires devraient donc être mis en œuvre pour informer les consommateurs et les inciter à diminuer considérablement leur consommation de sodas et boissons et sucrées, y compris par des taxes. Voici pourquoi vous devriez éviter de boire des boissons sucrées et comment éduquer vos enfants dans ce sens…

Les boissons sucrées favorisent la graisse viscérale

Une  étude parue dans le journal Circulation rapporte que consommer des boissons sucrées chaque jour est associé à une augmentation de la graisse viscérale, qui elle-même augmente le risque de diabète et de maladie cardiaque.

La graisse viscérale est une graisse qui se trouve « en profondeur » autour d’un certain nombre d’organes comme le foie, le pancréas et les intestins. La graisse viscérale affecte la façon dont fonctionnent nos hormones et joue un rôle important dans la résistance à l’insuline, facteur de risque de diabète de type 2 et de maladie cardiaque.

Parmi les 1003 participants de l’étude, ceux qui boivent au moins une boisson sucrée par jour présentent une augmentation de leur graisse viscérale de 852 cm3 après 6 ans de suivi contre seulement 658 cm3 chez ceux qui n’en boivent jamais.

Elles augmentent le risque de NAFLD

Une étude parue en février 2021 dans The American Journal of Clinical Nutrition rapporte que la consommation régulière de boissons sucrées augmente le risque de développer une stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD), ou maladie du foie gras, qui se caractérise par une accumulation de graisse au niveau du foie. La NAFLD concerne environ un quart de la population mondiale. Les personnes touchées par la NAFLD ont un risque accru de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2 et d’insuffisance rénale chronique. Seules des modifications du mode de vie peuvent prévenir ou traiter la maladie.

Dans cette étude, les chercheurs ont évalué la consommation de boissons sucrées chez 14 845 participants qui, au début de l’étude, ne présentaient pas d’anomalies hépatiques, ni de maladies cardiovasculaires ou de cancers. Au cours du suivi, 2888 personnes ont reçu un diagnostic de NAFLD.

Résultats : un lien a été trouvé entre la consommation d'une boisson sucrée par semaine et un risque de NAFLD augmenté de 18%  par rapport à une consommation inférieure à une boisson sucrée par semaine (groupe de contrôle). Boire 2 à 3 boissons sucrées par semaine semble élever ce risque de 23% et à partir de 4 boissons sucrées par semaine le risque de NAFLD est augmenté de 47%.

Le sucre ajouté dans les boissons sucrées favorisent la résistance à l’insuline et l’inflammation qui alimentent le développement de la NAFLD.

Lire aussi : le fructose ajouté transforme le foie des enfants en "foie gras"

Même light, elles augmentent le risque de diabète

Une étude française menée auprès de 66188 femmes confirme une association entre la consommation de boissons sucrées et le risque de diabète de type 2. Mais elle révèle également un risque de diabète plus élevé avec des boissons dites "light" qui renferment des édulcorants artificiels, qu’avec des boissons sucrées.

Les résultats montrent que les femmes qui consomment des boissons sucrées "light" en boivent plus que celles qui consomment des boissons sucrées "normales" (2,8 verres/semaine soit 568 mL contre 1,6 verres/semaine soit 328 mL en moyenne, respectivement).

Par rapport à celles qui n’en consomment pas du tout, les femmes qui boivent le plus de boissons sucrées (soit plus de 359 mL/semaine) ont un risque de diabète augmenté de 34 % au cours de l’étude (14 ans) ; celles qui boivent le plus de boissons « light » (plus de 603 mL/semaine) ont un risque multiplié par 2,21. A quantité égale consommée, le risque de diabète est plus élevé lorsqu’il s’agit de boissons "light" que de boissons sucrées. Le risque de développer un diabète est de 15% supérieur pour une consommation de 0,5 L/semaine et de 59% supérieur pour 1,5 L/semaine respectivement.

Et il faut savoir que même si vous êtes mince, la consommation de boissons sucrées augmente votre risque de diabète.

Elles contribuent à l’hypertension

Des chercheurs du Connecticut ont étudié l’impact des boissons sucrées sur la pression sanguine. Pour cela, ils ont réalisé une revue de littérature systématique sur la relation entre la consommation de boissons sucrées et la pression sanguine. Ils ont sélectionné 12 études comprenant 409707 participants.

Toutes les études montraient une relation positive entre l’augmentation des apports en boissons sucrées et l’hypertension. Les résultats étaient significatifs du point de vue statistique pour 10 études sur 12. 5 articles sur 12 montraient que la pression artérielle moyenne augmentait et 7 indiquaient une augmentation de l’incidence d'une pression sanguine élevée : les personnes qui buvaient des boissons sucrées augmentaient de 26 à 70 % leur risque de pression sanguine élevée, par rapport à ceux qui n’en buvaient pas. De plus, les adolescents buvant au moins 3 boissons sucrées par jour auraient 87 % de risque en plus d’avoir une pression sanguine élevée.

Pour les auteurs, les boissons sucrées diminueraient les niveaux de monoxyde d’azote dans l’organisme. Le monoxyde d’azote est un vasodilatateur : en augmentant le diamètre des vaisseaux, il permet de réduire la pression du sang. L’augmentation de la pression sanguine pourrait aussi être une réponse au sel présent dans les boissons.

Elles augmentent le risque de maladie cardiovasculaire (et de la mortalité liée)

Les chercheurs de l’Ecole de santé publique de Harvard dans une étude menée sur plus de 125 000 personnes, ont trouvé des preuves convaincantes que les boissons sucrées sont associées au surpoids, au risque de développer une maladie cardiovasculaire et au diabète de type 2.

Ils ont examiné les données recueillies entre 1980 et 2010 sur 84 628 femmes issues de l’Etude des infirmières, et les données sur 42 908 hommes recueillies entre 1986 et 2010 dans le cadre de l’Etude de suivi des professionnels de santé. Aucun des participants n’avait de diabète, de maladies cardiovasculaires ou de cancer au début de leur participation, et tous ont été suivis tous les 4 ans. Ils ont également utilisé les résultats issus d’autres études prospectives et de méta-analyses.

Résultats : les personnes qui consomment 1 à 2 boissons sucrées par jour ont un risque d’infarctus ou de mort subite augmenté de 35%, un risque d'accident vasculaire cérébral augmenté de 16 % et un risque de développer un diabète de type accru de 22 %.

Dans une étude de 2018 dont les résultats ont été présentés à la conférence de l’American Heart Association’s Epidemiology and Prevention/Lifestyle and Cardiometabolic Health Scientific Sessions, les chercheurs montrent que les boissons sucrées augmentent le risque de décès prématuré par maladie cardiovasculaire.

Pendant 6 ans, ils ont suivi une population d’environ 18 000 adultes âgés de plus de 45 ans. Les participants ont répondu à un questionnaire alimentaire pour évaluer leur consommation de boissons sucrées (sodas et jus de fruits) et d’aliments sucrés (desserts, céréales du petit déjeuner…).

Leurs résultats montrent que les participants qui boivent quotidiennement au moins 700 mL de boissons sucrées ont deux fois plus de risque de décéder prématurément de maladie cardiovasculaire que ceux qui boivent moins de 30 mL par jour. Les chercheurs ont également trouvé un risque accru de décès toutes causes chez les gros consommateurs de boissons sucrées.

Si les boissons sucrées sont liées aux décès prématurés par maladie cardiovasculaire, les aliments sucrés eux ne le sont pas, d’après les résultats des chercheurs. Les boissons sucrées – qui possèdent généralement très peu d’autres éléments nutritifs – agissent en « inondant » le corps de sucres. Alors que les aliments sucrés peuvent contenir d’autres nutriments, comme des graisses et des protéines, qui ralentissent le métabolisme.

Elles sont mauvaises pour les reins

Dans une nouvelle étude parue fin 2018 dans la revue Clinical Journal of American Society of Nephrology, 3003 participants ont répondu à un questionnaire alimentaire qui a permis de déterminer le type de boissons qu’ils consommaient entre 2000 et 2004. Tous les participants - dont la fonction rénale était normale au début de l’étude- ont été suivis pendant 9 ans.

Pendant la période de suivi, 185 participants ont développé une maladie rénale chronique. Les résultats montrent que ceux qui consomment le plus de boissons sucrées ont 61% de risque en plus de présenter une insuffisance rénale que les participants qui consomment le moins de boissons sucrées.

La consommation de boissons sucrées peut impacter la fonction rénale de façon directe ou indirecte. En effet, les boissons sucrées augmentent le risque d’obésité qui à son tour augmente le risque d'insuffisance rénale.  Des études ont également montré qu’une consommation importante de boissons sucrées pouvaient directement impacter l’incidence de la maladie rénale. Le fructose ajouté présent en grande quantité dans les boissons sucrées augmente la production d’acide urique qui peut lui-même conduire au développement de la maladie rénale.

Boissons sucrées et puberté précoce : un lien ?

Les jeunes filles qui boivent fréquemment des boissons sucrées ont tendance à avoir leurs premières règles plus tôt que celles qui n’en boivent pas. Ce phénomène est inquiétant car avoir ses règles plus tôt est associé à un risque accru de cancer du sein plus tard dans la vie mais également de diabète de type 2.

Dans cette étude, les chercheurs ont suivi, de 1996 à 2001, 5583 filles appartenant à la Growing up Today Study âgées de 9 à 14 ans. Au début de l’étude, aucune des jeunes filles n’avait eu ses premières règles. A la fin de l’étude, toutes étaient réglées sauf 3% des jeunes filles.

Quel que soit son âge, une jeune fille non réglée qui consomme plus d’une portion et demie de boissons sucrées par jour est 26% plus susceptible d’avoir ses premières règles dans le mois suivant qu’une jeune fille qui ne boit pas plus de 2 boissons sucrées par semaine. Les résultats montrent que les jeunes filles qui boivent plus d’une portion et demie de boissons sucrées par jour ont leurs premières règles 2,7 mois plus tôt que celles qui en boivent 2 ou moins par semaine. Cet effet est indépendant de l’indice de masse corporelle, de la taille, des apports alimentaires totaux et d’autres facteurs, comme l’activité physique. Les chercheurs n’ont pas trouvé d’association entre les boissons gazeuses light (avec édulcorants intenses) ou les jus de fruits et l’âge des premières règles.

« Notre étude alimente l’inquiétude croissante à propos de la consommation très répandue des boissons sucrées chez les enfants et les adolescents aux Etats-Unis et ailleurs. La principale préoccupation concerne l’obésité, mais les résultats de notre étude suggèrent que les premières règles arrivent plus tôt chez les jeunes filles qui consomment beaucoup de boissons sucrées. Ces résultats sont importants dans le contexte de puberté précoce observée dans les pays développés sans que l’on en connaisse les raisons  » explique le Dr Karin Michels qui a dirigé les recherches.

Elles nous feraient vieillir plus vite et augmentent le risque de mort précoce

La consommation de sodas sucrés est associée à des télomères plus courts. Les télomères constituent l’extrémité des chromosomes et correspondent à une combinaison d’ADN et de protéines. Ils jouent un rôle de protection des chromosomes et permettent d’assurer le maintien de l’intégrité du matériel génétique. Leur raccourcissement est un marqueur du vieillissement cellulaire. La consommation quotidienne de 60 cL de boissons sucrées, soit l’équivalent de deux canettes, reviendrait à vieillir prématurément de 4,6 années. Dans l’étude, le seuil des deux canettes est dépassé par 21% des participants. 

« La consommation régulière de sodas sucrés semble influencer le développement des maladies, pas seulement parce qu’elle malmène le métabolisme de contrôle des sucres du corps, mais aussi parce qu’elle accélère le vieillissement des tissus cellulaires» explique Elissa Epel, l’un des co-auteurs de cette étude.

Une étude de l'École de santé publique de l'université de Harvard (Boston, Massachusetts) publiée en mars 2019 dans le le journal Circulation a trouvé un lien entre consommation de boissons sucrées et mortalité précoce, par maladies cardiovasculaires mais aussi par cancer. Par apport aux personnes buvant moins d'un soda par mois, celles en buvant 1 à 4 par mois verraient leur risque de mortalité précoce augmenté de 1 à 4%. Boire 2 à 6 boissons sucrées par semaine était lié à une élévation de 6% de ce même risque tandis que boire 1 à 2 sodas par jour était associé à un risque de mort précoce augmenté de 14% . Cette élévation du risque passait à 21% pour la consommation de 2 sodas quotidiens ou plus. Cette association entre consommation de boissons sucrées et risque de mortalité précoce était, par ailleurs, plus marquée chez les femmes que chez les hommes.

Pour les auteurs de cette étude, remplacer ces boissons sucrées par leurs équivalents light (à base d'édulcorants) n'est pas forcément une bonne idée : si la consommation de ces boissons est associé à un risque de mortalité précoce moindre, c'est uniquement lorsqu'elle n'est pas trop importante.

Comment inciter votre ado à lever le pied sur les sodas?

Si vous consommez des boissons sucrées, vos enfants le feront aussi, commencez donc par montrer l'exemple. Une étude parue dans le British Journal of Nutrition montre en effet que la consommation de boissons sucrées par les jeunes est associée à celle de leurs parents et à la disponibilité de ce type de boissons chez eux. Sachez également que pour modifier leurs habitudes de consommation, les ados ont besoin de messages concrets. C’est ce qu’a révélé une étude parue dans l’American Journal of Public Health : délivrer des informations sur la distance qu’il faudra parcourir en marchant ou le temps pendant lequel il faudra courir pour éliminer un soda, incite les adolescents à se tourner vers des boissons moins caloriques. Et ces choix plus sains persistent pendant plusieurs semaines après le retrait des messages informatifs qui avaient été placés dans un supermarché.  « Les consommateurs ne comprennent pas vraiment ce que signifie "un soda contient 250 calories" » dit le Dr Sara N. Bleich, auteure de l’étude. « Si vous souhaitez donner des informations sur les calories, il y a certainement une meilleure façon de faire. Notre étude montre que lorsque vous expliquez les calories de façon concrète, comme le nombre de kilomètres à parcourir en marchant pour les éliminer, vous pouvez encourager un changement de comportement alimentaire ».

Lire aussi : Le régime NASH contre la maladie du foie gras et Les recettes du régime NASH

Références
  1. Jiantao Ma, Nicola M. McKeown, Shih-Jen Hwang, Udo Hoffman, Paul F. Jacques, Caroline S. Fox. Sugar-Sweetened Beverage Consumption is Associated With Change of Visceral Adipose Tissue Over 6 Years of Follow-Up. Circulation, 2016; CIRCULATIONAHA.115.018704 DOI: 10.1161/CIRCULATIONAHA.115.018704
  2. Malik AH, Akram Y, Shetty S, Malik SS, Yanchou Njike V. Impact of Sugar-Sweetened Beverages on Blood Pressure. Am J Cardiol. 2014 May 1;113(9):1574-1580. doi: 10.1016/j.amjcard.2014.01.437. Epub 2014 Feb 12.
  3. Fagherazzi G, Vilier A, Saes Sartorelli D, Lajous M, Balkau B, Clavel-Chapelon F. Consumption of artificially and sugar-sweetened beverages and incident type 2 diabetes in the Etude Epidemiologique aupres des femmes de la Mutuelle Generale de l'Education Nationale-European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition cohort. Am J Clin Nutr. 2013 Jan 30.
  4. Malik VS, Hu FB. Fructose and Cardiometabolic Health: What the Evidence From Sugar-Sweetened Beverages Tells Us. J Am Coll Cardiol. 2015 Oct 6;66(14):1615-24. doi: 10.1016/j.jacc.2015.08.025.
  5. Mueller NT, Jacobs DR Jr, MacLehose RF, Demerath EW, Kelly SP, Dreyfus JG, Pereira MA. Consumption of caffeinated and artificially sweetened soft drinks is associated with risk of early menarche. Am J Clin Nutr. 2015 Jul 15. pii: ajcn100958. 
  6. Wilke J. C. van Ansem, Frank J. van Lenthe, Carola T. M. Schrijvers, Gerda Rodenburg and Dike van de Mheen. Socio-economic inequalities in children’s snack consumption and sugar-sweetened beverage consumption: the contribution of home environmental factors. British Journal of Nutrition (2014), 112, 467–476
  7. ​Vasanti S. Malik et al, Long-Term Consumption of Sugar-Sweetened and Artificially Sweetened Beverages and Risk of Mortality in US Adults, Circulation (2019).

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