Jean-Michel Lecerf : "La consommation modérée de vin a des effets positifs"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 19/10/2006 Mis à jour le 10/03/2017
Point de vue

Chef du Service de Nutrition à l’Institut Pasteur de Lille, le Dr Jean-Michel Lecerf cumule également les titres de Spécialiste en endocrinologie et maladies métaboliques, Professeur associé à l’Université des Sciences et Technologies de Lille et de Consultant au Centre Hospitalier Universitaire de Lille.

Auteur de 350 articles scientifiques et d’une dizaine de livres dans le domaine de la nutrition, du diabète, du cholestérol et de l’obésité, Jean-Michel Lecerf intervient dans le cadre des journées vimplissime du 28 octobre 2006.

Que diriez-vous du vin d’un point de vue nutritionnel ?

Le vin est un aliment, un aliment boisson, qui a sa place dans une alimentation normale et diversifiée. Ça ne veut pas dire que ça doit être la seule boisson consommée ni que c’est un aliment indispensable. Il n’y a pas d’aliment indispensable, sauf peut-être l’eau.

C’est un aliment avec des caractéristiques particulières qui sont liées à la présence d’alcool.

Ces effets sont ambivalents : positifs avec à la fois un plaisir et une satisfaction ressentie ; négatifs avec une modification de l’humeur. Mais beaucoup d’aliments ont ces effets psychotropes, par exemple le chocolat ou le sucre.

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Quelles sont les qualités nutritionnelles du vin par rapport aux autres alcools ?

Ce qui est propre au vin, c'est la teneur et la diversité des polyphénols qu'il contient, un ensemble complexe de molécules qui ont des propriétés démontrées, anti-oxydantes et anti-agrégantes.

D’autre part, on découvre aujourd’hui qu’une consommation modérée de vin n’est pas associée à une augmentation de l’obésité, ni du diabète, mais au contraire associée à des effets protecteurs cardiovasculaires via un effet sur le bon cholestérol et sur la limitation de la formation de caillots dans les artères. Le vin a donc un côté protecteur dont les bénéfices sont complexes, liés non seulement à la présence d'alcool mais aussi à d'autres composants.

Quels bénéfices apportent la consommation de vin ?

On a découvert depuis de nombreuses années déjà que le vin, dans le cadre d’une consommation modérée, a des effets positifs qui permettent d’affirmer qu’il a sa place dans une alimentation diversifiée car il est associé à une diminution du risque de certaines pathologies. Toutes les études d’observation* qui ont été réalisées vont dans le même sens et montrent que les personnes en bonne santé, sans interdit médical, et qui consomment un peu de vin, ont moins de maladies cardio-vasculaires, notamment coronariennes.

Quels sont vos conseils de consommation pour bénéficier de toutes les qualités nutritionnelles du vin ?

Il faut dire aux gens qu’à condition de consommer modérément, le vin n’est pas mauvais pour la santé, il peut même être bénéfique. Ces bénéfices sont surtout observés chez des consommateurs réguliers au moment des repas. Ceux qui sont des consommateurs de grosses doses en dehors des repas ne profitent pas de ces bénéfices. Ainsi, si vous prenez 14 verres de vin par semaine, répartis sur les repas du midi et du soir, cela peut être bénéfique. Comparativement, quelqu’un qui prendrait ces 14 verres sous forme de 7 verres le samedi soir et de 7 verres le dimanche soir, n'aurait plus du tout de bénéfices. Autrement dit, ce n’est pas seulement la boisson mais aussi les styles de consommation qui sont favorables pour la santé. Tout cela expliquerait pourquoi le mode alimentaire français a toujours généré des questions de la part des anglo-saxons. On a observé depuis longtemps que nous avons, en France, moins de maladies cardio-vasculaires que dans d’autres pays malgré une alimentation qui n’est pas toujours meilleure. C’est ce que l’on a appelé le paradoxe français.

Lors de vos consultations, recommandez-vous à vos patients de boire du vin ?

Mes patients me demandent souvent s’ils peuvent continuer à boire du vin. Je leur dis que l’on n’est pas du tout obligé de boire du vin pour être en bonne santé mais que si l'on en boit un peu, sans problème, on peut continuer. Je préconise surtout la modération. Comme pour tout aliment, l’excès pose des problèmes d’où les conseils de modération. Par contre, un excès de boissons alcooliques entraîne des problèmes dits d’alcoolisme qui dépendent en partie de la dose d'alcool. Mais consommer trop de viande ou trop de sucre, ce n’est pas bon non plus. Sans modération, il n’y a pas de bénéfices au vin.

Quel est votre point de vue concernant les recommandations émises par l’OMS et le PNNS ?

Il faut dire que le vin n’est pas une boisson indispensable et que l’on n’est pas obligé d’en boire pour être en bonne santé mais il n’y a pas non plus d’interdit pour les gens qui sont en bonne santé, en dehors des précautions pour la conduite automobile.Les recommandations du corps médical ont abouti à plusieurs types de conseils et de mises en garde. Une des recommandations concerne le cumul de doses. Actuellement, il est recommandé de ne pas consommer en moyenne plus de 3 verres d’alcool par jour pour un homme et 2 verres d’alcool par jour pour une femme, dans le but d’éviter les excès.

Quant au risque de dépendance vis-à-vis de l'alcool, il peut exister quelle que soit la dose et conduit à ne pas inciter les non buveurs à consommer de l'alcool. En dehors de cela, le discours médical a évolué et rejoint les œnologues qui invitent à déguster, à apprécier en petites quantités, à être gourmet plutôt que gourmand. C'est une nouvelle pédagogie du plaisir mesuré.

Personnellement, que représente le vin pour vous ?

Je consomme du vin régulièrement, modérément, pour le plaisir. Je suis un amateur non-expert qui aime découvrir tous les vins. Je ne suis pas un œnologue féru mais je les apprécie car ils rehaussent le goût et la qualité du repas. Pour moi, le vin véhicule des valeurs positives. C’est culturel, ça nous rapproche de nos sources, nos origines, du terroir et du patrimoine français, de nos racines judéo-chrétiennes. C’est la transmission familiale. Je me souviens de mon grand-père qui faisait toujours des grands discours sur des grands vins qu’il sortait pour les grandes occasions, avec beaucoup de cérémonial.

Que représente pour vous la Journée Vinplissime ?

Avec les interprofessions du vin, nous avons un peu le même combat dans la mesure où nous cherchons à rétablir des repères importants et équilibrants pour l’alimentation. Nous nous efforçons de réhabiliter le repas un peu structuré, familial, à table, dans lequel la consommation du vin peut avoir sa place.La filière viticole souffre aussi de la perte de repères dans les traditions alimentaires, de la perte de certaines valeurs, de l’oubli de transmission du savoir du fait de modifications importantes de la société. Nous avons le même problème de fond.

* Schlienger J.-L et coll. : « Relation entre la consommation alcoolique et les maladies coronariennes » Alcoologie, 1995 ; 17 : 28-34

Lecerf J.-M : 3 maladies cardio-vasculaires, La révolution de la nutrition prévention. » CEMA Edit, (Bondues 1996, 40 p.

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