Christophe Carrio : « Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise méthode de musculation »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 03/05/2012 Mis à jour le 10/03/2017
Point de vue

Quadruple champion du monde de karaté artistique et fort d'une grande expérience du milieu sportif et de la préparation physique, Christophe Carrio nous explique ce qui différencie les méthodes de musculation et laquelle choisir.

 

LaNutrition.fr : Bonjour Christophe, on te connaît pour tes livres best-sellers sur l’entraînement et le bien-être physique. Quelle est ta formation ?

Christophe Carrio : J’ai passé pas mal de diplômes. J’ai un BTS de diététique, le Brevet d’état de karaté, HACUMESE (musculation /haltéro). Je suis diplômé de l’académie de médecine américaine (préparateur physique) Depuis quelques années je suis en alternance une école en Californie pour devenir Physical therapist (l’équivalent de nos kinés en France).
Sur le plan personnel et pratique, j’ai 25 ans de sport à haut niveau principalement dans le karaté et l’athlétisme (sprint). Je le précise car c’est cette double vision qui structure mon approche de l’entraînement, mes livres et mon système d’entraînement, le CTS (Carrio Training System). On voit trop souvent des théoriciens de l’entraînement qui n’ont presque jamais essayé ce qu’ils proposent ou des sportifs doués qui enseignent des choses totalement destructrices pour le corps. Lorsque j’apprends de nouvelles choses, lorsque je mets en place de nouveaux protocoles ou que j’écris quelque chose dans un livre, mes lecteurs ont l’assurance que je pratique ce que je propose et suggère. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai ma chaine youtube, pour montrer les résultats d’une autre façon de s’entraîner et se motiver. Je n’ai nullement la prétention de détenir la vérité universelle sur l’entraînement ; je propose et j’applique une conception de l’entraînement qui reste associée à la performance humaine mais pas au détriment de la santé du corps.

Différentes méthodes s’opposent dans la musculation. Certaines méthodes à poids du corps se revendiquent plus efficaces que des méthodes traditionnelles aux poids et haltères, peux-tu nous donner ton avis là-dessus ?

C’est un vaste débat qui pourrait faire l’objet d’un livre ! Il n’y a pas de bonne ou mauvaise méthode. Il y a des méthodes avec des avantages et des inconvénients suivant le type d’objectif que l’on poursuit. De plus, les gens oublient que l’entraînement est un stimulus qui force une adaptation corporelle spécifique.
Si tu fais des flexions de bras avec haltère, tu prends de la force et de la masse musculaire au niveau de l’avant-bras, du biceps et de l’épaule. Si tu fais de l'équilibre sur les mains, tu prends de la force et un peu de masse musculaire dans les avant-bras, autour des épaules dans l’ensemble des muscles du tronc et du bassin pour maintenir ta colonne rigide en équilibre. Bref, le corps s’adapte aux mouvements qu'on lui fait faire. Lorsque l’on parle de mouvement, il est important de savoir que le cerveau ne pense pas en terme de muscle à contracter ou à relâcher. Le cerveau pense plutôt dans une logique de mouvement. Pour lui peu importe comment il va déplacer le corps, la seule chose qui compte c’est d’aller du point A au point B.

Dans tous les cas, que les objectifs soient purement esthétiques ou sportifs, il faut changer régulièrement ses entraînements afin d’une part de stimuler l’adaptation et donc la progression, mais également pour éviter les risques de blessure, nous allons en reparler.

Lire : Les bénéfices santé de la musculation

Donc pour toi, il n’y a pas de différence entre travail aux poids de corps et poids et haltère ?

Poids du corps, poids et haltères, plateforme vibrante, etc. Tout cela ne sont que des façons différentes de stimuler le corps. Tous les sportifs font déjà du poids du corps pour pouvoir se déplacer au quotidien ou pour manipuler les poids et haltères.
Le travail au poids de corps est simplement un acte naturel, global, moins analytique du travail corporel, tout simplement car le corps fonctionne ainsi. En marchant, en courant, en sautant, en grimpant, en luttant etc, les bras et les jambes s’articulent autour de notre colonne pour produire des mouvements complexes. Si on réalise ces exercices avec une charge supplémentaire alors on fait de la musculation au poids de corps lesté ! On surcharge un mouvement naturel comme le squat (flexion de jambe) avec des charges supplémentaires (haltères ou barre dans le dos) afin de stimuler le corps à s’adapter (masse musculaire et/ou force).
À partir de là on va pouvoir provoquer de la stimulation corporelle de plusieurs façons : soit en rajoutant plus de poids, c’est ce que l’on fait prioritairement en musculation avec poids et haltères, soit en jouant sur le temps où on maintient en tension la musculature, c’est ce qu’on va faire prioritairement en faisant des séries longues de pompes ou de tractions (mais qu’on peut également faire avec des charges), soit encore en jouant avec les lois de la physique appliquée au corps humain en considérant notre corps et nos différentes articulations comme un système de bras de levier, pompes à un bras, mouvement complexe de gymnastique à la barre fixe, squat sur une seule jambe (c’est ce que je propose dans mon livre musculation athlétique). On peut encore jouer sur l’accélération du corps, c’est-à-dire varier les vitesses avec lesquelles on contracte les chaînes musculaires (méthode tempo contrasté par exemple). En résumé, on peut stimuler le corps de plein de manières possibles !

Peux-tu nous parler un peu plus des méthodes à poids du corps et de leurs différences ?

Actuellement deux méthodes structurées existent sur le marché : la méthode Lafay et le CTS - celle que j'ai mise au point.

La méthode Lafay, du nom de son créateur Olivier Lafay, est une méthode simple et efficace pour démarrer en musculation chez soi. Elle est basée sur une structure de séances progressives autour de mouvements basiques comme les pompes, les tractions et les squats d’une jambe. À mes yeux, son intérêt réside dans sa simplicité, ce qui permet de rapidement obtenir des résultats notamment chez des personnes débutantes, peu sportives, avec peu de matériel à disposition. Beaucoup d’adolescents ont pris confiance en eux grâce à la méthode Lafay.
Elle possède 3 inconvénients malgré tout. D’une part, lorsqu’on est seul et non expérimenté, on peut prendre de mauvaises postures de travail, qui vont au fil du temps provoquer des douleurs inflammatoires au niveau tendineux et articulaire. D'autre part, pour augmenter la stimulation et continuer à progresser, le pratiquant doit continuellement augmenter l’intensité et le volume des séances, ce qui peut devenir épuisant et lassant lorsque votre entraînement ne tourne qu’autour de 3 mouvements et de quelques variations. Enfin, dernier inconvénient, elle n’est pas spécifique. Elle pourra être intéressante pour la préparation d’un début de saison sportive, mais plus le sportif sera confirmé et entamera sa saison, et plus les exercices qu’il devra utiliser devront être orientés vers les spécificités de sa discipline.

Comment est conçue ta propre méthode ?

Dans mon approche du renforcement musculaire au poids de corps (car le CTS utilise d’autres méthodes et outil de renforcement musculaire comme les élastiques, les cordes, les kettlebells, l'air trainer, les poids et haltères) on se focalise sur le mouvement, c’est-à-dire qu'on cherche à améliorer le mouvement au sens large en se concentrant sur la qualité du positionnement corporel de la tête, de la colonne vertébrale et du bassin afin d’éviter le risque de blessures au niveau des articulations. Bébés, nous avons construit notre corps autour de cet axe fondamental. Le bébé naît avec peu de force et beaucoup de mobilité articulaire. Au fil des mois, il gagne en force lorsqu’il a appris à stabiliser correctement sa tête, sa ceinture scapulaire (épaules), sa colonne et son bassin. Dans mon approche, on cherche à retrouver ou maintenir cette fondation et travailler le reste du corps dans un état de mobilité et de stabilité articulaire optimisé. Sinon on ne fait que compenser jusqu’à la blessure. C’est la raison pour laquelle mon approche est basée sur la correction de la posture grâce à des automassages, des exercices correctifs et un travail de gainage. Une fois ces bases reconstruites, les possibilités du corps sont presque illimitées si on utilise les bonnes progressions de travail.

Cette approche a-t-elle des inconvénients ?

L’inconvénient de mon approche est premièrement qu’elle demande un peu de réflexion sur son corps et surtout qu'il faut accepter de souvent devoir revenir en arrière pour récupérer cette mobilité et cette stabilité articulaire fondamentale. Les personnes pressées voulant obtenir des résultats rapidement, pourront se sentir frustrées. Et je conseille d’ailleurs souvent la méthode Lafay aux jeunes qui me demandent comment obtenir des résultats rapidement. Le seul conseil étant de faire attention au placement corporel avec des vidéos que j’ai proposées gratuitement sur ma chaîne Youtube.
Le deuxième inconvénient, comme le montre mon livre musculation athlétique, c'est que mon approche ne se focalise pas sur la prise de masse musculaire. C’est une méthode cherchant à améliorer les performances physiques et athlétiques, une base absolue de la condition physique. Les gains en masse musculaire ne sont que la cerise sur le gâteau, pas l’objectif principal. Elle offre néanmoins le mérite d’apporter une progression structurée à des personnes voulant exploiter le travail au poids de corps.

Peux-tu nous parler des méthodes avec poids et haltères, et de leurs différences ?

En musculation, on distingue deux courant majeurs. La musculation à visée esthétique et la musculation sportive (préparation physique, force athlétique, haltérophilie). La musculation « esthétique » cherche à développer le corps de manière harmonieuse et symétrique, à le sculpter comme une statue grecque. Ce sont les bases du bodybuilding (qui signifie littéralement construction du corps, aussi appelé culturisme). La musculation sportive vise à augmenter les performances pour un sport ou une compétition. Là encore les gains musculaires sont la conséquence du travail pas l’objectif principal. C’est là que la notion d’objectif est importante, cela déterminera de qu’elle façon vous allez vous entraîner, quelle méthode vous allez utiliser, pendant combien de temps etc. Or très souvent les gens ont des objectifs très confus lorsqu’ils poussent les portes d’une salle de sport.

Les inconvénients d’une pratique avec poids et haltères sont premièrement que les gens et les sportifs ne possèdent plus la mobilité et la stabilité articulaire fondamentale, et rajoutent sur un corps ne fonctionnant pas de manière optimale un stress mécanique supplémentaire (charge, poids). Pourquoi faire du développé-couché avec des poids lorsqu’on est pas capable de faire une pompe correctement ? Certains répondront que le développé-couché offre un socle rigide (le banc) et qu'ils peuvent ainsi se focaliser sur les bras et les épaules en choisissant une charge adaptée. Mais en agissant ainsi, on travaille le corps d’une manière opposée à la façon dont il s’est construit, c’est-à-dire autour d’un axe gainé (la tête, la colonne, le bassin). Je n’ai rien contre le développé-couché, c’est un outil comme un autre pour stimuler le corps, à condition de disposer au préalable du gainage et de la mobilité articulaire fondamentale. Mais certains répondront alors « oui, mais on peut faire du développé-couché et du gainage parallèlement », ce à quoi je répond dans le CTS : pourquoi ne pas faire les deux en même temps pour gagner du temps ?

Le deuxième inconvénient majeur du travail avec machine et poids est encore lié à la mobilité et la stabilité fondamentale. En travaillant sur des machines, on ne travaille pas le gainage (la stabilité articulaire) et très souvent on travaille avec des amplitudes articulaires et des trajectoires dictées par la machine, ce qui peut à moyen terme causer des blessures inflammatoires au niveau des articulations. En utilisant les poids libres, mais sans la stabilité et le mobilité fondamentale, on court le risque également de pathologies inflammatoires et articulaires car le corps n’est pas en état d’encaisser le stress mécanique proposé ou de le digérer avec le cumul des séances.
C’est là qu’on retrouve l’importance de varier les méthodes d’entraînements, varier les angles de travail, varier les approches afin de travailler le corps de façon harmonieuse et de limiter le risque de blessures. On appelle cela la planification et la périodisation en préparation physique.

Que penses tu du crossfit, cette méthode américaine d’entraînement qui débarque en France après avoir conquis les pays anglo-saxons ?

Les Américains ont une force incroyable, c’est le marketing, car le crossfit c’est ni plus ni moins qu’une combinaison d’exercices de force, de souplesse, d’habilité, d’endurance, sous forme de circuit où l’on enchaîne ces différentes modalités. Cette approche, tu la retrouves déjà en 1900 avec la méthode naturelle et physique de George Hebert, un militaire français. Bien pratiqué, le crossfit est une méthode de conditionnement physique général intéressante. Mal pratiqué, c’est un accélérateur de blessures physiques car on cumule tous les facteurs qui font qu’on se blesse dans les activités choisies (course à pied, haltérophilie, mouvements gymniques) et intégrées dans le crossfit.  Aujourd’hui le crossfit grossit trop vite avec toutes les dérives associées, comme une certification pour enseigner et ouvrir une salle (une box en langage crossfit) obtenue trop rapidement (en un week-end jusqu’à récemment). J’ai posé directement la question à un des ses pratiquants français de la première heure, Philippe Marbot, qui est également un intervenant régulier du site Superphysique qui promeut la musculation au naturel, sans utilisation de produits dopants :

Avantages :

  • Extrêmement varié, peu de risque de lassitude.
  • Discipline centrée sur le développement des compétences et des qualités physiques, ce qui est valorisant et enthousiasmant pour le pratiquant.
  • Très efficace pour développer plusieurs qualités de manière concomitantes.

Inconvénients :

  • Nécessite l'apprentissage de nombreux mouvements techniques, ce qui pourra paraître fastidieux à certains, de plus certains mouvements sont très difficiles à acquérir sans encadrement (haltérophilie).
  • Si l'on peut débuter pratiquement sans aucun matériel, il en faut en revanche beaucoup pour pouvoir exploiter toute la richesse de la discipline, le coût de ce matériel peut représenter un budget conséquent. L'autre option étant de s'inscrire dans une salle spécialisée, souvent plus chère qu'une salle traditionnelle, de plus la couverture du territoire en France reste aujourd'hui très faible.
  • Les considérations esthétiques, comme par exemple le volume musculaire, ne sont pas prioritaires, ceci peut ne pas correspondre aux objectifs de tous et de toutes.

Quelques mots en conclusion ?

L’important, c’est de réfléchir à ce qu'on souhaite faire avant de commencer. Ensuite de choisir ou de se renseigner sur les approches les plus adaptées et les moins traumatisantes et enfin de passer à l’action, car toutes les méthodes du monde glanées deci delà ne donneront aucun résultat si on ne les applique pas de façon cohérente et consciencieuse en restant à l’écoute de son corps.

Propos recueillis par Daniel Lacroix.

Retrouvez les ouvrages de Christophe Carrio en cliquant ici.

Pour en savoir plus sur le CTS, les stages et les livres de Christophe Carrio : http://www.christophe-carrio.com

Pour en savoir plus sur le Crossfit : http://www.superphysique.org/musculation/superfit

Pour en savoir plus sur la méthode Lafay : http://methode.lafay.free.fr/

Pour en savoir plus sur la musculation avec poids et haltères : http://www.superphysique.org/

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