Notre corps devrait nous durer 100 à 120 ans

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 19/12/2006 Mis à jour le 10/03/2017
Le Dr Kenneth Cooper dirige la clinique du même nom à Dallas (Texas). Il est l’inventeur de l’aérobic et à l’origine de la vogue mondiale pour les activités physiques de faible intensité (jogging…) comme moyen de rester en bonne santé. Il raconte comment tout a commencé et livre ses conseils de prévention.

 

LaNutrition.fr : Kenneth Cooper, vous êtes le père de l’aérobic. Comment le définiriez-vous ?

Dr Cooper : A la demande de l’Oxford English Dictionary, nous avons proposé la définition suivante en 1986 : « C’est une méthode d’exercice physique destinée à produire des changements bénéfiques dans les systèmes respiratoire et circulatoire par des activités qui n’exigent qu’une augmentation modeste de l’apport d’oxygène. » Très british, n’est-ce pas ?


Quelle est l’origine de ce terme ?

J’ai créé le mot aérobic en 1966, et mon éditeur l’a utilisé comme titre de mon premier livre, deux ans plus tard. Je n’étais pas d’accord avec ce choix, parce que personne n’arrivait ni à le prononcer, ni à l’écrire, et je pensais qu’on ne s’en souviendrait pas. Voyez ce qui s’est passé !


A qui destiniez-vous ce programme d’exercice ?

Le premier programme sous le nom d’aérobic fut celui que j’ai conçu pour les astronautes de l’armée de l’air des Etats-Unis. En janvier 1970, le programme d’aérobic est devenu le programme d’entraînement officiel de l’armée de l’air. Depuis, il a été adopté par des centaines d’organisations dans le monde entier.


Quelles ont été les réactions des professionnels de la santé à vos débuts ?

Il y a 40 ans, l’idée de faire appel à l’exercice pour prévenir ou soigner des maladies était considérée comme dangereuse et peu recommandable. A l’Institut Cooper, nous avons conduit des dizaines d’études, qui ont été publiées dans les journaux scientifiques les plus prestigieux et nous avons depuis gagné le soutien d’une grande partie de la communauté médicale.


Quels sont les bénéfices à attendre d’une activité physique modérée ?

Nos études montrent que l’on peut réduire les décès par maladies cardio- et cérébro-vasculaires, diabète et cancers d’au moins 55% en marchant 3 kilomètres par semaine, 3 fois par semaine. Avec un programme plus intense, par exemple, lorsqu’on marche 5 kilomètres en moins de 45 minutes, ou qu’on suit chaque semaine quatre cours d’aérobic de 45 minutes chacun, les bénéfices sont un peu supérieurs : 65% de décès en moins. Mais la différence est faible.


Quels sont les exercices aérobiques les plus efficaces ?

Les cinq meilleurs sont probablement et dans l’ordre : le ski de fond, la natation, le jogging, le vélo et la marche.


Y a-t-il un âge à partir duquel l’exercice n’a plus d’intérêt ?

Ce qui nous préoccupe chez les personnes âgées, c’est la perte de muscles, en particulier au niveau des jambes - ce qu’on appelle le quadriceps. Quand ces muscles fondent, les personnes âgées ne peuvent plus se lever d’une chaise sans assistance, ni vaquer à leurs occupations. Quand j’étais en fac de médecine, on nous apprenait qu’après 60 ans on ne peut plus se muscler. Il y a quelques années, des chercheurs de l’université Tufts, à Boston ont publié une étude à ce sujet. Ils ont pris un groupe de personnes âgées en moyenne de 90 ans et leur ont fait suivre pendant 8 semaines un programme d’exercice. A l’issue de l’étude, la force de leurs quadriceps avait augmenté de 176%, la masse musculaire de 9% et la vitesse de la marche de 45%. Il y a donc toujours de l’espoir, quelque soit l’âge.


Comment utiliser l’exercice pour perdre le poids en excès ?

Sans un minimum d’exercice, il est impossible de perdre du poids et de ne plus le reprendre. Les régimes amaigrissants permettent des pertes de poids à court terme. Mais pour ne pas regrossir, il faut changer son mode de vie en y incorporant une activité physique. Si chaque jour vous consommez 1 200 à 1 500 calories et que vous marchez 30 à 45 minutes, vous perdrez un kilo par semaine.


Pourquoi, selon vous, n’y a-t-il pas plus d’adeptes de l’exercice physique dans la population générale ?

Tout est fait dans notre société pour réduire la dépense physique : on prend l’escalator, la voiture pour faire les courses à quelques centaines de mètres de la maison. Je suis particulièrement inquiet pour nos enfants. Au fil des années, la télévision, les jeux vidéos, l’ordinateur ont pris une place considérable dans leur univers : en moyenne, un enfant américain passe plus de 25 heures par semaine devant une télé ou une console de jeux. Dans le même temps, les programmes scolaires d’éducation physique ont été dévalorisés, et supplantés par les maths ou remplacés par des cours d’informatique. Nous avons la confirmation que les enfants sont aujourd’hui plus gras et moins en forme qu’il y a deux ou trois décennies. Une étude a montré qu’en dix ans, des enfants d’âge comparable ont pris entre 2 et 4 kilos en moyenne.


Quel message avez-vous envie de communiquer aux internautes de LaNutrition qui vont vous lire ?

J’ai envie de leur dire : la qualité de vie, en vieillissant, c’est votre affaire. Si vous voulez ralentir le vieillissement vous devez éliminer au moins trois choses dans cet ordre : 1. le tabac ; 2. l’inactivité ; 3. l’obésité. Vous devez vous prendre en charge et ne compter ni sur le médecin ni sur le gouvernement pour ce qui touche à votre santé. Charles Péguy a dit un jour que lorsqu’un homme meurt, il ne meurt pas d’une maladie, mais de sa vie entière. Un corps devrait nous durer 100 à 120 ans. La raison pour laquelle il ne le fait pas, c’est que nous ne prenons pas soin de lui. Voilà le challenge de l’avenir : avoir une population âgée en bonne santé, toujours productive et utile.

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