Y a-t-il un régime de longue vie ?

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 17/02/2015 Mis à jour le 10/03/2017
Certains aliments feraient plus vieillir que d’autres. Thierry Souccar vous donne les clés pour comprendre et agir.

Avec mon ami le Dr Jean-Paul Curtay, j’ai publié en 1999 Le Programme de longue vie, un livre qui proposait plusieurs pistes tirées de la recherche pour vivre longtemps en bonne santé. Nous faisions la promotion d’un régime alimentaire sans excès de calories, voire frugal, riche en végétaux, pauvre en aliments transformés et raffinés, sucre, sel, pesticides. Aujourd’hui, en relisant ces pages, je me suis demandé ce que je retrancherais et ce que j’ajouterais à ce que nous écrivions à l’époque.

Le bon et le mauvais côté des facteurs de croissance

Nous avions correctement identifié le rôle majeur de la frugalité, révélé par l’étude des centenaires d’Okinawa. Il a été confirmé dans une grande étude sur les singes rhésus, mais aussi par de nombreux essais d’intervention chez l’homme qui montrent qu’en mangeant moins (ou seulement quand on a faim !) on améliore de nombreux marqueurs de la santé, à commencer par la glycémie.

Une étude majeure suggère qu'on peut vivre plus longtemps en mangeant moins

On en sait simplement un peu plus sur les mécanismes à l’œuvre. Par exemple, les chercheurs témoignent le plus grand intérêt pour un gène appelé mTor dont ce site a déjà parlé.

Le gène mTor agit un peu comme un feu de signalisation pour dire aux cellules comment gérer l’énergie disponible. Si vous mangez beaucoup, le gène passe au vert et conduit les cellules à absorber les nutriments disponibles pour grossir. Quand la nourriture se fait rare, le gène vire au rouge et arrête la croissance cellulaire. Le problème est le suivant : lorsqu’elles sont en phase de croissance (repas copieux), les cellules vieillissent considérablement car la production d’énergie à partir des aliments n’est pas un processus très propre : il s’accompagne de radicaux libres, des particules réactives toxiques lorsqu’elles sont en excès, qui contribuent au vieillissement.

Il se trouve que mTor est activé non seulement lorsqu’on mange plus que de raison, mais aussi lorsqu’on consomme une grande quantité de certains aliments : ceux qui sont riches en acides aminés branchés (BCAA), et en particulier leucine. Quels sont les aliments riches en BCAA et en leucine ? Les protéines animales, et surtout les produits laitiers.

Le lait chez les mammifères a une fonction bien précise : assurer la croissance rapide des nouveau-nés. Le lait humain, comme le lait de vache, apporte des protéines avec des teneurs très élevées de leucine et de BCAA pour assurer l’activation de mTor et donc la croissance. Les protéines les plus riches en leucine sont celles du petit-lait (whey, 14%), suivies des caséines (10%). A elles deux, elles représentent l’essentiel des protéines laitières. On peut considérer le whey comme un activateur optimisé de toutes formes de croissance ; c’est d’ailleurs une protéine très prisée par les body-builders.

Une protéine du lait favorise la prolifération des cellules cancéreuses de la prostate

 

Moins de protéines animales ?

Les produits laitiers élèvent un autre facteur de croissance qui figurait en bonne place dans notre livre, l’IGF-1 (insulin-like growth factor-1). L’IGF-1 est important pour les enfants et les adolescents : c’est lui qui permet à l’hormone de croissance de les faire grandir. Mais en excès, il est lié à des problèmes de santé comme le cancer et le vieillissement accéléré. Des chercheurs de l’Institut pour la longévité de l’université de Californie (San Francisco) en ont apporté une nouvelle preuve récemment, en identifiant une population vivant en Equateur qui pour des raisons héréditaires exprime peu d’IGF-1. Ces gens-là ne sont pas bien grands, mais ils sont épargnés par les maladies liées à l’âge comme le cancer et le diabète de type 2.

Est-ce à dire qu’il faut supprimer les protéines animales ? Il y a de bonnes études d’observation qui suggèrent que les végétariens jouissent d’une longévité appréciable et c’est un régime alimentaire qui peut absolument être conseillé - à condition bien sûr de veiller au statut en zinc et en vitamine B12. Cela dit, la plupart de ces études conduites sur les végétariens n’ont pas modulé leurs résultats selon la quantité de calories ingérées, qui est un facteur important de la longévité.

Manger moins de protéines animales : bon pour la planète et la longévité

Et si l’on n’est pas végétarien ? Eh bien il faut se repencher sur la biochimie. D’abord, on peut limiter sa consommation de produits laitiers, sans forcément les supprimer, comme le recommande l’Ecole de santé publique de Harvard (pas plus de 1 à 2 portions parjour) pour éviter d’activer le gène mTor et stimuler l’IGF-1. Les autres protéines animales ont des effets moins marqués que les protéines laitières sur l’IGF-1, mais mieux vaut les consommer aussi avec modération. Si dans le même temps vous mangez de grandes quantités de végétaux, alors vous faites s’élever une protéine appelée IGF-BP (binding protein) qui neutralise en partie l’IGF-1.

Qu'est-ce qu'on mange ?

Ainsi un régime frugal, pauvre en aliments transformés, avec peu de produits laitiers,un peu de viande et de poisson, et une grande quantité de végétaux semble une option intéressante pour préserver la jeunesse de ses cellules.

Ce régime s’apparente à celui des centenaires d’Okinawa, qui consomment seulement 9% de leuirs calories sous la forme de protéines, au lieu de 15% en moyenne dans les sociétés occidentales. Il peut aussi se rapprocher du régime méditerranéen, dans lequel la part des protéines animales est elle aussi réduite.

Il s’apparente enfin à un régime de type paléo adapté. La reconstitution des régimes de chasseurs-cueilleurs fait apparaître une consommation très importante de végétaux, près de 1,5 kg par jour. Donc un régime de type paléo n’est pas nécessairement un régime « viandard ». D’ailleurs dans leur dernier livre, L’assiette Paléo, Christophe Bonnefont et Julien Venesson font la démonstration qu’on peut suivre un régime paléo très végétal, voire végétarien et même vegan. C'est aussi le propos de la nutritionniste canadienne Aglaée Jacob dans Je me mets au paléo (lire un extrait ICI >>).

Pour recevoir chaque semaine cette chronique, abonnez-vous à la newsletter gratuite de LaNutrition.fr

Alors ? Végétarien ? Okinawa ? Méditerranéen ? Paléo ? Un peu des trois ? A vous d'imaginer le modèle alimentaire, même hybride, qui vous contentera le plus. Vous pouvez bien sûr continuer à consommer sans risque (si vous les tolérez) un peu de produits laitiers pour le plaisir.   

Portez-vous bien !

Suivez Thierry Souccar sur Facebook et Twitter

A découvrir également

Back to top