Les recommandations officielles accusées de faire grossir la population

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 24/05/2016 Mis à jour le 10/03/2017
Actualité
Des scientifiques anglo-saxons accusent les conseils "de manger moins gras" et "plus de céréales et féculents" de favoriser obésité et diabète.

Depuis plusieurs décennies, les pays occidentaux doivent faire face à une flambée de l'obésité, du surpoids et du diabète de type 2. Les recommandations nutritionnelles officielles de différents pays suggèrent de manger plus de glucides et de diminuer les graisses. Ces recommandations ont-elles favorisé obésité et diabète ? C'est ce que pensent des chercheurs biritanniques et américains, à l'origine d'une vive polémique.

Polémique au Royaume-Uni sur les recommandations nutritionnelles officielles

Un rapport de deux organisations non-gouvernementales britanniques (le National Obesity Forum et la Public Health Collaboration) vient mettre les pieds dans le plat en fustigeant les recommandations officielles qui conseillent des régimes faibles en graisses : d’après ce rapport, ces recommandations ont « des conséquences désastreuses sur la santé ». Les auteurs écrivent que : « Les aliments les plus naturels et nutritifs - la viande, le poisson, les œufs, les produits laitiers, les noix, les graines, olives, avocats - tous contiennent des matières grasses saturées. La diabolisation continue de la graisse naturelle omniprésente pousse les gens loin des aliments hautement nutritifs, sains et qui favorisent la santé. »

Ce rapport suggère plutôt aux personnes souffrant de diabète de type 2 de manger un régime riche en graisses, plutôt qu’en glucides. Le rapport souligne aussi l’influence des lobbies commerciaux dans la construction des recommandations officielles. En effet, la majorité du groupe constitué par la Public Health England (organisation gouvernementale) pour construire un modèle du « manger sain » était constitué de représentants de l’industrie agroalimentaire. Le rapport conseille aussi d’arrêter de compter les calories ; de plus, le sport ne devrait pas être utilisé comme moyen de compenser un mauvais régime (si le régime est mauvais, il faut en changer).

Lire : Pour diminuer le risque cardiovasculaire, arrêtons de compter les calories

Les médecins et scientifiques qui soutiennent ces conclusions ne mâchent pas leurs mots. Ainsi, le docteur Aseem Malhotra, cardiologue et membre fondateur de la Public Health Collaboration, affirme que les recommandations qui font la promotion des aliments pauvres en graisses sont « peut-être la plus grande erreur dans l'histoire médicale moderne entraînant des conséquences dévastatrices pour la santé publique. Malheureusement, ce conseil inutile continue à se perpétuer. Le guide Eatwell de Public Health England est à mon avis plus une bombe à retardement métabolique qu’un régime alimentaire propice à une bonne santé. Nous devons changer de toute urgence le message au public pour inverser l'obésité et le diabète de type 2. Mangez gras pour être mince, ne craignez pas la graisse, la graisse est votre amie. » Le professeur Iain Broom, de l’université Robert Gordon d’Aberdeen ajoute « La poursuite d'une politique alimentaire recommandant beaucoup de glucides, peu de gras, des apports faibles en calories pour «manger sain» est vouée à l'échec. »

La réplique ne s’est pas fait attendre et d’autres scientifiques ont répondu que conseiller de manger plus de gras est « irresponsable ». La British Dietetic Association qualifie les conseils donnés par le rapport comme « potentiellement dangereux » et se justifie en affirmant qu’il existe peu de preuves des bénéfices de l’éviction des glucides pour les diabétiques. Pour Mike Knapton, de la British Heart Foundation, le problème n’est pas que les recommandations sont mauvaises, mais plutôt que les gens ne les suivent pas.

Lire : Les glucides plus dangereux que les graisses saturées, assurent les chercheurs

 

Faut-il manger moins de glucides ?

Différentes études ont montré l’intérêt pour les diabétiques d’éviter les glucides, surtout raffinés. Ainsi, une étude de 2015 montre qu’une réduction modeste de l’apport en glucides a des effets bénéfiques sur la composition corporelle, la distribution des graisses et le métabolisme du glucose, permettant ainsi de diminuer le risque de diabète de type 2. Dans cet article, les chercheurs analysent les résultats de deux études qui comparent les régimes plus pauvres en glucides aux régimes plus pauvres en graisses dans des populations à risque élevé de diabète.

La première étude concerne 69 personnes en surpoids ou obèses, non-diabétiques, qui ont suivi soit un régime pauvre en graisses (55 %, 18 % et 27 % de glucides, protéines et graisses respectivement) soit un régime pauvre en glucides (43 %, 18 % et 39 % glucides, protéines, graisses respectivement). Pendant 8 semaines, le régime apportait le même nombre de calories que celui qui était dépensé quotidiennement, et les 8 semaines suivantes, l’apport calorique a été diminué de 1000 kcal/jour. Après les 8 premières semaines, ceux qui ont suivi le régime pauvre en glucides ont perdu plus de graisse intra-abdominale que ceux qui ont suivi le régime pauvre en lipides. Après le régime hypocalorique et la perte de poids, ceux qui ont suivi le régime pauvre en glucides ont 4,4 % de masse grasse en moins que ceux qui ont suivi l’autre régime.

La 2ème étude portait sur 30 femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques, caractérisé par une résistance à l’insuline. Elles ont été soumises à deux régimes différents : un pauvre en glucides, l’autre pauvre en graisses. Le régime pauvre en glucides a permis de diminuer la glycémie à jeun, l’insulinémie à jeun et d’augmenter significativement la sensibilité à l’insuline. Aucune modification de ces facteurs n’a été observée avec le régime pauvre en graisses. Alors qu’avec le régime pauvre en glucides, les femmes ont perdu de la graisse intra-abdominale et de la graisse intermusculaire, avec le régime pauvre en matières grasses, elles ont perdu de la masse maigre, c'est-à-dire des muscles.

Lire : Comment les glucides nous ont rendus plus gros

« Malgré les avantages d’une réduction ou d’une restriction des glucides alimentaires sur la santé, celles-ci ne sont pas encore recommandées pour le traitement ou la prévention du diabète par les associations de médecins et les institutions officielles » déplorent les auteurs dans leur article.

Faut-il "manger de tout avec modération" ?

Les pouvoirs publics le répètent : « Il faut suivre une alimentation variée et équilibrée pour être en bonne santé » ou encore « Il n'y a pas d'aliments bons ou mauvais ». Pourtant, d’après une recherche parue dans PLOS One, une alimentation variée serait souvent de moins bonne qualité ; elle serait même liée à une mauvaise santé métabolique.

Des chercheurs ont voulu savoir s’il y avait un fondement scientifique au fameux « il faut manger un peu de tout ». Ils ont évalué le lien entre la diversité alimentaire, la qualité de l’alimentation, l’obésité abdominale et le diabète de type 2. Pour cela, ils ont utilisé les données de 5.160 personnes, âgées de 45 à 84 ans au départ de l'étude (en 2000-2002), sans diabète, qui faisaient partie de la Multi-Ethnic Study of Atherosclerosis. Résultats : une meilleure diversité alimentaire ne signifiait pas nécessairement une meilleure santé. De plus, ceux qui avaient le plus de diversité alimentaire étaient ceux qui grossissaient le plus, par rapport à ceux dont l’alimentation était la moins variée.

Les chercheurs ont aussi étudié la qualité de l’alimentation. En fait, la diversité alimentaire était aussi associée avec des apports alimentaires plus élevés d’aliments sains et malsains. Pour Darius Mozaffarian, un des auteurs de cet article, « Les Américains avec les régimes les plus sains mangent en fait un nombre relativement restreint d'aliments sains ». Ces résultats n’apportent donc pas de preuves des bénéfices d’une alimentation variée pour prévenir obésité et diabète.

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Sources

National Obesity Forum and Public Health Collaboration. Eat Fat, Cut the Carbs and avoid Snacking to reverse obesity and type 2 diabetes. 2016.

Gower BA, Goss AM. A lower-carbohydrate, higher-fat diet reduces abdominal and intermuscular fat and increases insulin sensitivity in adults at risk of type 2 diabetes. J Nutr. 2015 Jan;145(1):177S-83S. doi: 10.3945/jn.114.195065. Epub 2014 Dec 3.

de Oliveira Otto MC, Padhye NS, Bertoni AG, Jacobs DR Jr, Mozaffarian D. Everything in Moderation - Dietary Diversity and Quality, Central Obesity and Risk of Diabetes. PLoS One. 2015 Oct 30;10(10):e0141341. doi: 10.1371/journal.pone.0141341.

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