Faut-il taxer les produits sucrés ?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 06/02/2012 Mis à jour le 10/03/2017
Des scientifiques Américains demandent la taxation des produits sucrés.Si les sucres simples sont soupçonnés, c'est aussi le cas des sucres complexes

Dans une tribune publiée la semaine dernière dans le journal scientifique Nature des chercheurs Américains de l'Université de Californie ont mis en garde face aux dangers des produits sucrés et ont proposé une taxation de ces derniers, au même titre que l'alcool ou le tabac. (Pour en savoir plus sur les différents sucres simples, lire notre article).

Les problèmes du fructose

Leur article se veut factuel, s'appuyant sur des données récentes des Nations Unies qui montrent que pour la première fois dans l'histoire de l'humanité les maladies cardiovasculaires, le cancer et le diabète posent un problème de santé publique supérieur à celui des maladies infectieuses avec 35 millions de morts par an. Ils soulignent également qu'il y a aujourd'hui 30% plus de personnes obèses que de personnes malnutries dans le monde.

Si l'obésité est un problème, ils rappellent que ce n'est pas le principal. En effet, 40% des personnes qui développent un syndrome métabolique (diabète, hypertension, cholestérol, problèmes cardiaques et hépatiques) ont aussi un poids normal, tel que calculé avec leur indice de masse corporelle (IMC). Mais alors d'où vient le problème ?

Pour les chercheurs la réponse tient dans "le sucre" et plus particulièrement les sucres utilisés couramment et considérés à tort comme des "calories vides". Il s'agit donc principalement du sirop de glucose-fructose et du saccharose (sucre de table) qui contiennent tous les deux à la fois du glucose mais aussi beaucoup de fructose, un sucre qui semble avoir des effets délétères marqués sur la santé humaine, y compris chez de très jeunes adultes.

Les chercheurs font ensuite le parallèle saisissant entre l'alcool et le sucre, l'alcool étant produit par fermentation naturelle de sucres. Comme l'alcool, écrivent-ils, le fructose provoque de l'hypertension artérielle, des maladies cardiovasculaires, des désordres des lipides sanguins, des pancréatites, l'obésité via la résistance à l'insuline, des problèmes hépatiques (foie gras) mais aussi, de l'addiction. Le fructose agit sur le cerveau comme une drogue en interférant avec la production de deux hormones qui régulent l'appétit et la satiété, la leptine et la ghréline, ce qui augmente notre appétence. Il interfère aussi avec la dopamine, neurotransmetteur nécessaire au sentiment de récompense et de plaisir, nous incitant à en consommer toujours plus.

Quelles solutions ? Le sucre est naturel, le fructose également (on en retrouve dans les fruits) mais l'alcool aussi est naturel. Ce qui fait la dangerosité ce n'est pas le produit, c'est la dose. L'exemple est parlant pour l'alcool : une petite quantité diminue notre risque de maladies cardiovasculaires alors qu'une plus grande l'augmente très rapidement. Face à ce constat, ne faudrait-il pas reproduire le modèle suivi pour l'alcool et le tabac en taxant les produits sucrés pour inciter à une moindre consommation en rendant les produits moins accessibles ? C'est en tout cas la position de Robert Lustig et Laura Schmidt, auteurs de l'article. Ils ajoutent que ce problème envahira rapidement les pays émergents puisque les sodas y sont parfois vendus moins chers que de l'eau ou du lait.

En France le lobby du sucre est bien moins puissant qu'aux Etats-Unis où cet article a engendré quelques agitations. Notre gouvernement va d'ailleurs mettre en place une taxe sur les boissons sucrées. Dans notre pays la consommation de sucre reste bien inférieure à celle des Etats-Unis mais ne cesse de progresser, l'idée d'une taxation n'apparaît pas idiote et viendrait rajouter une goutte d'eau dans notre dette financière. Mais si nous voyions plus loin ?

Et les risques des féculents...

Les sucres complexes que l'on trouve dans les féculents (céréales, pommes de terre) ont des effets métaboliques proches de ceux des sucres simples, surtout quand ils sont consommés par des sédentaires. Bien sûr tous les féculents n'ont pas les mêmes inconvénients. Par exemple, le pain de seigle n'élève pas autant le sucre sanguin que le pain de blé (même complet). Une pomme de terre cuite à la vapeur avec sa peau, puis refroidie est moins problématique que la même pomme de terre en purée (nous avons d'ailleurs publié un guide à jour des index glycémiques et charges glycémiques des aliments courants pour vous aider à choisir). Mais dans de nombreux cas, ces aliments considérés comme "bons pour la santé" par de nombreux nutritionnistes ne le sont pas. Comme le montre l'Américain Gary Taubes dans un livre retentissant (Pourquoi on grossit), ils font grossir, favorisent le diabète et les maladies cardiovasculaires. La production céréalière est aujourd'hui lourdement subventionnée par la politique agricole commune. Faut-il réduire fortement ces aides et envisager de taxer certains produits transformés au même titre qu'on taxerait les produits sucrés ?

Par ailleurs, ne serait-il pas possible de simultanément subventionner les prix des aliments comme les fruits et légumes bio avec lesquels de petits producteurs ont du mal à survivre et qui contribuent à notre bonne santé ?

En attendant, nous vous conseillons toujours de limiter les produits sucrés et de choisir vos aliments à index glycémique bas : voir toutes nos recommandations.

Références: Robert H. Lustig, Laura A. Schmidt and Claire D. Brindis. Public health: The toxic truth about sugar. Nature 482, 27–29 02 February 2012.

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