Antidépresseurs, la grande intoxication

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 30/09/2008 Mis à jour le 10/03/2017
Point de vue

Les antidépresseurs sont-il réellement efficaces ? Pour répondre à cette question le journaliste Guy Hugnet a mené une enquête dont il nous livre les conclusions étonnantes dans son ouvrage « Antidépresseurs, mensonges et propagande ». Pour LaNutrition.fr, il revient sur les enjeux fondamentaux de ce marché qui ne cesse de croître.

Qu’est-ce qui vous a amené à enquêter sur les antidépresseurs ?

À l'origine, un journal suisse m'avait demandé de réaliser une enquête sur les tranquillisants. Savoir comment ces médicaments, pourtant potentiellement dangereux, avaient été très largement utilisés. Je me suis alors rendu compte que le même phénomène était en train de se reproduire avec les médicaments antidépresseurs et j’ai voulu en savoir plus. J’ai alors cherché à mettre la main sur les études scientifiques pour vérifier l’efficacité des antidépresseurs.

Et qu’avez-vous trouvé ?

Au terme de plusieurs mois d’enquête, je me suis procuré les vraies études scientifiques menées pour savoir si le Prozac, l’antidépresseur de référence, était efficace. Verdict : aucune de ces études ne prouvait une réelle efficacité du Prozac. Au mieux, le médicament n’était pas meilleur que le placebo, au pire il s’avérait inférieur au placebo dans certaines études !

Par ailleurs, le produit n'avait pas été testé dans les dépressions graves et le fabricant écrivait noir sur blanc que son produit n'était efficace dans les dépressions légères. Dans les dépressions d'intensité moyenne, le Prozac montrait une légère amélioration mais à condition d'être associé à des anxiolytiques. Difficile donc de dire qui était actif.

D’ailleurs l’effet placebo est considérable pour l’ensemble des médicaments psychotropes. De fait, très peu d'études ont démontré avec rigueur et certitude que les antidépresseurs de la famille du Prozac (Deroxat, Zoloft, Seropram, Effexor) sont fondamentalement efficaces contre la dépression. Certes, chez certains patients la prise de ces médicaments s’accompagne d’une amélioration de leur état, mais la part de l’effet placebo n’est pas à négliger dans cette efficacité. Qui plus est, d’autres patients ne voient aucune amélioration de leur état sous antidépresseur, voire même une détérioration pouvant s’accompagner d’effets secondaires graves et même mener au suicide.

Mais alors pourquoi les antidépresseurs sont-ils autant prescrits par les médecins ?

Pour une raison simple : les médecins n'ont pas dans les mains les vraies études - celles dont les résultats sont très limités - mais des études bidons, sans réelle rigueur scientifique, cautionnées par des pontes locaux ou nationaux, grassement rémunérés à cet effet. Tout ce que les généralistes savent du médicament c’est ce que leur présentent les laboratoires. L'objectif étant de les convaincre de la nécessité de prescrire ces médicaments pour qu’à leur tour, ils puissent en convaincre les patients. En matière de prescription de psychotropes, la croyance est fondamentale.

Le vrai problème, c'est que toute la médecine est sous la coupe de l'industrie. C’est le système même qui veut ça. Tous les grands noms de la médecine, qui font partie par exemple des commissions autorisant la mise sur le marché d’un médicament, sont liés d’une façon ou d’une autre à l’industrie. La plupart du temps les crédits qui leur permettent de mener à bien leurs études ou les essais cliniques proviennent de l’industrie pharmaceutique et la majorité doit leur carrière à des financements privés. Sans remettre en cause l’intégrité intellectuelle de ces spécialistes, ni parler de corruption, on peut reconnaître qu’ils sont juges et partis. Comment dès lors attendre de ces médecins un jugement totalement indépendant à l’égard du produit ?

Peut-on considérer l’industrie pharmaceutique comme responsable de la prescription massive d’un médicament pourtant jugé peu efficace ?

Le fait que les laboratoires cherchent à faire des bénéfices est tout à fait normal. Le vrai problème c’est que la médecine est devenue totalement dépendante de cette industrie. Il n’y a qu’à voir du côté de la presse spécialisée : la quasi-totalité des titres de la presse médicale sont financée par l’industrie pharmaceutique. La formation continue des médecins également. Le problème réside aussi du côté des pouvoirs publics qui n’ont pas une plus grande indépendance. L’agence du médicament elle-même est financée à 80 % par des fonds provenant de l’industrie pharmaceutique. Certes cette implication du privé donne une certaine dynamique au secteur, mais à quel prix ? Celui de l’indépendance…

Et ce « marketing » de l’industrie pharmaceutique aura suffit à imposer les antidépresseurs à l’ensemble du corps médical ?

Pas seulement. Ce n’est qu’un aspect du phénomène. En parallèle il a fallu développer un deuxième aspect : créer un marché. Les laboratoires ont investi des millions de dollars pendant des années sur ces molécules, l’enjeu pour eux était colossal. Si l’usage des antidépresseurs s’était cantonné aux dépressions lourdes et à la prescription des seuls psychiatres, c’eut été beaucoup moins intéressant pour eux. La vraie cible n’était donc pas les spécialistes mais les médecins généralistes. Ce qui implique qu’il a fallu élargir le public potentiellement concerné par les antidépresseurs. Qu’a-t-on fait alors ? On a redéfini les critères de la dépression qui ont été considérablement élargis. Aujourd’hui tout le monde est susceptible à un moment ou à un autre de répondre aux critères de la dépression. Il n’y a qu’à voir les chiffres : de 1 à 3 % de la population considérée comme souffrant de dépression dans les années 1960, on est passés à 15 à 20 % aujourd’hui. Ce sont autant de « clients » potentiels pour les firmes qui développent ces médicaments. A la moindre suspicion d’un état dépressif, un médecin généraliste est susceptible de vous proposer un traitement antidépresseur. Ce qui d’ailleurs est paradoxal puisque de l’aveu même des laboratoires, ces substances ne sont pas efficaces sur les dépressions légères.

Et est-ce que cette stratégie a été payante ?

Bien sûr, il n’y a qu’à voir ce que représente le marché des antidépresseurs à l’heure actuelle. Le marché mondial qui représentait 686 millions de dollars en 1988 est passé à 17 milliards de dollars en 2008, c’est colossal ! On a crée une demande et la niche est phénoménale. D’ailleurs le « succès » des antidépresseurs révèle également un autre aspect du problème. Pourquoi ces produits sont-ils autant prescrits ? Parce que depuis environ 150 ans, avec l’essor de la pharmacie, le malheur humain est de plus en plus considéré comme un problème médical. La croyance en la toute puissance de la biologie et de la médecine a pris une place fondamentale et même le malheur est désormais considéré comme relevant de la médecine. « Je ne vais pas bien il faut que je trouve un produit qui pourrait résoudre mes problèmes ». Cette croyance en la toute puissance de la biologie et de la médecine fait le lit des antidépresseurs… et des médicaments qui leur succéderont…

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