Mostafa Ould Elhkim : "Pas de lien entre aspartame et tumeurs du cerveau"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 26/04/2011 Mis à jour le 10/03/2017
Mostafa Ould Elhkim, toxicologue, a participé aux travaux de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments sur l’aspartame. Nous lui avons demandé si les inquiétudes sur l’aspartame sont justifiées.

Pourquoi selon vous tout ce tumulte autour des dangers de l’aspartame ?

Il y a deux raisons à cela : Tout d’abord, une première étude de cancérogenèse chez le rat, publiée en 1973 a montré chez les animaux traités une augmentation d’incidence de tumeurs du cerveau supérieure à celle des animaux témoins. En second lieu, une étude épidémiologique, publiée en 1996, a indiqué une relation possible entre l’augmentation de la fréquence des tumeurs du cerveau chez l’homme et la consommation d’aspartame aux Etats-Unis.

L’analyse de la littérature présentée dans le rapport de l’Afssa démontre que, en prenant en considération l’ensemble des essais réalisés chez les animaux de laboratoire, la fréquence des tumeurs spontanées chez le rat, les types de tumeurs et l’absence de relation dose-effet (relation dose-effet d’une telle importance qu’elle se doit de faire partie intégrante de la définition même de la toxicologie) permettent de conclure en l’absence de potentiel cancérogène de l’aspartame chez les animaux de laboratoire. De plus, les essais de toxicologie génétique, prédictifs d’un éventuel potentiel cancérogène, ont donné des résultats négatifs.

En outre, les conclusions de cette étude épidémiologique d’Olney (1996) ont été critiquées par de nombreux scientifiques qui ont mis en cause la méthodologie, l’utilisation des données et leur interprétation. Plus récemment même, des études épidémiologiques, citées dans le rapport de l’Afssa, n’ont pas pu établir de relation entre la consommation d’aspartame et la fréquence des tumeurs du cerveau.

En l’état de nos connaissances actuelles, le rapport de l’Afssa conclut donc sur l’absence d’arguments fondés permettant de faire un lien entre la consommation d’aspartame et l’augmentation de l’incidence de tumeurs du cerveau.

Les Etats-Unis ont écarté tout lien entre consommation d’aspartame et tumeurs du cerveau. Qu’avez-vous constaté pour la France ?

En France, l’aspartame a été autorisé à partir de 1988. Les données d’incidence et de mortalité par cancers du cerveau ont été fournies par le réseau FRANCIM (F. Ménégoz, 2001). Ces cancers regroupent les tumeurs des méninges et les tumeurs du cerveau lui-même. Entre 1980 et 1997, l’incidence (nombre de nouveaux cas apparus chaque année) des tumeurs cérébrales a été relativement stable chez l’homme et en très légère augmentation chez la femme. La tendance à l’augmentation de la mortalité par cancer du cerveau et d’autres parties du système nerveux est ancienne, puisqu’elle est apparue en 1950 et se poursuit jusqu’à nos jours, pour les deux sexes. Toutefois, dans la dernière décennie, la mortalité chez l’homme s’est stabilisée et l’augmentation de mortalité par cancer du cerveau chez la femme a été moins forte que dans la période précédente.

Ainsi sur cette base, les données épidémiologiques des registres des cancers ne permettent pas de donner d’indication définitive sur une éventuelle relation aspartame - tumeurs du cerveau mais elles montrent qu’aujourd’hui la commercialisation de cet additif alimentaire en France ne s’est pas accompagnée d’une augmentation de la fréquence des tumeurs cérébrales ni d’une mortalité accrue liée à cette pathologie dans la population générale.

Les personnes qui consomment de l’aspartame risquent-elles des crises d’épilepsie ?

Cet aspect a aussi été traité dans le rapport de l’Afssa et entièrement repris par le Comité scientifique de l’alimentation humaine de la Commission européenne. En effet, parmi les réactions secondaires possibles de l’aspartame, les convulsions ont retenu l’attention des toxicologues. La revue de la littérature scientifique disponible nous a conduit à la conclusion que, bien qu’il soit possible que certains individus soient particulièrement sensibles à l’aspartame, les données portant sur un grand nombre de personnes n’ont pas permis d’établir une relation entre la consommation d’aspartame et la survenue de crises convulsives. Ainsi, l’Afssa estime que l’analyse de la littérature met en évidence l’absence d’arguments pour établir un lien de causalité entre aspartame et crises d’épilepsie ou anomalies de l’électroencéphalogramme chez l’homme.

Selon le Dr Jeremy Guggenheim (université de Cardiff) l’aspartame serait toxique pour la rétine de l’œil (via la transformation en méthanol-formaldéhyde-acide formique). Que pensez-vous de ces accusations ?

La toxicologie est l’étude qualitative et plus particulièrement quantitative des effets néfastes des substances chimiques pour la santé, ces effets néfastes se manifestant par des altérations fonctionnelles et structurelles dans les organismes vivants. Par conséquent, seule la dose fait le poison (« Dosis sola facit venenum »), excepté pour les cancérogènes-génotoxiques pour lesquels il n’existe pas de dose seuil.

Chez les animaux de laboratoire comme chez l’homme, l’aspartame est métabolisé dans le tractus gastro-intestinal en méthanol, acide aspartique et phénylalanine. Sur une base pondérale, le métabolisme de l’aspartame génère approximativement 50 % de phénylalanine, 40 % d’acide aspartique et 10 % de méthanol. Les métabolites de l’aspartame chez l’homme sont des composés que l’on retrouve dans l’alimentation courante et qui sont aussi produits par le métabolisme endogène des cellules. L’aspartame est une source mineure de phénylalanine, d’acide aspartique et de méthanol en comparaison des apports alimentaires courants de ces substances. Ceux ci ne peuvent donc pas être à l’origine des effets toxiques avancés par l’auteur.

A titre d’exemple, le méthanol correspond, en poids, à environ 10 % de l’aspartame. Il est métabolisé en formaldéhyde, acide formique et CO2. Un litre de boisson sans sucre contenant de l’aspartame produit environ 48 mg de méthanol alors que 1 litre de jus de fruits ou de légumes contient environ 200 à 280 mg de méthanol. Cela indique que les quantités de méthanol apportées par l’aspartame en tant qu’additif alimentaire sont inférieures à celles apportées par certains aliments naturels. Chez l’homme, une ingestion de méthanol à la dose de 200-500 mg/kg de poids corporel est requise pour induire une accumulation de formate dans le sang et des effets toxiques sur la vision et le système nerveux central :Ces doses sont plus de 100 fois supérieures à la dose maximale de méthanol apportée par l’aspartame (FDA, FR 1984) Ces données relativisent donc les effets toxiques potentiels des métabolites du méthanol (formaldéhyde et acide formique) après exposition à l’aspartame.

Lire notre enquête sur aspartame et cancer

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