Rejoignez le front européen contre Big Pharma

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 16/03/2016 Mis à jour le 10/03/2017
Deux initiatives, l'une en France, l'autre en Grande-Bretagne entendent s'opposer au marketing effréné de l'industrie pharmaceutique dans sa promotion de médicaments inefficaces et toxiques. Vous pouvez vous y joindre.

Les lignes bougent dans les corps médical et associatif pour dénoncer certaines pratiques de l’industrie pharmaceutique. En France, l’Association internationale pour une médecine scientifique indépendante (AIMSIB, voir plus loin) voit le jour. Et de l’autre côté de la Manche, Sir Richard Thompson, ancien président du Collège royal des médecins britanniques, médecin personnel de la Reine pendant 21 ans, a demandé le 23 février 2016 une enquête publique urgente sur plusieurs médicaments et sur les pratiques des laboratoires pharmaceutiques.

Ce médecin fait partie d'un groupe de six spécialistes éminents qui, aujourd'hui, mettent en garde contre l'influence des compagnies pharmaceutiques. Aux côtés de Sir Richard Thompson on trouve le Dr Aseem Malhotra, cardiologue et conseiller du National Heath Service, le professeur John Ashton, président de la Faculté de santé publique, le Dr JS Bamrah, directeur des services de psychiatrie de Manchester, le Dr Rita Redberg, rédacteur en chef de la revue médicale JAMA médecine interne, et le Pr James McCormack, professeur de pharmacologie à l’Université de Colombie Britannique (Canada).

Pour Sir Richard Thompson, «le moment est venu de conduire une enquête publique complète et transparente sur la façon dont la preuve de l'efficacité des médicaments est obtenue et publiée. »

Ces spécialistes soulignent que la prescription généralisée de médicaments peu efficaces et toxiques coûte des centaines de milliers de vies à travers le monde, et que du fait des conflits d’intérêt, les médecins comme les patients sont mal informés, au Royaume-Uni comme ailleurs.

Sir Richard Thompson s’appuie entre autres sur l’analyse éloquente des essais cliniques sur les statines (anticholestérol) que viennent de publier les Drs Michel de Lorgeril et Mikael Rabaeus dans le Journal of Controversies in Medical Research.

Ces médecins rappellent que les autorités sanitaires ont imposé de nouvelles règles de conduite des essais cliniques (RCT), plus rigoureuses, en 2005/2006. Les études miraculeuses publiées avant cette date étant « vraisemblablement biaisées », ils ont identifié 4 RCT à partir de 2006, tous portant sur la rosuvastatine (contre placebo) dans la prévention des complications cardiovasculaires. Conclusion : la rosuvastatine n’a aucun intérêt chez les patients ayant déjà eu un infarctus ou un autre trouble cardiovasculaire et son efficacité chez les patients en bonne santé est impossible à établir. De plus, les statines sont inefficaces chez les diabétiques, les insuffisants cardiaques et les insuffisants rénaux. Et leur usage augmente le risque de diabète.

De Lorgeril et Rabaeus, tout comme Sir Richard Thompson appellent à une réanalyse complète des données brutes sur les statines. « Nous sommes très inquiets à propos de ces médicaments, dit le Pr Thompson, et en particulier de leurs effets secondaires dont les données ont, semble-t-il, été cachées sous le tapis. Nous devons regarder avec circonspection les études sur les statines, et si nous avons tort de les prescrire si largement, comme c’est le cas aujourd’hui, nous devons prendre la parole et dire que nous sommes désolés. »  

En 2014, les autorités sanitaires britanniques ont abaissé les critères de prescription des statines pour encourager les médecins à les proposer à un plus grand nombre de patients. Mais il est apparu que 6 des 12 membres du panel à l’origine de cette décision étaient liés à l’industrie pharmaceutique.

En plus des statines, des doutes sérieux entourent l’efficacité du Tamiflu, un antiviral qui a coûté au NHS 500 millions de livres sterling, et dont la ministre de la santé française Roselyne Bachelot avait en 2009 acheté 24 millions de doses en prévision de l’épidémie de grippe H1N1. En 2014, un rapport d’experts a conclu que le Tamiflu n’est pas plus efficace que le paracétamol. Mais le laboratoire Roche a réalisé 2,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2009 avec ce médicament.

Un appel a été lancé au Comité des comptes publics du Parlement britannique pour mener une enquête indépendante sur la sécurité des médicaments. Selon eux, une hospitalisation sur trois chez les plus de 75 ans est due aux effets indésirables des médicaments.

Peter Gotzsche, professeur à l'Université de Copenhague a calculé que les médicaments sont la troisième cause la plus fréquente de décès après les maladies cardiaques et le cancer. Il se dit profondément préoccupé par l'impact des médicaments psychiatriques, dont les antidépresseurs et les médicaments contre la démence. Écrivant dans le BMJ, il estime qu'ils sont responsables de plus d'un demi-million de décès chez les personnes âgées de plus de 65 ans en Amérique du Nord et en Europe.

Pour le professeur Gotzsche, le comportement d’une grande partie des industriels de la pharmacie qui poussent à cette prescription excessive satisfait les critères de «crime organisé» selon le droit américain.

L’Association internationale pour une médecine scientifique indépendante (AIMSIB), basée en France, entend de son côté peser pour que des initiatives soient prises par les pouvoirs publics, dans l’intérêt des patients comme dans celui des médecins qui veulent pouvoir s’appuyer sur des données objectives, fiables et éprouvées. Patient ou professionnel de santé, soyez nombreux à y adhérer, à l'instar de LaNutrition.fr

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