Dr Philippe Mayran : « C'est le coup de soleil qui est cancérigène, pas les UV »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 05/06/2012 Mis à jour le 10/03/2017
Le Dr Philippe Mayran est créateur de l'Institut Français Soleil & Santé (IFSS)Il nous livre son avis sur la politique de prévention actuelle face aux cancers de la peau et nous éclaire sur la dangerosité des rayons UV.Note : l'IFSS reçoit un soutien et un financement des professionnels du bronzage en cabine.

LaNutrition.fr : Bonjour Dr Mayran, pourriez-vous vous présenter et nous parler de vos activités ?

Philippe Mayran : Je suis médecin de formation. Depuis 15 ans je me consacre à l’information dans tous les domaines de la santé en créant des ponts entre les experts scientifiques et le grand public, pour diffuser les connaissances et favoriser la prise de conscience de certaines problématiques de santé méconnues. J’ai ainsi contribué à des campagnes d’information sur les maladies de la thyroïde, le cancer gastrique, les maladies rhumatologiques telles que la goutte, etc. A chaque fois, la logique est la même : permettre à des experts de toucher et d’informer directement un large public, dans une démarche rigoureuse et basée sur des preuves.

Pourquoi avoir créé l’Institut Français Soleil & Santé (I.F.S.S) ?

Car il y a un problème de santé publique en France lié au déficit d’exposition au soleil. La plupart des spécialistes le savent, les ultraviolets B du soleil sont indispensables à notre bonne santé, mais ni le grand public ni les autorités de santé n’ont pris conscience de l’ampleur du phénomène. 80 % des français ont une insuffisance en vitamine D solaire et plus de 2 millions ont même une carence sévère. L’accroissement des maladies cardiovasculaires, de plusieurs types de cancers, du diabète, de la sclérose en plaques, etc. sont le prix à payer si on n’incite pas les français à s’exposer davantage. Pourtant, il y a quelques semaines j’entendais encore un « conseiller scientifique » ministériel et des dermatologues nier ou minimiser ce phénomène.

Hélas, quand on parle des relations entre le soleil et la santé on entend surtout aujourd’hui le point de vue négatif du mélanome très largement médiatisé, au risque d’aggraver encore le déficit solaire et ses conséquences catastrophiques. Pour favoriser un débat serein et vraiment multidisciplinaire, j’ai décidé de créer l’Institut Français Soleil & Santé et, pour une fois, faire entendre les arguments pour et contre le soleil et les UV, en s’appuyant sur des preuves scientifiques et des avis d’experts de différentes spécialités. L’objectif et de faire évoluer les messages de santé publique vers une exposition régulière et raisonnable au soleil.

Que pensez-vous des recommandations officielles sur les précautions à prendre en matière d’expositions au soleil ?

Elles sont mal comprises et insuffisamment ciblée : en laissant croire que toute personne qui s’expose au soleil ou aux UV risque le cancer de la peau, on s’adresse à tout le monde et donc personne ne se sent réellement concerné. D’où l’inefficacité reconnue des campagnes menées depuis 20 ans. Pourquoi ne pas dire la vérité et informer sur les facteurs de risque du mélanome ? On pourrait inciter les personnes présentant ces facteurs de risque à consulter un dermatologue et surtout à prendre des précautions d’exposition réellement efficaces. Enfin, le principal message qu’il faudrait délivrer c’est « tenez compte de votre sensibilité au soleil, exposez-vous sans excès et surtout n’attrapez jamais de coup de soleil ». C’est le coup de soleil (notamment dans l’enfance) qui aurait dû être déclaré cancérigène, pas les UV.

Au lieu de cela, les campagnes – sponsorisées par les laboratoires de cosmétiques solaires – incitent à se mettre une couche épaisse de crème solaire toutes les 2 heures. Constatez vous-même l’aberration de ce message : il ne faut jamais s’exposer 2 heures voire davantage aux heures les plus chaudes !  Ces messages font croire à la population que la crème solaire protège de tous les risques et qu’on peut s’exposer plus longtemps ou laisser un enfant en plein soleil du moment qu’il est enduit de crème « protectrice ».

Et les cabines UV, sont-elles vraiment cancérigènes ou peut-on les utiliser sans précautions ?

Ce sont deux questions très différentes et je travaille à la fois avec des scientifiques et avec des professionnels des UV pour améliorer l’information sur ces deux aspects.

Concernant l’effet cancérigène, les études sur le sujet sont aussi nombreuses que contradictoires. Certaines retrouvent un risque accru de cancer cutané, d’autres pas de risque et d’autres encore démontrent un risque plus faible de cancer cutané chez les utilisateurs de cabines UV ! Il y a donc vraisemblablement des facteurs qui viennent polluer les résultats, par exemple un utilisateur de cabines UV peut aussi être un amateur d’exposition déraisonnable au soleil. Ou, à l’inverse, certains utilisateurs sont des gens prudents vis-à-vis du soleil qui souhaitent préparer leur peau pour mieux la protéger avant un voyage. Enfin, certaines études mélangent sans discernement des sources très différentes d’UV artificiels :

  • Cabines UV, interdites aux mineurs et limitées en puissance,
  • Lampes à bronzer, achetées librement et utilisées sans contrôle à domicile, y compris par des enfants ou adolescents,
  • Cabines de PUVA-thérapie, utilisées par les dermatologues en séances nombreuses et intensives pour soigner des affections esthétiquement gênantes telles que le psoriasis.

Devant une telle disparité de résultats, les « méta-analyses » (sortes de compilations de résultats de plusieurs études pour obtenir un résultat unique) n’ont qu’une très faible valeur scientifique.
Si on ajoute qu’en France nous avons la réglementation la plus stricte pour les cabines UV professionnelles, que la puissance des lampes est limitée par décret et que la seule étude réalisée en France ne montre aucun lien entre cabines UV et cancer de la peau, je pense qu’on peut raisonnablement dire qu’il n’y a pas d’argument scientifique de l’effet cancérigène de l’utilisation normale et réglementée des cabines UV.

Le deuxième point concerne les précautions lors de séances UV. C’est un aspect essentiel de notre démarche de prévention. Le rayonnement ultra-violet a des propriétés biologiques : à dose modérée, il permet la synthèse de vitamine D (UV B), une activation de la mélanine qui donne « bonne mine » et confère une certaine protection (UV B et UV A) et confère une sensation de bien-être. A forte dose il peut entraîner un vieillissement de la peau, des brûlures, un risque accru de cancer cutané, des lésions de l’œil. Il faut donc informer les utilisateurs et responsabiliser les personnels des centres de bronzage, trop souvent incompétents en matière de prévention. C’est l’objet de la Charte IFSS que nous déployons en partenariat avec plusieurs professionnels (fabricants de bancs solaires, exploitants) : chaque adhérent s’engage à se former, à mieux informer ses clients et à mettre à leur disposition le « Diagnostic Solaire », véritable outil de prévention et de sensibilisation que nous avons mis au point avec le concours de dermatologues.
Loin d’interdire les cabines UV, ce qui ferait exploser l’utilisation des lampes UV achetée sur internet sans aucun contrôle, nous pensons qu’il faut en faire des lieux d’information et d’une vraie prévention ciblée. Certains dermatologues ont totalement compris notre démarche, d’autres sont scandalisés : nous sommes ouverts à leurs suggestions, et à tout partenariat constructif, mais pour le moment nous attendons toujours.
Enfin, pour élargir le débat, je pense qu’il faut aussi développer ce même type de campagnes dans les stations de ski, les terrasses des cafés, les bars de la plage, etc.

Avez-vous un avis sur l’utilité des crèmes solaires dans la prévention des cancers de la peau?

Les crèmes solaires sont potentiellement utiles, c’est le discours promotionnel, relayé hélas par les campagnes officielles de prévention, qui est un non-sens.
Elles ne doivent être utilisées que quand il n’y a pas d’autre solution pour protéger notre peau d’un soleil trop intense : ski, sport en plein air et aquatique, travail exposé, etc. Dans tous les autres cas la meilleure des protections c’est l’ombre !
En revanche, utiliser les crèmes solaires pour s’exposer davantage est potentiellement dangereux. C’est peut être la raison du manque d’efficacité des crèmes pour prévenir le mélanome, voire d’un effet inverse constaté par plusieurs études : les personnes qui se crèment s’exposent plus longtemps et on un risque accru de mélanome. En toute logique, les tubes de crème devraient tous porter la mention : « prolonger son exposition solaire en utilisant une crème solaire expose au risque de cancer cutané ».

Enfin, il ne faut pas oublier que la peau n’est pas une barrière infranchissable et que certains composants des crèmes solaires vont contaminer l’organisme et également le lait maternel. Une étude suisse a montré que des traces de filtres UV étaient présentes dans 85 % des laits maternels prélevés chez des femmes. Or, certaines substances cosmétiques, comme par exemple des filtres UV, des conservateurs, se comportent comme des « perturbateurs endocriniens » et peuvent entraîner des troubles hormonaux, tel que c’est démontré chez l’animal.

Pour finir, que conseilleriez-vous pour diminuer son risque de cancer de la peau ?

Des campagnes mieux orchestrées, moins influencées par les cosmétiques et des messages cohérents : l’institut de veille sanitaire publie en avril un numéro alertant sur le déficit en vitamine D et donc d’UV, et en mai un numéro stigmatisant les UV artificiels !

Une prévention ciblée : tout le monde devrait connaître son niveau de risque et sa sensibilité au soleil et avoir un examen dermatologique de dépistage en cas de facteur de risque avéré. Un mélanome, dépisté à temps, sera excisé en quelques minutes au cabinet du dermatologue et le patient sera guéri.
Une attitude raisonnable : bien connaître sa peau et s’exposer progressivement, ne jamais attraper de coup de soleil (s’installer en terrasse pour déjeuner, mais rentrer ou mettre le parasol au bout de 10 minutes). Préférer une bonne mine à un bronzage trop outrancier.

Propos recueillis par Jacques Robert.

Pour en savoir plus sur la charte mise en place par l'IFSS, cliquez ici.
Pour trouver un centre de bronzage agréé par l'IFSS, cliquez ici.

http://www.ifss.fr/

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