Erwann Menthéour: «La plupart des sportifs mangent mal»

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 10/12/2015 Mis à jour le 04/07/2017
Point de vue

Ancien cycliste professionnel, Erwann Menthéour est coach sportif, mais aussi chroniqueur santé et auteur*. Il a conçu la méthode Fitnext, l’une des plus populaires en France. Voici sa conception de l’entraînement, rigoureuse, mais qui n’oublie pas un ingrédient essentiel : le plaisir.

LaNutrition.fr : Dans la préface de Paléofit (lire un extrait ICI >>), vous saluez le fait que l’endurance douce tient une place prépondérante dans la préparation physique préconisée par le Dr Kuhn. Quels sont les problèmes que pose l’entraînement axé sur l’intensité selon vous ?

Erwann Menthéour : Pour être un bon compétiteur dans les sports énergétiques il faut une qualité prépondérante sur les autres : le désir/plaisir de pratiquer ce sport.
Or le travail en intensité réduit le plaisir/désir. L’intensité est apparue il y a environ 15 ans dans la préparation physique des athlètes. Jusque là, dans le vélo par exemple, l’entraînement était plutôt centré sur l’endurance douce avec des sorties régulières de 6-7 h ponctuées d’entraînements par intervalles (en intensité). L’intensité constante pratiquée dans la préparation physique actuelle conduit à des blessures précoces. Dans le vélo, la natation ou l’athlétisme par exemple, les jeunes de 17 ans se retrouvent à un niveau pro, grâce à ces programmes d’entraînement en intensité. Et à 23-25 ans, l’âge où ils devraient normalement atteindre la pleine maturité de leur sport, ils n’ont plus de jus, physiquement et mentalement. Plus de plaisir à s’entraîner, et des blessures de plus en plus tôt. Je pense qu’il faut en revenir aux fondamentaux : le sport doit rester un plaisir. Le plaisir est d’ailleurs une notion essentielle dans tous les compartiments de notre existence.

Vous dites que l’intensité des réactions du corps est une bonne mesure de son énergie vitale. Ce propos va à contre-courant du discours dominant selon lequel un corps en bonne santé absorbe tout sans se plaindre. Pouvez-vous en dire plus sur ce concept d’énergie vitale ?

Pour moi ce concept est une évidence : le corps a son horloge biologique et en plus il réagit aussi émotionnellement (à la nourriture, l’environnement, la pollution, la fatigue). Si on n’en tient pas compte, comme c’est le cas dans la préparation physique axée sur l’intensité, pendant 10-15 ans, on remplit un sac qui devient de plus en plus lourd. Chez l’athlète le point de rupture arrive avec les blessures et chez la personne lambda avec un cancer après 50 ans. L’entraînement quotidien est une aberration, le corps a besoin de jours pour récupérer. Par exemple, les triathlètes s’entraînent beaucoup trop aujourd’hui, ils anesthésient leurs corps. Et pour améliorer toujours plus leurs performances, il leur faut ensuite avoir recours à des produits dopants qui polluent leur organisme. Un vrai cercle vicieux.

Que pensez-vous de l’approche paléo de la préparation physique présentée par le Dr Fabrice Kuhn ?

J’avais déjà pu expérimenter ce type de préparation, de manière empirique mais sur le plan théorique c’était encore un peu confus. J’ai trouvé la réflexion menée par le Dr Kuhn sur la génétique et l’évolution remarquable, j’ai appris des choses et aimé sa manière d’amener le sujet. J’avais une réticence sur le paléo, le régime que je connaissais, car personnellement je ne mange pas de viande mais tout ce que dit le Dr Kuhn a beaucoup de bon sens, c’est fouillé, documenté.

Au-delà de l'exercice paléo, les sportifs ont-ils intérêt à suivre un régime de type paléo ?

Pour moi bien s’alimenter consiste à donner à son corps ce pour quoi il est conçu. De quoi a besoin notre corps ? A priori pas de viande tous les jours. Il y a fort à parier que nos ancêtres chasseurs-cueilleurs n’avaient pas accès à de la viande quotidiennement. Par ailleurs leur viande avait un profil nutritionnel bien différent de celui des viandes d’aujourd’hui. Nous sommes des omnivores avec des intestins d’herbivores, nous ne sommes donc pas conçus pour être de gros mangeurs de protéines animales. Or aujourd’hui on mange 3 à 4 portions de protéines animales quand 1 est le maximum que le corps peut traiter. J’ai arrêté les laitages, ce qui a supprimé une source de protéines animales inutiles. En résumé, le régime paléo est plutôt bon pour le sportif si on diminue la viande (et qu’on la choisit plutôt bio, élevée au grand air).

Est-ce que les athlètes d’aujourd’hui mangent bien ?

Certains sont très bien conseillés dans ce domaine mais la majorité d’entre eux mangent trop et trop mal. En particulier des céréales. Les céréales chargent le corps en acidité et toxines. Il faut donc réduire la part des céréales, et les choisir bio de préférence pour réduire son exposition aux intrants chimiques. Je pense qu’une alimentation végétarienne faisant la part belle aux légumes et aux fruits, et dans une moindre mesure, aux céréales est idéale jusqu’à deux semaines d’un objectif sportif.

Après avoir arrêté votre carrière de sportif de haut niveau, quelles découvertes avez-vous fait sur le plan nutritionnel qui a changé le plus votre santé ?

Réduire la quantité de « féculents » et manger moins de viande. Quand on apprend à se faire plaisir avec les légumes, les fruits et les céréales, on gère beaucoup mieux et on améliore même ses performances. Manger beaucoup de céréales, en particulier le soir, fatigue beaucoup l’organisme qui doit gérer un afflux de toxines. En fait ça ajoute de la fatigue et perturbe la régénération naturelle du corps.

Que pensez-vous des sportifs qui se sont mis au « sans gluten » ? Effet de mode ou réel intérêt ?

Dans les années 1960-1990, la prescription massive d’antibiotiques, systématique même chez les nouveau-nés, en prévention, a détruit les bonnes bactéries intestinales d’une majorité de personnes. Sans compter l’exposition aux pesticides qui a des effets équivalents. Or 80% de notre immunité est contrôlée par notre microbiote, par la flore intestinale. En diminuant notre immunité avec les antibiotiques et les pesticides, on a réduit aussi notre capacité d’adaptation aux aliments. Et puis, pour ne rien arranger, les blés d’aujourd’hui sont des bêtes de concours, gorgés de gluten. Voilà pourquoi de nombreuses personnes n’ont plus l’aptitude physiologique à digérer le gluten, y sont sensibles. Il est donc tout à fait possible qu’arrêter le gluten agisse sur les performances.

Et que pensez-vous de l'éviction du lait ?

L’alimentation est le meilleur des dopages selon moi. L’éviction des laitages en constitue un bon exemple. C’est assez spectaculaire côté performances : on peut gagner 10% rien qu’en supprimant le lait de vache. La qualité des nutriments, des aliments, et l’éviction des allergies éventuelles sont les deux piliers d’une alimentation dopante naturellement.

Quelle est votre routine d’exercice physique aujourd’hui ?

Je fais du vélo, de la musculation de la course à pied, de la boxe et du yoga à raison de 10 heures par semaine environ. Je suis trop pris par mon travail d’auteur et de chroniqueur pour faire plus. Je ne fais pas non plus de coaching en ce moment.

* La méthode Fitnext, L’alimentation Fitnext, Et si on décidait d’aller bien, notamment, chez Solar.

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