Cancer de la prostate : les traitements sont souvent inutiles

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 20/09/2016 Mis à jour le 10/03/2017
Par rapport à la surveillance active d'un cancer localisé, les traitements ne diminuent pas la mortalité. 

En France, le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez l'homme, avec 71.000 nouveaux cas détectés en 2015. Mais le dépistage de ce cancer suscite de nombreux débats car le test PSA qui est utilisé peut détecter tous types de cancers, y compris des petits cancers peu évolutifs qu'on a tendance à traiter quand même. Le traitement du cancer de la prostate peut consister en une chirurgie (ablation de la prostate) ou en une radiothérapie. Or ces traitements peuvent entraîner des effets secondaires : incontinence, impuissance et cystite due aux radiations, qui affectent la qualité de vie des patients.

Lire : Cancer de la prostate : non aux traitements inutiles et invalidants 

C’est pourquoi certains médecins prônent plutôt une surveillance active : il ne s’agit pas de ne rien faire, mais d’effectuer un suivi régulier pour s’assurer que le cancer ne se développe pas brutalement. Mais la surveillance active est-elle sans danger ? Des expériences dans d’autres pays que la France apportent un éclairage nouveau.

Le traitement ne sauve pas plus de vies que la surveillance active

Une étude parue dans New England Journal of Medicine en 2016 a comparé pour la première fois la surveillance active, la chirurgie et la radiothérapie dans un groupe d’hommes qui avaient des niveaux élevés de PSA. 1.643 hommes avec un cancer localisé de la prostate ont été suivis pendant 10 ans. Certains se sont fait opérer (553), d’autres ont eu une radiothérapie (545) et les derniers ont été surveillés activement (545).

Dans les trois groupes, le taux de mortalité due à un cancer de la prostate a été de l’ordre de 1 % : 17 patients sont décédés, dont 8 dans le groupe en suivi actif, 5 dans le groupe opéré et 4 dans le groupe avec radiothérapie. Il n’y avait donc pas de différence de mortalité significative entre les trois groupes. Cependant, dans le groupe en surveillance active, il y a eu deux fois plus de cancers qui ont progressé que dans les groupes qui ont eu la chirurgie ou la radiothérapie.

Par conséquent, avant de décider quel traitement est le plus approprié, plusieurs paramètres doivent être pris en compte : l’agressivité du cancer, la santé du patient, son âge… Ainsi, des hommes âgés qui souffrent d’autres pathologies pourraient se contenter d’une surveillance active. Chez les hommes jeunes en bonne santé, le choix est plus difficile car le cancer risque plus de se développer au fil des ans. Les conséquences de l’opération doivent être prises en compte.

Lire le livre du Dr Laurent Schwartz : Cancer, un traitement simple et non toxique

 

Aux Etats-Unis on dépiste de moins en moins

En 2011, l’United States Preventive Services Task Force (USPSTF) a publié des recommandations s’opposant au dépistage de routine du cancer de la prostate avec le dosage PSA. Les conséquences ne se sont pas fait attendre : d'après un article de 2015 paru dans The Journal of Urology, les nouveaux diagnostics de cancer de la prostate ont diminué de 28 % dans l’année suivante.

Des chercheurs du Vanderbilt University medical Center ont voulu connaître l’effet des nouvelles recommandations de l’USPSTF aux Etats-Unis. Pour cela, ils ont relevé les nouveaux cas de cancers de la prostate diagnostiqués entre janvier 2010 et décembre 2012 dans les bases de données nationales du cancer. Ils ont analysé les diagnostics de cancers de la prostate par mois avant et après la diffusion des nouvelles recommandations, et les ont comparés aux évolutions des diagnostics de cancer du côlon.

En octobre 2011, l’USPSTF avait publié des recommandations décourageant l’utilisation du dépistage PSA de manière systématique car les effets négatifs seraient supérieurs aux bénéfices. Il y aurait trop de cas de surtraitements et de surdiagnostics.

Lire : Les experts américains déconseillent le dépistage du cancer de la prostate par PSA

L’incidence des diagnostics de cancer de la prostate a diminué de 1.383 cas par mois (12,2 %) le mois suivant les recommandations et a continué à baisser ensuite. 12 mois après la publication des recommandations, les diagnostics de cancers à faible risque avaient chuté de 37,9 % alors que les nouveaux diagnostics de cancer du côlon étaient restés stables. Les nouveaux diagnostics de cancer de la prostate ont aussi diminué de 23 à 29,3 % chez les hommes de plus de 70 ans. Or ceux-ci ne sont pas susceptibles de vivre assez longtemps pour bénéficier d’une détection précoce.

Les nouveaux diagnostics de cancers non-localisés (extracapsulaires, c’est-à-dire formant des métastases) n’ont pas changé. Mais la période d’observation était trop courte pour connaître véritablement l’impact sur les cancers de la prostate métastatiques. Cependant, pour Daniel Barocas, principal auteur de l’article, ces résultats soulèvent des interrogations. Le risque est de voir augmenter le nombre d’hommes diagnostiqués à un point avancé de la maladie. Les chercheurs craignent que des cancers à haut risque ne soient pas détectés pendant la fenêtre de temps où ils seraient curables.

En France, le surtraitement est bien réel

Une part non-négligeable des cancers de la prostate ne devraient pas être traités en France… C’est ce que révèle une étude menée par l’Inserm et le réseau français des registres de cancer. Dans cette étude, les chercheurs ont étudié les dossiers de 1 840 patients diagnostiqués en 2001 : 583 étaient en stade T1 (tumeurs précoces) et 1257 en stade T2 (tumeurs plus avancées). Pour savoir s’ils étaient face à un cas de surtraitement, les chercheurs ont comparé l’espérance de vie théorique des patients à leur espérance de vie avec cancer. Lorsqu’un patient avait une espérance de vie théorique plus courte que celle avec cancer, on pouvait estimer que le traitement était inutile.

9,3 à 22,2 % des patients au stade T1 étaient surtraités, contre seulement 2 % de ceux au stade T2. Parmi les patients T1 qui avaient subi une ablation de la prostate, le surtraitement était de 7,7 à 24,4 % ; ce pourcentage était de 30,8 à 62,5 % pour ceux qui avaient suivi une radiothérapie. Pour les patients qui présentaient des comorbidités, c’est-à-dire une ou plusieurs maladies en plus de leur cancer de la prostate, ces pourcentages étaient encore plus élevés. En définitive, ce seraient entre 3 200 et 4 800 patients qui seraient surtraités en France.

Pour aller plus loin, lire : Touche pas à ma prostate Dr Mark Scholz et Ralph H. Blum et Le régime cétogène contre le cancer (lire un EXTRAIT ICI  >>)

Sources

Hamdy FC, Donovan JL, Lane JA, Mason M, Metcalfe C, Holding P, Davis M, Peters TJ, Turner EL, Martin RM, Oxley J, Robinson M, Staffurth J, Walsh E, Bollina P, Catto J, Doble A, Doherty A, Gillatt D, Kockelbergh R, Kynaston H, Paul A, Powell P, Prescott S, Rosario DJ, Rowe E, Neal DE; ProtecT Study Group. 10-Year Outcomes after Monitoring, Surgery, or Radiotherapy for Localized Prostate Cancer. N Engl J Med. 2016 Sep 14.

Barocas DA, Mallin K, Graves AJ, Penson DF, Palis B, Winchester DP, Chang SS. The effect of the United States Preventive Services Task Force grade D recommendation against screening for prostate cancer on incident prostate cancer diagnoses in the US. J Urol. 2015 Jun 15. pii: S0022-5347(15)04209-3. doi: 10.1016/j.juro.2015.06.075.

Delpierre C, Lamy S, Kelly-Irving M, Molinié F, Velten M, Tretarre B, Woronoff AS, Buemi A, Lapôtre-Ledoux B, Bara S, Guizard AV, Colonna M, Grosclaude P. Life expectancy estimates as a key factor in over-treatment: the case of prostate cancer. Cancer Epidemiol. 2013 Aug;37(4):462-8. doi: 10.1016/j.canep.2013.03.014.

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