Certaines graisses aident à guérir après un infarctus

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 08/02/2013 Mis à jour le 24/05/2022
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Certaines graisses alimentaires aident à réparer le coeur et les reins après un infarctus.

La qualité des graisses alimentaires intervient dans la santé et la réparation des reins et du cœur après un infarctus selon plusieurs travaux. Parmi les graisses alimentaires, les huiles polyinsaturées sont très largement consommées. Elles comprennent des graisses riches en acide linoléique, un acide gras de la famille oméga-6 (huiles de tournesol, maïs, carthame, pépins de raisin, soja...) ou en un acide gras de la famille oméga-3, l'acide alpha-linolénique (huiles de lin, cameline, colza, noix...). Une fois ingérées, les unes et les autres donnent naissance à d'autres types de graisses :

  • les huiles oméga-6 engendrent des acides gras à longues chaînes comme l'acide arachidonique, et des médiateurs inflammatoires ; 
  • les huiles oméga-3 donnent naissance à des acides gras à longues chaînes comme l'acide docosahexaénoïque (DHA) et l'acide eicosapentaénoïque (EPA), et des médiateurs anti-inflammatoires. On peut aussi se procurer DHA et EPA directement dans les huiles de poisson.

Les acides linoléique oméga-6 et alpha-linolénique oméga-3 sont indispensables, mais on considère que dans l'alimentation, le ratio entre les deux familles devrait idéalement être proche de 1, en tous cas pas supérieur à 5. Mais sous la pression du marketing des aliments ultra-transformés (comme les margarines), la consommation d'oméga-6 est aujourd'hui 10 à 15 fois supérieure à celle d'oméga-3. Ceci pourrait avoir des conséquences en cas d'infarctus.

Lire : Comment échapper à l'infarctus et l'AVC, par le Dr Michel de Lorgeril

Des graisses qui abîment ou réparent coeur et reins  

Une équipe de chercheurs de l'Université de Floride du Sud (Tampa) vient de découvrir de quelles manières certaines graisses peuvent abîmer ou au contraire réparer le cœur après qu'il ait été endommagé. Le message clé de l'étude : l'acide docosahexaénoïque (DHA) oméga-3 agit de pair avec les enzymes de la rate pour éliminer l'inflammation dans un cœur endommagé par un infarctus. La rate joue un rôle important car elle envoie vers le coeur des cellules immunitaires asssociées à des graisses pour favoriser la réparation cardiaque après une blessure majeure telle une crise cardiaque.

La même équipe a montré qu'un apport alimentaire chronique et excessif en huile de carthame, une graisse de la famille oméga-6, peut entraîner une inflammation résiduelle de la rate, des reins, du cœur et la biosynthèse de médiateurs pro-inflammatoires après un infarctus. Les huiles végétales riches en oméga-6 sont largement utilisées dans les aliments ultra-transformés.

Lire : 5 comportements qui réduisent de 80 % le risque d'infarctus

Les chercheurs ont soumis 100 souris à un régime de 12 semaines d'aliments transformés riches en oméga-6. Puis 50 souris ont suivi un régime enrichi en DHA pendant les huit semaines suivantes avant de subir une chirurgie conduisant à un infarctus. Les souris nourries aux oméga-6 ont vu leur niveau d'inflammation augmenter, de pair avec des troubles rénaux. En revanche, les souris nourries au DHA ont connu une augmentation de la survie suite aux lésions cardiaques. Le DHA semble donc résoudre l'inflammation qui suit un infarctus, en synergie avec les enzymes de la rate. Les chercheurs de Tampa espèrent que ces derniers travaux "pourront apporter un nouvel éclairage sur le contrôle de l'inflammation chronique et le traitement de l'insuffisance cardiaque, une condition dégénérative dans laquelle le muscle cardiaque affaibli ne peut plus pomper suffisamment de sang pour répondre à la demande du corps en nutriments et en oxygène."

Il s'agit ici d'une étude expérimentale, mais ce mécanisme est soutenu par des données cliniques.

Les études d'intervention post-infarctus

La Sydney Diet Heart Study était une étude contrôlée qui s’est déroulée de 1966 à 1973. Dans cette étude, 458 hommes âgés de 30 à 59 ans, qui avaient connu un problème cardiovasculaire (infarctus, angine de poitrine) ont été divisés en deux groupes. Le premier a reçu pour consigne de faire baisser les graisses saturées à moins de 10% de l’apport énergétique et d’augmenter la part d’acide linoléique, qui est le chef de file de la famille oméga-6, en utilisant une huile et une margarine de carthame, pour atteindre 15% de l’apport calorique. L’huile de carthame n’apportant pas l’autre famille d’acides gras polyinsaturés, les oméga-3. Le second groupe n’a pas reçu de consignes particulières. Les deux groupes ont été suivis pendant 39 mois.

Les résultats montrent que par rapport au groupe de contrôle, le groupe « oméga-6 » a connu un risque de décès de toutes causes plus élevé de 62%. La mortalité cardiovasculaire augmente de 70% et la mortalité par maladie coronarienne de 74%.

Ce résultat est l’exact inverse de l’étude de Lyon conduite notamment par les Drs Serge Renaud et Michel de Lorgeril qui avait montré une baisse de la mortalité chez des patients cardiaques, avec une margarine « oméga-3 » à base d’huile de colza dans le cadre d’un régime de type méditerranéen.

Les conclusions de la Sydney Diet Heart Study et celles de l'Etude de Lyon suggèrent qu'après un infarctus, toutes les graisses ne se valent pas. Les acides gras oméga-6 sont indispensables mais lorsqu’ils sont en excès, ils pourraient favoriser les caillots sanguins et l’inflammation et nuire à la réparation du coeur. 

En pratique

Après un infarctus, il semble prudent de privilégier une alimentation plus riche en acides gras oméga-3, apportés par les noix, les graines de lin, les huiles de colza, lin et cameline, les poissons gras, coquillages, crustacés, les oeufs de poules nourries aux graines de lin. Vous pouvez vous faire conseiller par un diététicien-nutritionniste. Des suppléments d'huile de poisson ou d'oméga-3 végétaux peuvent être prescrits le cas échéant (il peut y avoir des contre-indications à ces compléments, notamment en cas de traitement anticoagulant).

Pour aller plus loin, lire les deux ouvrages de référence : Comment échapper à l’infarctus et l’accident vasculaire cérébral Dr Michel de Lorgeril et La diététique anti-infarctus (S.Pichon & LaNutrition.fr)

Source

Ramsden CE, Zamora D, Leelarthaepin B, Majchrzak-Hong SF, Faurot KR, Suchindran CM, Ringel A, Davis JM, Hibbeln JR. Use of dietary linoleic acid for secondary prevention of coronary heart disease and death: evaluation of recovered data from the Sydney Diet Heart Study and updated meta-analysis. BMJ. 2013 Feb 4;346:e8707.

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