Cette plante anxiolytique servie à François Hollande est interdite en France

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 23/02/2016 Mis à jour le 10/03/2017
Actualité
A Wallis, François Hollande a apprécié sa coupe de kava, une boisson "magique" qui est interdite en France métropolitaine.

Le kava (Piper methysticum) est une plante indigène des îles du Pacifique Sud (Hawaii, Vanuatu, Polynésie, Mélanésie et certaines parties de la Micronésie), où un extrait de son rhizome est couramment utilisé pour préparer une boisson traditionnelle à des fins sociales et récréatives. Le 22 février 2016, en visite à Wallis et Futuna François Hollande s’est vu servir une coupe de kava par les autorités coutumières. Il l’a bue d'un trait.

Dans les pays occidentaux, les compléments alimentaires contenant du kava sont promus pour soulager le stress et l'anxiété mais aussi contre l'insomnie et les symptômes de la ménopause.

Quelques minutes après avoir bu son kava, François Hollande a fait ce commentaire :"Je l'attendais parce qu'on m'avait prévenu de ce qu'elle pouvait représenter. Alors je vais voir maintenant si elle a des effets bénéfiques, vertueux. Je vous dirai dans quelques jours comment je me ressens après cette potion qui est presque magique !"

Des effets peut-être "bénéfiques" pour le Président, mais dont ses concitoyens de métropole sont privés. En effet, après que des cas d'hépatotoxicité sévères ont été décrits aux Etats-Unis et en Europe chez des personnes ayant consommé du kava, l’Agence du médicament (Afssaps) a interdit le 9 janvier 2002 la délivrance et l’utilisation de produits de phytothérapie contenant cette plante. Bizarrement, cette interdiction au nom de la santé publique ne s’applique pas aux habitants des Territoires français du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, Polynésie française).

En fait, le mécanisme d'hépatotoxicité du kava n’a pas été clairement élucidé et des doutes sérieux planent sur la responsabilité de la plante. Quelques auteurs ont mis en cause les méthodes d’extraction par des fabricants peu scrupuleux (utilisation des parties aériennes de la plante) et son association avec certains médicaments. D'autres, comme le Pr Edzard Ernst (université d'Exeter, GB) pensent que le kava n'a pas de responsabilité dans les cas d'hépatotoxicité rapportés. Aux États-Unis, la FDA a choisi d'informer les consommateurs d'un risque potentiel en 2002, mais le kava n’y a pas été interdit, pas plus qu’en Australie, en Nouvelle-Zélande et des dizaines d’autres pays.

Selon une méta-analyse du groupe indépendant Cochrane, le kava apparaît aussi efficace que les médicaments de l'anxiété (même si les études sont encore peu nombreuses). Et en plus, il est dénué d’effets indésirables à court et moyen terme (6 mois). Le kava a toujours représenté une menace pour le marché des anxiolytiques et autres antidépresseurs. Les fonctionnaires de l'Agence du médicament, ceux-là même qui ont autorisé et laissé sur le marché le Vioxx et le Mediator, ne l'ont pas raté.

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Photo : Gonzague de la Bourdonnaye, DR.

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