Comment le régime cétogène s’attaque au cancer

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 09/05/2016 Mis à jour le 10/03/2017

Le régime cétogène représente un espoir de lutte contre certains cancers ; il agit en supprimant le carburant des cellules cancéreuses : le glucose et la glutamine.

Le régime cétogène est un régime pauvre en glucides (moins de 50 g par jour), très riche en graisses, avec suffisamment de protéines. Il est efficace dans l'épilepsie, et pourrait être utile dans les maladies neurodégénératives comme Parkinson et Alzheimer. Comme les cellules cancéreuses sont consommatrices de sucre, ce régime pourrait aussi ralentir le cancer selon certains chercheurs. Voici pourquoi.

Le cancer est causé par des mutations qui provoquent la prolifération incontrôlable des cellules. Mais certains biologistes pensent que ces mutations ne conduisent pas toujours à la maladie et que le cancer est lié à la fois à un problème de production d’énergie et de génétique. Cette idée n’est pas nouvelle : elle date de 1920, quand le Pr Otto Warburg, prix Nobel de physiologie 11 ans plus tard, décrivait le métabolisme particulier des cellules cancéreuses. Selon lui, au lieu de produire de l’énergie en utilisant de l’oxygène comme les cellules normales, les cellules cancéreuses préfèrent la fermentation, un mécanisme anaérobie, sans oxygène.

Le professeur de biologie du Boston College, Thomas Seyfried, un des principaux adeptes de la théorie métabolique du cancer, a repris les résultats d’Otto Warburg et publié un livre à ce sujet. Il explique qu’un métabolisme aberrant peut parfois conduire au cancer. D’où l’idée de limiter les « carburants » des cellules cancéreuses (glucose et glutamine), pour aider au traitement. Les mitochondries, les organites qui produisent de l’énergie à l'intérieur de chaque cellule, joueraient donc un rôle important dans le cancer.

Lire : Cancer : vers un progrès décisif?

Ces théories se basent aussi sur des travaux qui ont montré que le transfert d’un cytoplasme de cellule normale vers une cellule cancéreuse tend à supprimer le cancer. D’après Thomas Seyfried, « si vous regardez les données, on peut dire qu'il existe des preuves claires que le cancer est une maladie génétique puisque nous pouvons hériter des mutations associées à un risque accru de cancer, mais beaucoup de ces mutations perturbent la respiration cellulaire. Et beaucoup de causes non héréditaires de cancer altèrent la fonction mitochondriale. »

C’est pourquoi le chercheur s’intéresse au potentiel des approches alimentaires pour contenir la maladie comme le régime cétogène qui "affame" les cellules cancéreuses en les privant de glucose. Ce régime ne peut venir qu’en complément des thérapies existantes, l’idée étant de ralentir la tumeur pour qu’elle soit vulnérable à des doses plus faibles de médicaments. 

L'implication des mitochondries dans le cancer

Des chercheurs de l’université Emory (Atlanta) expliquent que des mutations de l’ADN mitochondrial contribuent au cancer de la prostate. En effet, de nombreuses tumeurs produisent des dérivés réactifs de l’oxygène et des mutations de l’ADN mitochondrial peuvent augmenter cette production d’oxygène réactif et contribuer à la formation d’une tumeur.

En introduisant une mutation de l’ADN mitochondrial dans des cellules de cancer de la prostate, les chercheurs ont observé chez la souris que les mutants donnaient des tumeurs 7 fois plus grosses. Ces tumeurs produisaient aussi plus de dérivés réactifs de l’oxygène. D’après les auteurs, les mutations de l’ADN mitochondrial joueraient un rôle important dans le cancer de la prostate. Voici une autre preuve de l'implication des mitochondries dans le cancer.

Mutations liées au cancer et métabolisme cellulaire

Dans un article de 2016, des chercheurs du Memorial Sloan Kettering President affirment eux aussi que les cellules cancéreuses ont un métabolisme anormal qui désordonne le cycle cellulaire. Ils expliquent que de nombreux gènes impliqués dans le cancer (les oncogènes) ont des effets directs sur le métabolisme. Par exemple, les oncogènes AKT et RAS augmentent la consommation de glucose par les cellules. D’autres gènes associés à des cancers, comme MYC et Rb, stimulent la prise d’acides aminés (comme la glutamine).

Des médicaments qui servent dans d’autres maladies comme la metformine (utilisée pour le diabète) pourraient donc aider aussi à combattre le cancer.

Lire : "Le régime cétogène est encore trop peu connu des malades du cancer"

Vers un régime anticancer ?

Consommer moins de glucides et de calories pourrait aider à prévenir et contrôler le cancer, par la voie métabolique, et augmenter l'efficacité des traitements classiques. C’est la conclusion de chercheurs chinois qui ont étudié les effets de la restriction calorique, du régime cétogène et du jeûne intermittent chez l'animal, dans un article paru dans la revue PLOS One, dans lequel les scientifiques ont réalisé une revue systématique de 59 études.

La restriction calorique consiste à diminuer la consommation d'énergie totale sans malnutrition, ce qui suppose d'administrer des suppléments de vitamines et minéraux pour prévenir les déficits. La restriction calorique peut prévenir la formation de tumeurs en limitant le métabolisme et les dommages oxydatifs.

Dans cette analyse, 90,9 % des études montraient que la restriction calorique avait un rôle anticancer. Les auteurs signalent aussi qu’une méta-analyse sur la restriction calorique et les cancers du sein a montré que les souris restreintes en énergie développaient 55 % de cancers du sein en moins que les témoins.

Le régime cétogène semblait lui aussi efficace contre le cancer.

Il manque encore de nombreuses études chez l'homme pour préciser l'intérêt du régime cétogène : type de tumeurs pouvant y être sensible, catégorie de patients y répondant bien, modalités optimales, etc... Si ce sujet vous intéresse, vous pouvez lire le livre Le régime cétogène contre le cancer (un extrait ICI  >>)

Sources

Cancer as a Metabolic Disease. Thomas Seyfried. 2012

Petros JA, Baumann AK, Ruiz-Pesini E, Amin MB, Sun CQ, Hall J, Lim S, Issa MM, Flanders WD, Hosseini SH, Marshall FF, Wallace DC. mtDNA mutations increase tumorigenicity in prostate cancer. Proc Natl Acad Sci U S A. 2005 Jan 18;102(3):719-24.

Pavlova NN, Thompson CB. The emerging hallmarks of Cancer metabolism. Cell Metab. 2016 Jan 12;23(1):27-47. doi: 10.1016/j.cmet.2015.12.006.

Lv M, Zhu X, Wang H, Wang F, Guan W. Roles of Caloric Restriction, Ketogenic Diet and Intermittent Fasting during Initiation, Progression and Metastasis of Cancer in Animal Models: A Systematic Review and Meta-Analysis. PLoS One. 2014 Dec 11;9(12):e115147. doi: 10.1371/journal.pone.0115147. eCollection 2014.

A découvrir également

Back to top