De nombreux médicaments contre le cancer n'améliorent ni la survie ni la qualité de vie

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 18/12/2015 Mis à jour le 10/03/2017
Une grande partie des derniers anticancéreux approuvés aux Etats-Unis (et en Europe) n'ont pas été évalués correctement.

Ces dernières années, la plupart des médicaments ayant reçu l’approbation de la FDA (Food and Drug Administration) aux Etats-Unis pour le traitement du cancer n’auraient pas fait la preuve de leurs bénéfices. C’est ce qu’affirment deux chercheurs dans un article paru dans JAMA Internal Medicine qui pointe du doigt des traitements potentiellement inefficaces et dangereux.

Pour être approuvé par les autorités sanitaires, un médicament doit faire la preuve de son efficacité. Dans le cas du cancer, les critères les plus importants sont l'espérance de vie et la qualité de vie, ce qui suppose un suivi à long terme des patients après le traitement. En pratique, ce suivi fait souvent défaut dans les études cliniques qui servent à l'approbation des nouveaux médicaments.  Elles s'en tiennent souvent à des critères accessoires (« surrogate markers »). Il peut s’agir de marqueurs biologiques (évalués sur la tumeur ou dans le sang) ou cliniques, comme la survie sans progression (PFS en anglais) ou la survie sans récidive (DFS).

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Dans cet article, les auteurs ont analysé les études fournies par les fabricants de médicaments anti-cancer approuvés au cours de cinq années par la FDA. Ils ont ainsi montré que 36 médicaments approuvés sur 54 (67 %) entre 2008 et 2012 l’ont été sur la base de critères accessoires, comme le taux de réponse de la tumeur (la proportion des patients dont la tumeur diminue ou disparaît) ou la survie sans récidive. La réduction de la taille de la tumeur et le taux de réponse ont été utilisés comme critère d'évaluation pour 19 des 36 médicaments (53%) et le PFS ou le DFS dans les autres cas. Globalement ces médicaments anti-cancer détruisent bien des cellules tumorales et les tumeurs diminuent sous leur effet. Mais comme ces médicaments peuvent aussi tuer des cellules saines, il serait important de savoir s'ils améliorent vraiment la survie.  

Les chercheurs ont ensuite analysé la littérature médicale concernant ces molécules pour savoir si ces molécules ont finalement amélioré la survie globale des patients qui les ont reçues (suivi moyen de 4,4 ans). Cela était le cas pour 5 des 36 médicaments approuvés selon des critères accessoires, comme par exemple le vismodegib, approuvé en 2012. En revanche, 18 médicaments n'ont montré aucun bénéfice sur la survie globale. Et pour 13 autres médicaments, aucune information n'était disponible, c'est-à-dire qu'on ne sait toujours pas si ces médicaments sont efficaces ou pas.  

Pour Diana Zuckerman du National Center for Health Research à Washington, qui s’exprime dans Medscape, « La FDA fait tellement d'efforts pour plaire au Congrès et à l'industrie qu’elle approuve des médicaments sur la base de preuves fragiles, et les patients sont mis à mal. »

En 2015, le projet de loi américain « 21st Century Cures Act » encourage l’utilisation des critères accessoires pour accélérer la mise sur le marché des médicaments. Mais des opposants à cette loi affirment que cela permettra à des produits inefficaces ayant des effets secondaires d’entrer sur le marché. Ainsi, le bevacizumab (Avastin) a reçu une approbation sur la base du critères de survie sans aggravation sur des patientes ayant un cancer du sein métastatique. Mais plus tard d’autres résultats ont montré qu’il n’y avait aucune amélioration de la survie et que le médicament était toxique, avec des effets secondaires graves mettant leur vie en danger. Le médicament a été retiré du marché en 2011 aux Etats-Unis. L'everolimus, approuvé en 2012 pour le traitement du cancer du sein l'a été sur la base des critères PFS et DFS, mais pas celui de la survie globale. Or, explique l'un des auteurs de cette étude, c'est un médicament toxique, avec de nombreux effets secondaires.

Lire un extrait de "Le régime cétogène contre le cancer"

Source

Kim C, Prasad V. Cancer Drugs Approved on the Basis of a Surrogate End Point and Subsequent Overall Survival: An Analysis of 5 Years of US Food and Drug Administration Approvals. JAMA Intern Med. 2015 Dec 1;175(12):1992-4. doi: 10.1001/jamainternmed.2015.5868.

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