Eau du robinet plus sel de table : un cocktail toxique ?

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 01/12/2015 Mis à jour le 10/03/2017
Le fait de cuisiner avec de l’eau du robinet et du sel de table conduit à la formation de nouveaux composés qui pourraient s’avérer néfastes pour notre santé

Une nouvelle étude parue dans la revue Water Research rapporte que cuisiner avec de l’eau du robinet chloraminée pourrait introduire des toxines relativement nuisibles dans notre alimentation. L’étude révèle en effet la présence de molécules presque entièrement nouvelles pour les scientifiques et qui sont formées lors de la cuisson en présence d’eau du robinet chloraminée et de sel de table iodé.

Notre eau du robinet est désinfectée avant que nous la buvions ou que nous l’utilisions pour cuisiner. Cela se fait de plusieurs façons notamment en ajoutant du chlore ou des molécules appelées chloramines, formées à partir d’ammoniac. Ces deux processus –chloration et chloramination-ont un effet sur la composition chimique de l’eau.

Le chlore et les chloramines qui se trouvent dans l’eau du robinet peuvent réagir avec le sel de table iodé ajouté aux aliments lorsque nous cuisinons, conduisant à la formation d’une forme d’acide appelé acide hypoiodeux. Cela ne représente pas une source de préoccupation en soi mais cet acide peut réagir ensuite, lors de la cuisson, avec les aliments ou d’autres matières organiques présentes dans l’eau du robinet pour former des sous-produits de désinfection iodés (iodinated disinfection byproducts I-DBPs).

"Les I-DBPs formés pendant la cuisson à partir d’eau chlorée ou chloraminée représentent quelque chose de nouveau pour les chimistes de l’environnement, les toxicologues et les ingénieurs" disent les chercheurs.

Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont identifié certaines molécules et testé leur toxicité. Pour cela, ils ont simulé la cuisson avec différents types d’eau du robinet (chlorée ou chloraminée) à des températures et des durées de cuisson variables et ils ont ajouté de la farine de blé et du sel iodé pour déterminer quels I-DBPs seraient formés.

Les chercheurs ont identifié 14 molécules complètement nouvelles et ont déterminé la structure de 9 molécules. Ils ont ensuite réalisé des tests pour déterminer la toxicité de ces 9 molécules et ils ont découvert que certaines de ces molécules sont 50 à 200 plus toxiques que d’autres.

« D’autres études sont nécessaires pour en savoir plus sur ces molécules et leur effet, notamment sur notre santé » expliquent les auteurs. « Nous avons d’ores et déjà émis des suggestions pratiques pour limiter leur formation pendant la cuisson ».

Les conditions de cuisson, comme le type d’eau du robinet et le sel utilisé, la température et la durée de cuisson, ont un effet sur la formation des I-DBPs. Dans l’étude, ces molécules sont présentes dans l’eau de cuisson lors de la simulation a des concentrations variables allant de 0,72 à 7,63 µg/L, montrant que le fait d’ajuster les conditions de cuisson peut permettre de minimiser la formation de ces sous-produits.

« Il vaut mieux cuisiner avec de l’eau du robinet chlorée que chloraminée et utiliser du sel de table enrichi en iodate de potassium plutôt qu’en iodure de potassium. Cuisiner à des températures plus faibles pendant moins longtemps permet également de limiter la formation des I-DBPs » concluent les chercheurs.

L'avis de LaNutrition.fr. Cette étude s'ajoute à celles pointant vers un risque possible de la consommation d'eau du robinet désinfectée avec des substances chlorées. En effet, cette eau donne naissance à des trihalométhanes. L'exposition aux trihalométhanes par ingestion, inhalation ou par la peau (douches, bains) est liée à un risque accru de cancer de la vessie sans qu'une preuve formelle ait été apportée.

Lire sur le même sujet : Eau en bouteilles, eau du robinet, quelles différences ?

Source

Pan Y, Zhang X, Li Y. Identification, toxicity and control of iodinated disinfection byproducts in cooking with simulated chlor(am)inated tap water and iodized table salt. Water Res. 2015 Oct 8;88:60-68. doi: 10.1016/j.watres.2015.10.002. [Epub ahead of print]

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