Environnement nutritionnel in utero : essentiel pour la santé des générations futures ?

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 28/07/2014 Mis à jour le 10/03/2017
Actualité
Une étude indique que, chez la souris, la malnutrition lors de la gestation affecte la qualité du sperme de sa progéniture et potentiellement la santé métabolique des générations futures

L’environnement in utero joue un rôle important dans le développement du fœtus, sa santé future et même celle des générations à venir. Une nouvelle étude parue dans la revue Science révèle que la malnutrition d’une souris femelle pendant sa gestation peut causer des modifications du sperme chez ses descendants mâles et potentiellement affecter la santé métabolique des générations futures. Ce changement serait lié à l’épigénétique, c’est-à-dire qu’il proviendrait d’une modification de l'expression des gènes sous l’influence de facteurs environnementaux.

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Le diabète, l’obésité et les maladies cardiovasculaires ont connu une hausse rapide de leur incidence au cours des dernières années. Ce sont principalement des facteurs environnementaux (alimentation, tabac, manque d’activité physique…) qui contribuent au risque de ces maladies.

Des données épidémiologiques et des études sur des modèles animaux ont montré que la petite enfance est une période clé de « plasticité phénotypique » (modification du phénotype en fonction de facteurs environnementaux), essentielle pour la santé métabolique à l’âge adulte. Cet impact de l’environnement lors de la petite enfance s’étend sur plusieurs générations dans les populations humaines et les modèles animaux. Deux mécanismes peuvent expliquer cette transmission phénotypique : l’exposition du fœtus pendant son développement aux altérations du milieu métabolique parental et l’hérédité épigénétique.

Le mécanisme responsable de la transmission de phénotypes modifiés par des facteurs environnementaux est inconnu mais des transmissions par le père d’altérations de la méthylation de l’ADN ont été rapportées précédemment. Le phénomène de méthylation de l’ADN influence en effet l’expression des gènes.

Dans cette étude, les chercheurs ont diminué de moitié le nombre de calories ingérées par des souris lors de leur dernière semaine de gestation. Dans ces modèles, des études précédentes ont montré que la première génération présente un faible poids de naissance, un nombre réduit de cellules musculaires, une fonction pancréatique affaiblie et une intolérance au glucose progressive. La deuxième génération (issue des mâles de la première génération) présente également un faible poids de naissance et une intolérance au glucose en l’absence de toute nouvelle perturbation extérieure.

La restriction calorique subie par les embryons mâles de la première génération à un moment clé du développement pourrait avoir altéré la méthylation de l’ADN des cellules germinales (sperme). Pourtant ces différences de méthylation ne sont pas retrouvées dans les tissus de la deuxième génération même si l’expression du gène est modifiée. Ceci suggère que ces changements pourraient éventuellement disparaître.

Cette étude suggère que l’environnement nutritionnel de la mère pendant la grossesse peut conduire à des modifications de l’ADN qui contribueraient à la transmission entre générations de troubles métaboliques induits par des facteurs environnementaux et associés à des maladies comme le diabète, l’obésité, les maladies cardiovasculaires…

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Source

Elizabeth J. Radford, Mitsuteru Ito, Hui Shi, Jennifer A. Corish, Kazuki Yamazawa, Elvira Isganaitis, Stefanie Seisenberger, Timothy A. Hore, Wolf Reik, Serap Erkek, Antoine H. F. M. Peters, Mary-Elizabeth Patti, Anne C. Ferguson-Smith. In utero undernourishment perturbs the adult sperm methylome and intergenerational metabolism. Science, july 2014.

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